Malgré l’harmonie qui règne généralement entre le Hamas et le Djihad islamique sur les positions politiques concernant le conflit israélo-palestinien, une rivalité existe dans les coulisses. Les deux organisations sont en concurrence pour attirer les partisans islamiques et apparaître au yeux du public comme le groupe le mieux placé pour mettre en œuvre les aspirations et les espoirs du peuple palestinien.
Ces mouvements islamiques utilisent diverses méthodes pour gagner ce soutien, comme les mobilisations de masse, les dons de nourriture et d’argent aux plus démunis, le prosélytisme, tout en insistant sur l’importance des constantes palestiniennes que sont Jérusalem et le droit au retour des réfugiés. En général, ils visent à satisfaire les aspirations de la population.
Bien que le Hamas soit plus populaire que le Jihad islamique, un récent sondage réalisé par le Centre d’études et de recherche Watan dans la bande de Gaza, laisse percevoir un soutien en hausse pour le mouvement du Jihad islamique en même temps qu’une baisse de popularité du Hamas. Parmi les habitants de Gaza, 23,3% ont exprimé leur soutien pour le Hamas tandis que 13,5 % ont préféré le Jihad islamique. Le Fatah, cependant, est plus populaire que les mouvements islamistes pris individuellement, avec le soutien de 32,9 % des habitants de Gaza. Il reste 4,2% pour le Front Populaire pour la Libération de la Palestine et 1,5% pour le Front Démocratique pour la Libération de la Palestine. Sur l’ensemble des personnes interrogées, 24,6% n’ont pas d’opinion.
Comme le Jihad islamique n’a pas participé aux élections (de 2006), il est difficile de déterminer sa popularité à cet égard. Ce dernier sondage suggère une hausse de la popularité du groupe par rapport aux résultats des sondages précédents réalisés par les centres de recherche locaux ces dernières années. Dans un sondage réalisé en 2010, par exemple, le Jihad islamique enregistrait seulement 1% en terme de popularité comparé aux autres factions palestiniennes. L’enquête du Centre Watan comprenait des entrevues avec 467 personnes des deux sexes, et a été menée sur tout le territoire de Gaza du 9 au 17 février. Les résultats ont été repris par différents médias à la fin mars.
Le sondage a également révélé que le public appuyait largement la résistance armée pour imposer les droits des Palestiniens. Parmi les personnes interrogées, 60,3 % pensent que la résistance armée est le moyen le plus approprié pour conquérir les droits du peuple palestinien si les négociations échouent, tandis que la poursuite des négociations recevait le soutien de 6,5% des personnes interrogées.
La charge de l’administration de Gaza a coûté au Hamas de la popularité sur le terrain, alors qu’il lutte pour organiser la vie dans le territoire assiégé malgré les difficultés dues au blocus israélo-égyptien et à une série de crises économiques et politiques. L’analyste politique Iyad Atallah explique :
« le Hamas souffre d’une baisse de popularité en raison du mécontentement grandissant causé par son échec face aux crises subies dans les moyens de subsistance de base, tels que l’électricité et le carburant, et l’absence de solution dans le problème du passage de Rafah. »
Il également explique à Al-Monitor :
« le Hamas est arrivé au pouvoir dans la bande de Gaza et a commencé à gérer les affaires civiles pour les citoyens. Cette responsabilité a éloigné le mouvement à de nombreuses reprises d’une confrontation militaire avec Israël, poussant ainsi le public partisan de la résistance armée vers le mouvement du Jihad islamique qui organise toujours des représailles contre les attaques israéliennes. »
Le 12 mars dernier, les Brigades Al-Quds, la branche armée du Jihad islamique, a tiré 130 roquettes fabriquées localement vers Israël dans le cadre d’une opération militaire baptisée « Briser le silence ». L’attaque était une réponse à l’assassinat de trois combattants du Jihad islamique. Le groupe a menacé que les réponses à venir « seront de la même taille que les violations sionistes si celles-ci continuent. »
Khader Habib, un responsable du Jihad islamique, a déclaré à Al-Monitor que le mouvement auquel il appartient a gagné en popularité parce qu’il est resté lié à la résistance armée, n’a accordé aucune légitimité à l’existence d’Israël sur le sol palestinien, et est resté éloigné de la gouvernance et de la participation à l’Autorité palestinienne issue des accords d’Oslo de 1993. « Nous sommes un mouvement qui refuse de laisser Israël impuni quand il attaque notre peuple, et nous croyons que faire partie de l’Autorité serait catastrophique. C’est la raison pour laquelle plus de gens nous soutiennent », a affirmé Habib.
Les résultats du sondage du Centre Watan sont cohérents avec ceux d’une enquête réalisée par Alam wa Sinaa, une université iranienne, impliquant 1263 habitants de Gaza après les affrontements de mars 2014 entre le Jihad islamique et Israël. Le sondage iranien a montré un net changement dans l’attitude des habitants de Gaza en révélant une hausse de popularité du Jihad islamique au détriment du Hamas, grâce à son attachement à l’option de la résistance à l’occupation.
Habib du Jihad islamique a déclaré aussi que son mouvement suivait de près les sondages d’opinion traitant du soutien dont il dispose dans la rue palestinienne, et selon lui, cela renforce la conviction de son leadership que la lutte armée est la seule façon de réaliser pleinement les droits des Palestiniens.
L’analyste Atallah étudie également la situation du Hamas, en déclarant :
« Le Hamas a plus de combattants et de moyens que le Jihad islamique, mais il ne veut pas d’une confrontation permanente avec Israël. Une nouvelle confrontation militaire entraînera des pertes matérielles dont les maisons et même les usines et les ateliers de fabrication, créant encore plus de chômeurs et de personnes dans le besoin d’un abri. Cela alourdirait les responsabilités du Hamas ».
L’analyste politique Hassan Abdo déclare de son côté que la décision du Djihad islamique de s’en tenir à la résistance armée et de répondre immédiatement aux attaques de l’occupation sont les principales raisons de son soutien en hausse. Il estime que répliquer de façon immédiate à l’occupation inspire le peuple, gagne son admiration et satisfait son souhait de ne pas laisser sans réplique les actions d’Israël, ce qui entraine un renforcement de son soutien populaire.
Abdo a également noté que le Jihad islamique s’est tenu à ses principes politiques, malgré les changements locaux et régionaux. Ceci est démontré par le maintien du groupe aux côtés de ses alliés de Syrie et d’Iran, malgré les crises actuelles. Selon Abdo, ceci renforce l’impression des Palestiniens que le Jihad islamique est plus cohérent dans ses positions, comparé au Hamas.
Selon Atallah, une alliance du Jihad islamique avec la Syrie et l’Iran impose au mouvement à résister face aux attaques israéliennes. « L’attachement du Jihad islamique à l’axe Syrie-Iran est une source de force, surtout à la lumière de l’absence de sources de financement arabes pour [le mouvement], » dit-il. D’autre part, note-t-il, l’alliance du Hamas avec le Qatar n’a pas été très bien accueillie par la population locale.
« [L’alliance entre le Qatar et le Hamas] est quelque chose que les Palestiniens réprouvent ... Les Palestiniens respectent le Qatar pour son aide et son argent, mais ils craignent un rôle politique [du Qatar] en raison de ses bonnes relations avec l’Amérique et Israël. »
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