Notre président a fait rigoler Obama avec des histoires de Julie, Michelle, Valérie et autres Beyoncé. Mais si Hollande sait manier l’humour, il sait aussi très bien manipuler les humoristes, comme Mitterrand l’avait fait avec Coluche, avant qu’il ne lui claque entre les doigts. Aujourd’hui, avec un Dieudonné voué aux gémonies, c’est sur Jamel que compte le Président pour nous refaire le coup de SOS Racisme. Et son Jacques Attali, c’est Marc Ladreit de Lacharrière.
La rencontre de deux clowns
- On raconte que François est drôle en privé,
et Jamel en public
Hollande compte surtout sur Jamel pour lui ramener les brebis perdues du vote de banlieue, allez, soyons cash : le vote arabe, le vote noir, le vote musulman. Celui qui malgré tout sauvera Mitterrand en 1988. Car après l’épisode ultra-médiatisé Dieudonné, comme un Sarko en rut, Valls s’est rué sur les études d’opinion, celles qui ne sortent pas dans la presse, du genre « La personnalité préférée des Français » ou « En hausse en baisse cette semaine dans L’Express », et autres fadaises. Non, Valls a cherché à savoir si son tir de barrage contre Dieudonné avait rapporté quelque chose en image et en électeurs avant les Municipales, ce grand robinet à fric gobé par les partis depuis la décentralisation. Résultat : une image dégradée, et « l’incompréhension » des jeunes en prime. Rappelez-vous, les jeunes, la priorité du quinquennat… Des jeunes qui commencent à lorgner dangereusement du côté du Front national. La répression repousse seulement la défaite, quand elle ne la produit pas. L’échange du ministre de l’Intérieur avec les journalistes sur le plateau de France 2 le 06 février 2014 en atteste.
Réprimer l’humour, c’est perdre les jeunes

Manuel Valls : « J’ai cru comprendre d’ailleurs, dans la baisse des enquêtes d’opinion me concernant, il y avait peut-être…
Nathalie Saint-Cricq : Notamment chez les jeunes…
Valls : M’a-t-on dit…
David Pujadas : Les jeunes, qui n’ont pas compris…
Valls : Qui n’ont pas compris pasque, au fond, on s’attaquerait à la liberté d’expression, qui est sacrée, mais les propos que tenaient cet individu, c’est pas la liberté d’expression, c’est pas une opinion, le racisme et l’antisémitisme ce sont des délits, qui doivent être condamnés par la loi… Ce personnage ne peut plus proférer dans ses spectacles les mêmes propos, donc si c’était à refaire je le referais pas, parce que l’antisémitisme, les actes antimusulmans…
Pujadas corrige : Si c’était à refaire, vous le referiez !
Valls, en pleine dérive : La violence à l’égard des étrangers, ces actes-là, ces actes-là, ils créent de l’insécurité, ils créent de la tension, et donc c’est ma responsabilité aussi de lutter contre cette forme d’insécurité.
Pujadas : Est-ce qu’on court pas un risque aussi en s’en prenant à tous les auteurs de ces fameuses quenelles, comme s’ils effectuaient un geste antisémite, pour certains ça ne fait aucun doute, mais pour beaucoup c’est un geste, qualifions-le comme on le souhaite, d’imbécile peut-être, de provocateur, mais qui n’est sans doute pas le fait de toute une population antisémite, parce que depuis beaucoup beaucoup font cette quenelle comme si ils adressaient un bras d’honneur à l’autorité.
Valls : C’est un geste antisémite. Quand Alain Soral fait ce geste…
Saint-Cricq : Oui mais ça s’est répandu maintenant, y a plein de gens qui font ça juste pour rire. Nan mais j’vous dis pas qu’ça m’fait rire !
