Joseph Navratil relaie des figures du négationnisme sur son site Internet. De quoi mettre son parti dans l’embarras, ainsi que la RTS qui le programme en prime time.
Dans le lot de ses prétendants au Conseil national, l’UDC genevoise présente un candidat pour le moins ambigu sur sa liste Jeunes. C’est aussi l’une des stars de l’émission moicandidat.ch, qui démarrera le 18 septembre sur la RTS. Joseph Navratil, 29 ans, est un jeune politicien aux centres d’intérêt curieux et visiblement en quête de popularité. Sur son site Internet, cet inconnu du grand public met régulièrement en valeur des figures notoires du négationnisme et de l’antisémitisme. Jusqu’à mettre son parti dans l’embarras.
Candidat malheureux aux dernières élections municipales, M. Navratil a fondé le site d’information et d’opinion lapravda.ch en avril dernier. Ce journaliste indépendant, tel qu’il se présente, est également secrétaire de l’UDC Ville de Genève, parti qu’il a intégré il y a huit ans.
S’il n’a jamais tenu de propos tombant sous le coup de la loi, l’homme est connu de la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (CICAD). Ses publications sont en effet sans équivoque quant aux fascinations qui l’animent. Sur lapravda.ch, le Genevois d’origine tchèque et iranienne relaie des interventions de personnages peu recommandables, comme feu le négationniste français Roger Garaudy, ou encore une vidéo du militant négationniste Vincent Reynouard, plusieurs fois condamné en France pour négation des crimes nazis.
Contre le politiquement correct
Sur cette plate-forme, on trouve également plusieurs articles publiés par des sites d’extrême-droite, qui donnent tour à tour la parole à l’africaniste controversé Bernard Lugan, ou encore à Frank Franz, actuel leader du NPD allemand, parti politique ultranationaliste, souvent qualifié d’antisémite, raciste et néonazi.
Joseph Navratil, qui a accepté de répondre à nos questions uniquement par écrit, définit lapravda.ch comme « une alternative aux médias institutionnels » n’ayant pas à se soucier du « politiquement correct ». Un point sur lequel il insiste dans son email – et on le croit volontiers, notamment lorsqu’il affiche ses sympathies pour Alain Soral, fondateur d’Égalité & Réconciliation. C’est donc sans surprise que l’on retrouve encore son nom sur Quenel+, le nouveau site internet de Dieudonné.
Il arrive aussi au jeune UDC d’écrire ses propres chroniques ou de réaliser lui-même des interviews, « tout en respectant la déontologie journalistique », précise-t-il. Ainsi, une vidéo le montre en train de poser des questions au musicien israélien Gilad Atzmon, un militant antisioniste controversé.
Ce dernier y évoque notamment la « religion de l’holocauste », le « pouvoir corrosif du lobby juif » et attribue le drame migratoire qui se joue en Méditerranée à la « politique juive ».
Soutenu par Les dieudonnistes
Lorsque nous l’interrogeons, Joseph Navratil refuse de se distancier clairement des thèses qu’il relaie sur son site (lire interview). Détenteur d’un master en relations internationales de l’International University of Geneva, il s’applique également à démonter « l’idéologie mondialiste » – un concept phare de la pensée soralienne – et dénonce la communautarisation de la société.
Au vu de ce qui précède, on comprend mieux pourquoi Joseph Navratil bénéficie du soutien affiché, sur Facebook, de groupes comme Les dieudonnistes de Suisse, « dont les attaques et les thèses antisémites ne souffrent d’aucune ambigüité », selon Johanne Gurfinkiel, secrétaire général de la CICAD.
« Ces mouvements se revendiquent de la “dissidence”, une idéologie ayant pour leitmotiv de concevoir le monde et ses problèmes autour de complots fomentés par des groupes politiques ou religieux ; les juifs ou selon leur vocabulaire usuel : les sionistes, en particulier », relève-t-il. La CICAD a d’ailleurs interpelé l’UDC sur ce nouveau venu en politique.
Ceci dit, poursuit M. Gurfinkiel, le candidat en question n’a commis aucune infraction qui pourrait « à ce stade » faire l’objet d’une dénonciation. « Pour le reste, il appartient à l’UDC de se déterminer sur le choix des candidats qu’il présente. »
« Il ne pose pas de problème »
Et justement, au sein de la formation politique, la gêne est palpable. A notre appel, Eric Bertinat semble découvrir avec étonnement les activités « internautiques » de son poulain. Visiblement embarrassé, le secrétaire général de l’UDC genevoise défend toutefois ce colistier « très à droite ».
« Dans le cadre de sa candidature et de sa loyauté envers notre programme, il ne pose pas de problème. Si M. Navratil en venait à dépasser les limites de la liberté d’expression, il pourrait en être autrement. » Et d’ajouter : « L’UDC n’a jamais soutenu et ne soutiendra jamais de déclaration négationniste. »
L’interview
Le candidat UDC Joseph Navratil n’a accepté de répondre que par email à nos questions. Voici un extrait de ses réponses.
Les dieudonnistes de Suisse soutiennent votre candidature, qu’est-ce que cela vous inspire ?
Joseph Navratil : Que ces dieudonnistes, s’ils sont Suisses, ont compris quel candidat et quel parti défendaient le mieux leurs intérêts en tant que citoyens de notre beau pays.
Vous publiez régulièrement des vidéos ou interventions de figures notoirement connues, parfois condamnées, pour leur antisémitisme et/ou négationnisme. Comment justifiez-vous le fait de donner du crédit à ces personnes ?
Si elles n’ont pas été condamnées, elles bénéficient de la présomption d’innocence et si elles l’ont été, justice a été rendue et ce n’est pas à moi de les punir davantage en les ostracisant.
Partagez-vous les thèses d’Alain Soral, plusieurs fois condamné pour incitation à la haine raciale et antisémitisme ?
Alain Soral, auteur à succès et sociologue de talent, aime son pays comme peu de gens et se sacrifie afin de le défendre. Votre question est vague et il faudrait préciser de quelles thèses vous parlez exactement.
Vous dénoncez par exemple le complot mondialiste, un des thèmes clés d’Alain Soral. Encore une fois, partagez-vous ses idées ?
Le mondialisme est une idéologie réelle et néfaste qui est à différencier de la mondialisation. Je vous suggère d’inviter Alain Soral pour en parler.
Quand vous interrogez le jazzman Gilad Atzmon, il évoque notamment la « religion de l’Holocauste ». Partagez-vous son analyse ?
En tant que consœur, vous comprendrez certainement que je doive faire valoir mon droit de réserve afin de respecter la déontologie journalistique.
Vous dénoncez l’islamophobie, mais faites partie de l’UDC. N’est-ce pas contradictoire ?
Je pense que les valeurs de l’islam et de l’UDC sont proches en réalité : ils défendent tous deux une vision traditionaliste, sur la famille notamment. Le fait d’être musulman et patriote n’est pas incompatible et il est nécessaire d’accomplir un travail de réconciliation plutôt que de division.