La réouverture d’une enquête du FBI sur l’un des deux candidats à la Maison-Blanche, à onze jours à peine du scrutin, sort de la catégorie classique des « surprises d’octobre ». C’est une « bombe politique » jetée sur le brasier de la campagne la plus violente depuis des décennies.
En l’absence d’éléments tangibles, fort improbables d’ici au scrutin, le public aura du mal à établir la nature exacte du lien entre Anthony Weiner, ancien élu démocrate de New York poursuivi pour une sordide affaire de textos à une adolescente, son épouse – séparée – Huma Abedin, bras droit d’Hillary Clinton, et la question complexe de savoir si cette dernière a utilisé une messagerie privée pour recevoir ou envoyer sciemment – donc illégalement – des documents confidentiels du temps où elle était secrétaire d’État.
Mais l’annonce faite vendredi par le directeur du FBI James Comey intervient au pire moment pour les démocrates alors même que l’avance de l’ex-Première dame s’est légèrement tassée au niveau national, désormais à 45% des intentions de vote contre 41,6% pour Donald Trump, selon la moyenne des récents sondages.
En campagne, dimanche, à Miami et Fort Lauderdale, en Floride, Hillary Clinton a réagi lors d’un meeting dans une boîte de nuit gay : « Nous ne pouvons pas être distraits par tout le bruit dans l’environnement politique, nous devons rester concentrés », a-t-elle déclaré.
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De son côté, Donald Trump se réjouit. « La corruption d’Hillary met en pièces les principes sur lesquels notre pays a été fondé », a déclaré le candidat républicain lors d’un meeting, dimanche, à Las Vegas, accusant son adversaire démocrate de « conduite criminelle et illégale ».
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Le FBI a-t-il pris une décision politique ?
Le directeur du FBI, James Comey, a fait un choix audacieux, sinon hasardeux, en s’immisçant dans un face-à-face déjà tendu si près de la présidentielle. Peut-être n’avait-il d’autre option, comme il le soutient, que de rendre publique une information que les électeurs sont en droit de connaître. Mais le langage utilisé dans sa lettre au Congrès laisse planer le doute. Il y souligne être incapable « d’apprécier l’importance » des nouveaux éléments, ni même savoir s’ils sont « pertinents » au regard de l’enquête sur Hillary Clinton conclue en juillet.
Cette formule aurait parfaitement pu justifier la décision inverse, fréquente dans la pratique des « Feds » : enquêter discrètement et communiquer les résultats de ses découvertes. En l’espèce, Comey sait parfaitement qu’il entérine le discours extrême du candidat républicain sur la « corruption » de son adversaire, sans verser aucune nouvelle pièce au dossier. Pour ce directeur très politique, ce peut être une façon habile d’assurer sa survie : Trump, qui le disait « corrompu » comme les autres, fait maintenant l’éloge de sa vertu ; Clinton, même si elle est élue, ne pourra se débarrasser de lui sans être accusée de népotisme.
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Quoi qu’il arrive le 8 novembre, Hillary Clinton n’est pas près de se débarrasser de cette affaire. Si elle remporte l’élection, les républicains, en position de garder le contrôle de la Chambre des représentants, voire celui de Sénat, promettent de ne pas la lâcher. Cela pourrait finir par une procédure d’« impeachment » comme celle qu’avait difficilement surmontée son mari après l’affaire Monica Lewinsky. Et si elle perd, Donald Trump a annoncé la nomination d’un procureur spécial avec l’intention affichée de « la mettre en prison ».