Valls : Eh ben moi ça m’fait pas rire. Donc ça veut dire que nous avons tous un travail de pédagogie, notamment vis-à-vis de la jeunesse. »
Pêche aux voix musulmanes avec Jamel sur l’hameçon
Eh bien ce travail de « pédagogie », entendre « propagande », il a commencé sans délai. Et par le canal Jamel, dont Hollande imagine qu’il est encore l’idole des banlieues, et un levier de voix pour la gauche. Rappelons que les musulmans votent encore à 70 % socialiste, un pis-aller. Un calcul déjà tenté par d’autres dirigeants politiques, surtout depuis que Jamel a eu des velléités d’indépendance par rapport au showbiz, incarné par son premier producteur, Jimmy Lévy, et une petite « rechute » musulmane très légèrement antisioniste, lorsqu’il était « coaché » par Kader Aoun. À l’époque, en 2003-2004, Jamel s’intéresse au chemin indépendantiste pris par Dieudonné, qui dirige son propre théâtre depuis 1999, qui dit ce qu’il pense, et qui ne désemplit pas. L’honneur ET l’indépendance économique !
- Ça va être de la bombe !
Aujourd’hui, c’est la triplette Mohamed Hamidi (auteur de sketches, réalisateur de Né quelque part, fondateur du Bondy Blog, et directeur artistique du Marrakech du rire), Slimane Zeghidour, l’intellectuel grand connaisseur de l’Islam, bientôt chapeautés par le multi-producteur Bernard Zekri (passerelle des futurs talents de l’humour entre Radio Nova et Canal+ en 1995-1998), qui conseille et encadre Jamel. Un Jamel assailli, étouffé par ses proches et sa propre générosité, qui se disperse dans un amas de projets plus ou moins fous, comme ce film d’animation à plus de 20 millions d’euros qui le tenaille depuis 5 ans.
Ainsi, le 7 février 2014, François Hollande en personne fait une descente à Trappes, mais sans son ministre de l’Intérieur. C’est Jamel qui explique à Sandrine Blanchard, en charge du département Humour au Monde (ne riez pas), comment cette rencontre merveilleuse a pu avoir lieu :

« J’ai rencontré il y a quelques années un type incroyable, aux antipodes de moi : Marc Ladreit de Lacharrière, un dirigeant d’entreprise qui a créé et finance la Fondation Culture et Diversité destinée à favoriser l’accès des jeunes issus de l’éducation prioritaire aux arts et à la culture. Je lui ai parlé de l’improvisation et de ses bienfaits sur les gamins des ZEP. Il est venu un jour assister à un cours d’impro à Trappes et a vu l’intérêt de soutenir cette pratique artistique. Avec la Fondation, un trophée national d’improvisation est désormais organisé notamment ave Déclic théâtre à Trappes mais aussi à Lille, Bordeaux, Rochefort… Grâce à son carnet d’adresses, il a pu en parler aux plus hautes autorités de l’État et c’est comme cela que François Hollande est venu à Trappes. C’est énorme ! » (Lemonde.fr, 9 février 2014)
Pour Jamel, l’impro est un moyen de sortir de la spirale de l’échec, mais aussi de promouvoir les docus de maman :
« Papy Degois a donné sa vie à la culture. Heureusement qu’il y a des mecs comme ça. Sans réseau associatif les gosses des quartiers n’auraient plus de contact avec la société. La culture est une solution primordiale pour la banlieue, ça va nous sauver la vie. Ma femme, Mélissa Theuriau, réalise actuellement un documentaire sur l’impro qui sera diffusé début septembre sur Canal+. On y voit des gamins qui se redressent et s’améliorent à l’école grâce à l’improvisation. Il faut développer cette pratique dans les collèges. L’improvisation, mais aussi la danse – qui m’a aidé à ne plus avoir honte de mon corps – sont mes deux meilleurs diplômes. »
Jamel joue avec le politique, ou le politique avec Jamel ?

Si tout le monde connaît Jamel, peu connaissent, et encore moins personnellement, Marc Ladreit de Lacharrière, alias MLL. Jamel a remis le prix de la première édition de l’Audace artistique et culturelle, dans le cadre de la Fondation Culture et Diversité, qui appartient à ce mécène aussi discret qu’influent.
On savait que Jamel était déjà en quelque sorte l’attaché de presse en France du roi Mohamed VI, pour lequel il fait venir des stars au Marrakech du rire : l’idée de créer un festival culturel franco-marocain en juin 2011 tombe à pic après les attentats de Marrakech (cœur touristique du Maroc) d’avril 2011, qui auraient pu impacter les revenus du royaume. Aujourd’hui, Jamel fait la promo de Marc, l’influent homme d’affaires qui préfère l’ombre à la lumière. On n’a pas la place d’exhumer toutes les activités de ce capitaliste « social », sorte de chaînon manquant entre la France du haut et la France d’en bas.
