Le Figaro a taillé un portrait pas vraiment assassin de Florian Philippot, que tout le monde (au FN) disait mort il y a trois ans, au moment de son départ du parti de Marine Le Pen. Depuis, il s’est passé des choses : MLP a voté le vaccin pour tous, s’occupe plus de chatons que d’opposition et le RN, en suivant la ligne générale (pas celle d’Eisenstein mais celle de l’oligarchie) a dissout son discours anti-Système dans le Système.
Et pendant ce roupillon national, c’est Philippot qui marque des points, qui engrange les sympathisants, qui cartonne. Rien d’illogique : l’Histoire (Russie 1917, Allemagne 1930) nous apprend qu’en période de supercrise (capitaliste), c’est la radicalité qui l’emporte. Et les Français n’ont pas fini de se radicaliser, avec une année 2021 qui s’annonce révolutionnaire à tous points de vue. Sauf que ça ne risque pas d’être une révolution gauchiste avec soubassement franc-maçon...
Grâce à son nouveau positionnement d’une « radicalité assumée », anti-confinement, anti-masque et vaccino-sceptique, Florian Philippot se retrouve à la croisée des antisystèmes de tous bords, qu’il rêve de fédérer. Allant jusqu’à supplanter, en ce domaine, François Asselineau et son Union populaire républicaine (UPR), dont il emprunte les codes. Dotés en janvier 2020 d’environ 2000 adhérents à jour de cotisation, Les Patriotes en revendiquent désormais plus de 14 000. Soit une multiplication par sept depuis le début de la crise du Covid-19.
« Depuis octobre, on est sur un rythme de 2000 nouvelles adhésions par mois », savoure Philippot qui, pour preuve, exhibe un graphique montrant la hausse des cotisations perçues sur l’année. « C’est pour ça que le RN est un peu jaloux. Si ça continue, dans six mois, j’ai plus d’adhérents qu’eux », veut croire celui qui n’avait obtenu que 0,65 % des voix aux dernières européennes.
Florian se fout ouvertement de la ligne du RN, qui est effectivement en train de se couper de la colère des Français :
« Le RN ? C’est devenu Macron à quelques nuances près. Je dénie à tous ceux qui nous parlent de couvre-feu, de confinement ou de se mettre à six à table, d’avoir un discours sérieux et rationnel. C’est de la pseudoscience, du charlatanisme, du niveau des saignées du Moyen Âge ! »
La différence entre MLP et Philippot est devenue trop grande pour qu’une réconciliation soit possible :
Quand la patronne du RN pointe « l’incompétence » de l’exécutif, son ancien bras droit préfère, lui, croire à un dessein totalitaire : « Je ne sous-estime pas l’intérêt pour le pouvoir d’avoir la population sous contrôle, confinée. C’est pratique, on peut faire tout un mandat comme ça. Si tout le monde se soumet, ils n’ont aucune raison de s’en priver. Pensez-vous qu’un pouvoir préfère subir un flot de manifestations dans les rues ou au contraire que les gens restent terrorisés chez eux et n’osent poser aucune question sur l’après ? »
Pour se laver les mains d’un éventuel déroulement de tapis brun, Le Figaro enfonce deux grains de raisin complotistes dans son cake :
À la question de savoir s’il estime encore vivre en démocratie, l’ancien parlementaire européen répond sans fard : « Non. Nous sommes dans une oligarchie qui gère les masses comme du bétail. »
Une ligne frisant le complotisme, selon laquelle « vaccination » rime moins avec guérison que « corruption ». Au point de convaincre certains fidèles de la première heure, de ceux ayant claqué en 2017 la porte du FN pour le suivre, à tourner maintenant les talons : « J’ai toujours apprécié la modération de Florian, j’admirais son sérieux, sa sincérité, livre Pascal Bauche, conseiller régional du Grand Est et ex-coordinateur des référents départementaux Les Patriotes. J’ai quitté le mouvement en octobre parce que je ne voulais plus être associé à ce nouveau discours qui défie l’entendement… Il y a trop de calcul politique derrière tout ça. »
Trop de calcul politique, mais c’est la définition de la politique ! Et dans ce sport, il y a ceux dont l’avenir confirment les calculs, et ceux qui se plantent. En février 2020, Le Point annonçait déjà une baisse du nombre de militants : « Côté recettes, les cotisations des adhérents ont baissé à 1,1 million d’euros, après 1,86 million en 2017. Considérant que la cotisation moyenne est de 40 euros, le nombre de militants serait ainsi tombé de 46.000 à 27.000. » Mais il faut toujours se méfier de l’hebdomadaire, qui a toujours été anti-Le Pen, père ou fille.
Le Figaro, organe de la droite bourgeoise de plus en plus néolibérale et de moins en moins catholique, se demande avec une fausse naïveté si le nouveau positionnement de FP (Florian Philippot, pas Financement participatif, mais vous pouvez donner si vous voulez) est de l’ordre de l’opportunisme – c’est-à-dire du calcul – ou de la conviction. Ce qu’on ne demande jamais à Sarkozy ou à Macron... Le bon politique, le politique efficace, celui qui prend ou qui garde le pouvoir, donc celui qui allie convictions fortes et opportunisme de tous les instants, tout simplement. Macron n’a aucune conviction, c’est un pantin mou, mais il est très opportuniste. C’est pour ça que la France navigue à vue et se déchire la coque sur les écueils. Poutine a les convictions et l’opportunisme, c’est pour ça qu’il dure et que son pouvoir se renforce, sans tomber dans la dictature.
Une question lancinante taraude pourtant nombre de ses actuels et anciens compagnons de route : quelle part d’opportunisme et de conviction cache ce virage radical ? « Ce petit côté gourou, ça draine beaucoup d’adhérents, relève un de ses anciens cadres. Florian est en train de créer un gagne-pain. 30 euros d’adhésion multipliés par 20 000 personnes, ça fait de quoi voir venir quand on a ni siège, ni charges. »
Question lancinante sans fondement puisque, en politique, ce qui compte, c’est ce qu’on dit et, in fine, ce qu’on fait. Le reste, dans une période pré-révolutionnaire, les Français en mal de gouvernance souverainiste et rationnelle, s’en fichent. Ils veulent des résultats, un cap, une espérance.
Chacun sait sur E&R, et c’est un secret de polichinelle (même le triste Reichstadt le sait), que la ligne FP est proche de la ligne E&R (un bon calcul !), à la différence de la prise de risque qui le priverait de YouTube (il vient d’y fêter en grande pompe son nouveau record d’abonnés) et autres multiplicateurs de parole. C’est justement la conclusion de Charles Sapin :
Le chef de file Les Patriotes balaye : « Si j’ai quitté le Front, avec tous les risques et les pertes que cela représente, on peut au moins me reconnaître d’avoir quelques convictions ! » Des convictions qu’il ne défendra pas lors des prochaines élections régionales. Sans totalement écarter quelques candidatures ciblées aux départementales. Pour l’heure, c’est davantage YouTube que les urnes que vise Florian Philippot.
À un moment donné, on le sait, la radicalité est un Rubicon.
Florian à La Réunion, où il compte déjà 300 Patriotes
Florian sur TV Libertés