Le vin, des banquets de victoire aux tables des négociations, est le compagnon fidèle des diplomates, et la boisson omniprésente de la diplomatie et de la géopolitique.
À Paris, à la Tour d’argent, on peut voir le couvert du dîner des Trois Empereurs [1], et le souvenir des activités de Carême et de Talleyrand lors du congrès de Vienne (1814) plane encore dans les mémoires. Plus près de nous, François Hollande a repensé l’art de la table au service de la diplomatie, lorsqu’en ce mois de juin 2014 il a successivement dîné avec Barack Obama, puis soupé avec Vladimir Poutine. Pour autant, si le vin est un des instruments de la géopolitique, la géopolitique du vin est encore passée sous silence, alors même qu’elle témoigne d’une certaine idée de la puissance culturelle et économique. Alors que les vendangeurs s’activent dans le vignoble, et que les foires aux vins attirent des milliers de passionnés, l’on peut parcourir les pièces de ce vin français inséré dans le grand jeu diplomatique.
Une des pièces maîtresses de l’économie française
Chaque année, la France le dispute à l’Italie pour obtenir la première place du pays qui produit le plus de vin. En moyenne, elle produit 41.4 millions d’hl de vin, ce qui représente 16% de la production mondiale. Mais la puissance économique du vignoble ne se mesure pas qu’à la quantité d’hectolitres produits annuellement. Le vin joue un rôle non négligeable dans l’économie nationale. Ce ne sont pas moins de 558 000 emplois directs et indirects qui dépendent de la filière vin, dont 142 000 viticulteurs. Les vins et spiritueux sont le deuxième secteur français d’exportation, derrière l’aéronautique, et devant la chimie. Certes on loue régulièrement les contrats obtenus par Airbus pour vendre ses avions à tel ou tel pays, mais on pourrait aussi chanter les louanges des caisses de champagne, de bordeaux ou de bourgogne expédiées de par le monde. La valeur des exportations, en 2012, est ainsi évaluée à 7.6 milliards d’euros [2]. Cette richesse du secteur agricole et de la filière vin n’est pas nouvelle, elle a toujours été un des points forts de la France. Richelieu le rapportait en son temps dans son Testament politique :
« La France est si fertile en blé, si abondante en vins et si remplie de lin et de chanvres pour faire les toiles et cordages nécessaires à la navigation que (…) nous tirerons l’argent de ceux qui voudront avoir nos marchandises qui leur sont si nécessaires et nous ne nous chargerons point beaucoup de leurs denrées qui nous sont si peu utiles. [3] »
Pour autant, chacune des grandes régions françaises a des marchés d’exportations différenciés.