Dans le désordre, et d’après l’enquête diffusée dans la revue trimestrielle XXI, émanation des éditions Arènes, MLL fait dans la haute finance avec sa société Fimalac, l’industrie, les arts, l’hôtellerie de luxe, le spectacle et le combat contre… l’exclusion sociale, un nouveau domaine apparemment rentable… en image, et peut-être en impôts. MLL, c’est le trait d’union improbable entre les super capitalistes du Triangle d’Or parisien et les exclus de l’ex-banlieue rouge. Indépendant du pouvoir politique – il ne dépend pas comme Dassault des commandes de l’État pour ses affaires – c’est plutôt le pouvoir politique qui n’est visiblement pas indépendant de lui. Ce financier de gauche n’est pas un prédateur à la Bolloré ou Arnault, il aime rendre, redistribuer, donner la chance. Comme Jamel, qui est une espèce de centre social de redistribution – voire de racket, la frontière est floue – à lui tout seul. Donner la chance, c’est aussi se considérer soi-même comme une chance, une chance divine pour beaucoup de malchanceux… Un petit pas vers… Dieu ?
Ladreit, l’arroseur arrosé
- Marc et ses potes
Redescendons sur terre. Là où l’histoire se répète, c’est que Marc est un des cofondateurs de SOS Racisme. Il est en outre associé avec Laurent Fabius et Jérôme Clément, l’ancien président d’Arte, un grand ami de BHL, dans Piasa, une société de vente d’objets d’art aux enchères, rachetée à Pinault. Du très rentable. Le journaliste Patrice Lestrohan indique que MLL cultive de bonnes relations avec Aubry (il est le vice-président de sa fondation sociale Face) et Hollande, qui « ne manque pas une assemblée générale de la Fondation pour la Diversité ». On se demande bien pourquoi. Faut-il rappeler que MLL est le principal actionnaire de l’agence de notation Fitch, qui peut déclasser la France à tout moment ?
« Il faut bien occuper les gens. Ils ont de plus en plus de loisirs. » (Marc Ladreit de Lacharrière, revue XXI, hiver 2011)
Pour achever ce portrait sur une touche plus culturelle, MLL, membre du club de Bilderberg et du Siècle, « possède » des réseaux de salles de spectacles comme Vega ou celui des casinos Barrière, et les poids lourds du circuit (Johnny, Sardou, et l’écurie Coullier, qui fait tourner Dion, Elmaleh ou Gerra). Les tuyaux ET le contenu, le grand rêve de Jean-Marie Messier avec Vivendi. Jean-Marc Dumontet et Laurent Ruquier, propriétaires de théâtres, ont suivi cette logique pour gagner sur les deux tableaux, en produisant, diffusant et promouvant leurs propres artistes. En attendant, MLL arrose tout le monde, journalistes y compris, à travers prix et jurys. Et le milieu médiatico-politique l’arrose en retour de bienveillance amicale et de prudence éditoriale.
Cependant Jamel, déjà au bord de la rupture physique, à la recherche d’un second souffle dans une carrière plus teintée de mercantilisme (jouer dans Le Marsupilami pour Chabat à 37 ans…) que de spiritualité, ou simplement de sens, résistera-t-il à l’appétit cynique des socialistes ?
Le petit coin du réseau

Jean-Michel Ribes, directeur du théâtre du Rond-Point, proche de François Hollande, est l’obligé de Ladreit. C’est Ribes qui organise la soirée de gala contre le racisme le 2 décembre 2013 au Rond-Point (subventionné à hauteur de 4 millions d’euros sur ses 5 millions de chiffre d’affaires !). La vidéo complète a disparu, il n’en reste que quelques bouts. C’est aussi dans ce théâtre que la Fondation Culture et Diversité fête ses 5 ans en 2011 et propose depuis le prix décerné par Jamel. On est en plein dans la gauche caviar modèle SOS Racisme. Une manipulation qui a mal fini.