C’est le conflit ethnico-politico-médiatique du jour : le blog de la diversité qui forme de jeunes journalistes de banlieue (on attend les journalistes ruraux), le Bondy Blog, hébergé un temps par Libé et financé par la Ville (de Bondy), suite au départ de ses fondateurs, a pris la mouche après les propos de Gilles Kepel dans L’Obs. L’accusation d’islamo-gauchisme dans la bouche de Kepel n’est pas passée chez les Bondynois.
Mesdames les Bondynoises, Latifa Oulkhouir et Nassira El Moaddem, tirez les premières.
Réponse du Bondy Blog aux accusations de Gilles Kepel
Dans L’Obs, Gilles Kepel, chercheur sur l’islam, à l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage, a eu des accusations très graves à l’encontre du Bondy Blog. Voici ce qu’il a affirmé.
« Au mois de mai dernier, j’ai été invité par le Bondy Blog à participer à un débat. J’ai beaucoup travaillé sur la Seine-Saint-Denis, à Clichy, Montfermeil, et j’avais des contacts avec leurs journalistes. Des jeunes issus de l’immigration qui étaient dans une logique d’insertion sociale, qui voulaient créer un journalisme alternatif et ouvert. À ma stupéfaction, les trois journalistes chargés de m’interviewer m’ont accusé pendant tout l’entretien d’être islamophobe ! C’était juste avant que je sois condamné à mort par Larossi Abballa dans sa vidéo du 13 juin au soir. Mais ils ne parlaient jamais des attentats et uniquement de l’islamophobie : les femmes voilées traînées par terre, la société française islamophobe, etc. J’ai compris depuis lors que le Bondy Blog avait été totalement repris en main par cette frange frériste qui a fait de l’”islamophobie” son principal slogan. Pour les Frères musulmans, dans la mouvance de Tariq Ramadan, comme pour Marwan Muhammad (le directeur exécutif du CCIF), il y a une volonté manifeste de mobiliser cette jeunesse musulmane en occultant le phénomène des attentats, en se refusant à le penser ».
Ces nombreuses affirmations, avancées sans aucun début d’argumentation, ni éléments de preuve, sont totalement délirantes et mensongères.
Avant toute chose, nous sommes journalistes et nous accordons une importance cruciale aux faits précis. Le « débat » dont parle Gilles Kepel est en réalité une « interview » qu’il nous a accordée pour l’émission Bondy Blog Café diffusée sur LCP et France Ô le 7 mai 2016. Elle est en ligne ici et visible depuis cette date. Lors de cette émission d’une heure, les quatre journalistes du Bondy Blog l’ont interrogé sur sa participation au Printemps républicain, les racines de la radicalisation, ses divergences avec le chercheur Olivier Roy, l’islamophobie, les attentats, l’invasion de l’Irak et l’origine des émeutes de 2005. Dans son interview à L’Obs, Gilles Kepel affirme que les journalistes du Bondy Blog lors de l’émission « ne parlaient jamais des attentats ». Pourtant, à 22 minutes de la vidéo, ce sont bien deux journalistes du Bondy Blog qui interrogent Gilles Kepel précisément sur ce sujet avec ces deux questions. « Avez-vous été surpris par les attentats de 2015 ? », « Vous les aviez prévus ? ».
Lire la suite de l’article sur bondyblog.fr
Deux extraits de ce Bondy Blog Café (émission hébergée par LCP) avec Gilles Kepel, diffusé le 7 mai 2016 :
L’émission entière est ici.
Voici maintenant l’article de L’Obs, daté du 2 novembre 2016, qui a tout déclenché. Sara Daniel (la fille de Jean Daniel, fondateur de l’hebdomadaire), y interroge l’islamologue. Gilles Kepel, à vous de tirer.
Gilles Kepel : "Les islamo-gauchistes, ces charlatans !"
Dans l’entretien qu’il nous a accordé à l’occasion de la sortie de son livre La Fracture, Gilles Kepel accuse une partie des intellectuels de gauche, idéologues utiles des islamistes, de minimiser le phénomène djihadiste. Une cécité criminelle, dénonce le spécialiste de l’islam.
Directeur de la chaire Moyen-Orient-Méditerranée à l’École normale supérieure et professeur à Sciences-Po, Gilles Kepel publie cette semaine chez Gallimard La Fracture, un livre conçu autour des chroniques radiophoniques qu’il a tenues chaque semaine sur France-Culture. Entretien.
Sara Daniel : « Dans votre livre, vous dénoncez violemment "les autruches de la pensée dénégationniste", qui situent la cause du mal absolu dans l’islamophobie, notion que les islamistes et leurs compagnons de route ont fini par imposer pour interdire, dites-vous, tout débat sur la deuxième religion de France. À l’heure où le débat politique sur l’islam n’en finit pas de se crisper, y avait-il urgence à dénoncer le fonctionnement de ceux que vous qualifiez d’"islamo-gauchistes" ? »
Gilles Kepel : Oui, car ces intellectuels tétanisés par la culpabilité post-coloniale battent la campagne médiatique. Ils font de l’islamophobie le ressort exclusif des grandes manifestations antiterroristes du 11 janvier… Proclamer "Je suis Charlie", c’est pour eux faire acte d’islamophobie ! Cette cécité les conduit à minimiser le péril djihadiste de peur de désespérer Molenbeek comme les compagnons de route du Parti communiste s’interdisaient de dénoncer les exactions du stalinisme de peur de "désespérer Billancourt".
Le reste est payant, mais les lecteurs d’E&R connaissent suffisamment les thèses de Kepel pour compléter l’interview.