Sur la ligne sioniste d’Éric Zemmour, l’écrivain Alain Finkielkraut acte son complet revirement par rapport à l’immigration, qui était une nécessité humaniste antiraciste et anti-FN dans les années 80, et qui est devenue un danger mortel depuis les attentats « islamistes » de 2015-2016.
Si chacun a le droit d’évoluer, il faut admettre que tout le clan pro-sioniste français très présent dans les médias – il y évolue en toute liberté et parfois en toute impunité – s’exprime dans le même sens et dans un bel ensemble. La thèse anti-immigrationniste du FN, portée courageusement par Jean-Marie Le Pen il y a 30 ans, est devenue tendance aujourd’hui, sauf lui.
Le clan pro-sioniste s’en est emparé, mais dans un objectif qui diffère de celui de l’ex-président du FN. Il s’agit de monter le peuple de France contre ses musulmans. Des musulmans majoritairement français et majoritairement pacifiques, rappelons-le.
C’est à la faveur de la terreur « islamiste » aux mystérieux commanditaires (on n’en a toujours pas trouvé de vivant), que le sentiment anti-musulman est avivé par cet influent clan dans nos médias très pavloviens, avec un chantage à la clé : la résistance à l’égorgeur islamiste/musulman (le saut est vite fait) sur le modèle israélien – même s’il n’est pas nommé – ou la mort. Un choix qui ne laisse apparemment pas le choix.
« Il est clair que l’Occident aujourd’hui bat en retraite et qu’il est de plus en plus contesté. Une minorité au sein de l’Islam pense que, l’Islam ayant été à l’origine une religion conquérante, l’heure est venue aujourd’hui de la reconquête. Et cet islamisme joue sur le sentiment de culpabilité d’un Occident naguère encore colonialiste et impérialiste. »
Comprendre en creux que si l’Occident bat en retraite, Israël, lui, reste ferme devant cette religion conquérante que serait l’islam contemporain. Si l’on suit le raisonnement de Finkielkraut, il faudrait donc ne pas culpabiliser d’être colonialiste et impérialiste face à un impérialisme destructeur... Et cela tombe bien car le colonialisme et l’impérialisme sont les deux mamelles du Grand Israël !
Des paroles guerrières étonnantes dans la bouche d’un philosophe. Après avoir instrumentalisé l’antiracisme contre le patriotisme français pendant trois décennies (1984-2006), le lobby sioniste instrumentalise désormais le patriotisme français contre l’antiracisme (à partir de 2006 et l’affaire Ilan Halimi).
Alain Finkielkraut a conservé toute la capacité d’indignation de sa jeunesse. Et une certaine propension à l’inquiétude. Le philosophe et essayiste français, membre de l’Académie française, est habité par une subtile nostalgie pour un passé qui n’est plus.
Respecté à travers le monde bien que parfois contesté en France, Alain Finkielkraut ne cesse d’égrener et d’analyser les menaces qui mettent aujourd’hui en péril les équilibres des sociétés européennes. Il le fait en cherchant méticuleusement les mots justes, dans un effort de lecture de la réalité qui semble lui paraître à la fois essentiel et très douloureux.
De nombreux intellectuels rejettent la théorie de Samuel Huntington se basant sur le présupposé « choc des civilisations ». Le font-ils parce qu’ils la considèrent infondée d’un point de vue historico-scientifique ou parce qu’elle est si intrinsèquement en contraste avec leur vision d’une société égalitaire et pacifiée ?
De nombreux intellectuels européens sont encore hantés par l’histoire du vingtième siècle et particulièrement par la Seconde Guerre mondiale. La religion qu’ils professent est la religion de l’humanité. Par peur de réveiller les vieux démons, ils refusent de prendre en compte la division de l’humanité en civilisations. Or, le multiculturalisme qui est souvent proposé aujourd’hui n’est que le simple métissage des musiques et des cuisines. On célèbre d’un côté le multiculturalisme et de l’autre on ne prend plus les cultures au sérieux.
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Vous avez déclaré qu’« une société multiculturelle est une société multiconflictuelle ». Une nation, aujourd’hui, n’est-elle pas condamnée à l’ouverture ?
Je n’aime pas l’idée qu’une nation soit condamnée à quoi que ce soit : c’est la preuve qu’elle n’est plus maîtresse de son destin. Prenons le cas français. La France a choisi la voie de l’assimilation. Elle voulait offrir aux nouveaux arrivants la possibilité de s’imprégner de l’histoire et de la culture nationales, pas les fondre dans le même moule. Or, cette assimilation est remise en question par un nombre grandissant d’immigrés et d’enfants d’immigrés qui s’insurgent contre la civilisation française.
Le résultat : la société crispée et violente et le séparatisme culturel croissant d’aujourd’hui. Les Français autochtones des classes moyennes ou pauvres se sentent devenir minoritaires. Ils ne se sentent plus chez eux. Je ne sais pas si une société multiculturelle est toujours multiconflictuelle mais je ne peux qu’être inquiet de la fragmentation et de la dislocation du tissu social, en France comme dans d’autres pays européens.
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Et dans le cas des États-Unis ?
Les Américains qui ont voté pour Trump ont toutes les raisons d’exprimer leur fureur. La majorité blanche se sent devenir inéluctablement minoritaire ; des régions entières se désindustrialisent et les gagnants de la mondialisation ont vis-à-vis des perdants, aux États-Unis comme en Grande-Bretagne, une attitude stupidement arrogante. La différence est que Trump, celui qui a su canaliser ce désespoir, est un pitre, un histrion, un homme violent et pulsionnel. Avec le prétexte de combattre le politiquement correct, il combat le tact, la nuance, la complexité, le savoir, la civilisation elle-même. C’est un très dangereux démagogue.
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L’Italie et la Grèce, pour des raisons essentiellement géographiques, sont en train de porter le poids des récentes vagues migratoires alors que plusieurs pays de l’Union refusent la répartition des migrants selon le système de quotas établi. Que faire ?
C’est une question extrêmement délicate. Il faut absolument ralentir l’immigration et se donner même pour objectif de l’arrêter. Certes, le droit d’asile doit continuer d’être appliqué mais l’immigration économique ne doit plus être favorisée de quelque façon que ce soit. Sinon nous avons deux avenirs possibles : la soumission, pour parler comme Houellebecq, ou la guerre civile. Il faut un ressaisissement de l’Europe. Elle se pensait comme une sorte de processus en expansion indéfini, elle doit maintenant tracer ses frontières et savoir les défendre.
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Croyez-vous que l’Occident, après avoir influencé pendant des siècles le reste du monde avec sa vision, sa technique et sa volonté de puissance est en train de s’engager sur la pente descendante de son histoire ?
Il est clair que l’Occident aujourd’hui bat en retraite et qu’il est de plus en plus contesté. Une minorité au sein de l’Islam pense que, l’Islam ayant été à l’origine une religion conquérante, l’heure est venue aujourd’hui de la reconquête. Et cet islamisme joue sur le sentiment de culpabilité d’un Occident naguère encore colonialiste et impérialiste. Ce que je vois se développer en France est un islamo-gauchisme qui ne promet rien de bon.