Ce n’est en aucun cas un motif de satisfaction. J’aurai préféré que ce que nous écrivions il y a quatre ans ne se soit pas réalisé, que la Grèce s’en soit sorti en restant dans l’euro. Malheureusement, comme nous l’annoncions, avec d’autres, notamment Jacques Sapir, l’euro est bien la plaie de la Grèce.
Tout était écrit il y a quatre ans
C’est fin 2009 que j’ai écrit mon premier papier sur la sortie de la Grèce de l’euro :
« La seule solution serait une dévaluation, qui permettrait de rendre le pays plus compétitif et de dynamiser les exportations, mais le corset qu’est la monnaie unique ne rend pas possible cette solution. La seule voie possible serait de pratiquer une déflation compétitive (…) mais une telle politique serait extrêmement brutale et aurait sans doute des conséquences sociales violentes. »
Le 15 avril 2010, dans un papier intitulé « Grèce, le choix de l’euro-camisole », je soulignais que le plan européen de l’époque était « la mauvaise solution », que « les trois prochaines années vont voir un ajustement brutal qui se traduira par des coupes budgétaires, une poursuite de la récession et un chômage de masse. Le prix à payer pour rester dans l’euro sera colossal. Pire, il est probable que la Grèce n’aura rien résolu car son problème (sont) ses prix à la production. »
Le 4 mai 2010, dans un papier intitulé « Le plan imbécile qui va étouffer la Grèce », j’affirmais que ce plan « ne fait que repousser les problèmes à plus tard en les aggravant ». C’était ce que Nicolas Dupont-Aignan avait défendu à l’Assemblée Nationale en disant de manière prophétique que l’argent prêté ne serait pas recouvré, contrairement aux dires du gouvernement. Jacques Sapir, déjà dans Marianne 2, démontait de manière précise les affirmations de nos adversaires.
Pourquoi la Grèce conserve l’euro
Dès février 2010, je pronostiquais que « la Grèce (allait) suivre l’agenda du FMI, de la Commission et de la BCE. L’histoire du pays fait qu’il acceptera l’épreuve dans un premier temps, ce qui sauvera l’euro pour quelques temps ». En mars 2010, j’annonçais que « le supplice de l’euro pourrait durer ». En janvier 2011, un débat faisait rage sur la possible disparition de l’euro d’ici la fin de l’année. J’avais alors fait un pronostic différent en écrivant que « la fin de l’euro pourrait tarder ».
Je soutenais que « malheureusement, la messe n’est pas dite. Les fédéralistes veulent sauver l’euro coûte que coûte, que qu’en soit le prix à payer par les peuples. Ils savent bien qu’une fin de l’euro hypothèquerait pour plusieurs décennies le modèle d’une Europe supranationale qu’ils construisent depuis 25 ans. Et les pays de la périphérie de l’Europe sont sans doute retenus par le fait que l’Europe leur a apporté beaucoup de subsides et qu’ils ne veulent pas paraître ingrats. »
Nous sommes malheureusement nombreux à avoir vu juste sur la Grèce. Il est malheureux que le débat reste aussi fermé aujourd’hui et que ceux qui prédisaient les pires catastrophes à la Grèce si elle sortait de l’euro (défaut et baisse du pouvoir d’achat) n’aient pas reconnu que ces catastrophes ont été la condition du maintien dans l’euro. Mais surtout, pendant que nous débattons, un peuple souffre. Cependant, ce peuple se réveille, comme le montrent les législatives du 6 mai.
Quatre ans après, l’ampleur du désastre est effarante. Les grecs vivent une crise similaire à celle des années 1930, de nouveaux « raisins de la colère ». Exactement ce que les partisans de l’euro disaient qu’il arriverait si la Grèce sortait de l’euro. Exactement ce que nous prévoyions si elle restait…
(Papier publié dans sa version initiale en avril 2012.)