Nous, ce qu’on aime bien, au-delà des entrecôtes de limousine (la vache, pas la bagnole) et des femmes faciles, c’est trouver des choses cachées derrière des trucs anodins.
Tenez, pas plus tard qu’hier, dans son émission resplendissante, Cyril Hanouna a gagné au jeu qui consiste à lancer des balles dans le panier, et la dame a pu gagner 12 600 euros en produits et tomber dans ses bras. En réalité Cyril a gagné au jeu du plus riche et du plus généreux et la dame au jeu de la plus pauvre et de la plus humiliée.
Baba : Une télévision 4k !
Public : Ouah !
Baba : Un coffret séjour en Europe !
Public : Woh la la !
Baba : Un ordinateur portable !
Public : Oh la la !
Baba : Un vélo électrique !
Public : Oooh !
INCROYABLE ! @cyrilhanouna et @gillesverdez permettent à Salia de gagner 12.600 euros de cadeaux #TribuDeBaba pic.twitter.com/6w9P3XvmRl
— TPMP (@TPMP) November 8, 2024
Dans les commentaires, c’est des ouah, des « elle a trop de chance la Salia », « trop sympa le Baba » (le surnom de Cyril), « moi aussi j’aimerais gagner tout ça », etc. C’est humain, très humain, l’envie.
Nous, étant un peu moins humains, on a décelé de la torture dans ce spectacle qui joue avec les émotions d’une pauvre. En plus, comme elle est maghrébine, on subodore un côté « on rattrape le coup de l’image de génocidaires qui nous colle au cul et qui nous a fait perdre 500 000 connards en six mois ».
Connaissant l’univers de la télé, c’est presque en ces termes que cette partie de l’émission a été préparée. En gros, pour être encore plus cyniques (nous, pas l’émission), la musulmane gagne un euro par enfant assassiné à Gaza, et il y en a probablement beaucoup plus.
Sous prétexte de donner, ou de faire l’aumône, on torture une mère de famille pauvre qui en plus est obligée de tomber dans les bras de son tortionnaire déguisé en sauveur. On sait tous que la pitié cache un sentiment de supériorité qu’on rachète, Rony Brauman parlait de « pitié dangereuse ». Nous, quand on donne au SDF en bas de chez nous, on lâche un euro (deux, ça fait trop mal) pour qu’il bouge son cul de là, mais aussi parce qu’on se sent grand seigneur, et qu’on peut lui dire va, va t’acheter une baguette. Mais dégage de ma vue. On fait d’une pierre deux coups.
Le Coran demande de ne pas donner devant les autres pour se faire valoir. C’est la bonne posture, moralement parlant. Dans le Talmud, on dirait qu’il est écrit si tu donnes, pense investissement, donne devant tout le monde et essaye de récupérer un max derrière en pub perso. Normalement, on devrait mettre un pot devant chaque SDF et lui glisser de la monnaie dedans, en silence, la nuit, pendant qu’il pionce sur son carton.
Donner aux nécessiteux qui n’ont pas les moyens de s’en sortir est nécessaire, mais n’oublions pas que le régime néolibéral compte perfidement sur la générosité des gens pour corriger les injustices (générées par le Système). L’oligarchie compte sur les moins pauvres pour donner aux plus pauvres. Mais, elle, ne donnera rien.
Il est difficile de donner sans s’acheter quelque chose, par exemple une gloire personnelle ou une conscience sociale, sinon une place au paradis ou auprès de son Dieu, mais c’est toujours mieux que de donner pour blesser, pour rabaisser, pour humilier. Qui plus est, en public.