Comment est financée la vie politique française ? Le Monde.fr a décrypté les flux échangés entre les principaux partis politiques et leurs formations satellites en 2008, tels que détaillés par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Nous nous sommes intéressés à tous les camps, mais nous commencerons par le système le plus complexe, celui de l’UMP, avant d’évoquer les partis de gauche dans une autre série d’articles. Les échanges financiers que nous avons pu analyser sont révélateurs de pratiques qui, si elles restent légales, posent des questions éthiques.
Plus de 7 millions d’euros de dons
Les partis politiques tirent leurs recettes de quatre principaux postes : le financement public, les cotisations des adhérents, les contributions des élus et les dons de personnes physiques. Ces derniers sont plafonnés pour un parti à 7 500 euros par personne et par an, dans une limite de 20 % des revenus imposables. Un plafond "qui laisse beaucoup de marge de financement pour les grosses fortunes, qui bénéficieront par ailleurs, sur leur déclaration de revenus, d’une soustraction des deux tiers des sommes apportées aux partis politiques", souligne François Logerot, premier président honoraire de la Cour des comptes.
Effet du fameux "premier cercle" des riches donateurs ? L’UMP est sans conteste le parti qui a reçu en 2008 les dons de particuliers les plus importants : 7 409 001 euros, contre 1 697 237 euros pour le PS. Le parti présidentiel dispose également de la plus importante dotation de l’Etat, calculée en fonction notamment des résultats aux élections législatives : 34 484 473 euros, contre 22 702 818 pour le PS. Cette manne permet au parti de moins taxer ses élus : le PS prélève 13 166 686 euros de ses membres élus de la République, l’UMP seulement 1 721 280. De même, la cotisation des adhérents rapporte 12 369 123 euros au PS, 5 437 415 à l’UMP.
178 332 euros de dons en provenance des petits partis
"La loi sur le financement des partis fixe ce qui est interdit, poursuit François Logerot, les entreprises, les associations, les collectivités publiques ne sont pas autorisées à financer un candidat ou un parti." Mais des partis politiques peuvent transmettre de l’argent à d’autres partis.
En 2008, l’UMP a ainsi reçu de l’argent de plusieurs formations de ses élus ou membres du gouvernement. Les caisses du parti présidentiel ont été créditées de 19 942 euros en provenance du Parti radical de Jean-Louis Borloo, ministre de l’écologie, ainsi que de 26 250 euros du Forum des républicains sociaux de l’ancienne ministre du logement et la ville, Christine Boutin. Argenteuil que nous aimons, parti du député Georges Mothron, a déboursé 1 870 euros au profit de l’UMP.
Mais les sommes les plus notables viennent de Marseille : Cap sur l’Avenir 13, créé en 2001 par Renaud Muselier, député des Bouches-du-Rhône, a donné 10 000 euros au parti présidentiel. Une paille à côté des 120 000 euros que l’Union républicaine et d’actions communautaires, présidée par le maire de Marseille, Jean-Claude Godin, a versé en 2008 à l’UMP. Au total, le parti présidentiel a reçu 178 332 euros de ces petits partis.
Si son ampleur paraît limitée au regard des flux financiers, ce système permet à un donateur particulièrement riche de contourner la limite des 7 500 euros fixée par la loi, en donnant à l’UMP et à autant de formations satellites qu’il le souhaite. "Chaque année, ces partis thésaurisent de l’argent, cumulent en attendant l’échéance électorale, puis au moment venu, transfèrent les sommes vers le parti central, constate François Logerot. Le quasi-déplafonnement de cette niche fiscale est un détournement de l’esprit de la loi sur le financement des partis, la commission le répète depuis 1995."
Le Parti radical, grand gagnant de la générosité de l’UMP
En 2008, le parti présidentiel disposait de 52 108 172 euros de recettes. Plombé par la campagne de 2007, qui lui a laissé un déficit de 29 millions, l’UMP a tout de même trouvé 2 405 147 euros à donner à plusieurs clubs et petites formations.
Premier bénéficiaire de la générosité de l’UMP : le Parti radical de Jean-Louis Borloo, qui a touché un million d’euros du parti présidentiel. C’est la plus grosse donation du parti. Ensuite viennent les subventions aux partis associés : 200 000 euros pour le Nouveau Centre d’Hervé Morin, grand adepte des financements complexes, 150 000 euros pour le Forum des républicains sociaux de Christine Boutin, 100 000 euros pour La Gauche moderne, le parti de Jean-Marie Bockel, 100 000 également aux Progressistes, le mouvement d’Eric Besson.
Charles Pasqua, heureux bénéficiaire
MM. Bockel et Besson, actuellement au gouvernement, sont moins bien dotés que d’autres hommes politiques dont l’activité est pourtant moindre. Ainsi, Charles Millon, ancien président du conseil régional de Rhône-Alpes, a touché 123 426 euros pour son parti, la Droite libérale chrétienne. Charles Pasqua, qui fut l’un des mentors politiques de Nicolas Sarkozy, a touché quant à lui 160 000 euros de l’UMP pour son Rassemblement pour la France et l’indépendance de l’Europe, parti à l’activité pourtant peu visible.
Quelques petits clubs ne sont pas oubliés : France 9, de François Fillon, a ainsi reçu 60 000 euros. Dialogue initiative, animé par Jean-Pierre Raffarin, a récupéré 100 000 euros. L’association pour la réforme, club d’Edouard Balladur, a touché 76 000 euros. Enfin, l’Association de soutien à l’action d’Eric Woerth (Asaew), alors trésorier de l’UMP, a été dotée de 11 250 euros en 2008, s’ajoutant aux 55 000 euros de l’exercice précédent. L’état de grâce est passé pour Le Chêne, de Michèle Alliot-Marie, qui fut un temps candidate à la présidentielle de 2007. Son parti qui avait reçu 95 000 euros en 2007 n’a rien obtenu l’année d’après.
Au sein de l’UMP on se refuse à toute explication sur la nature des accords passés entre l’UMP et ses satellites. Pour sa part, la commission rappelle la loi : "Notre rôle est de surveiller les origines des ressources des partis politiques, pas de contrôler leurs dépenses."