On a parlé de l’affaire de la maternelle McMartin, une école dans laquelle des centaines d’enfants ont parlé d’abus sexuels rituels, commis par la famille propriétaire de la maternelle. À la suite de ce scandale, de nombreuses affaires d’abus sexuels commis dans des crèches, des maternelles et des centres pour enfants ont éclaté à travers tout le pays. Le scandale Franklin, que le pouvoir politique a tenté également d’étouffer à l’aide des grands médias, en fait partie.
[...]
Version officielle
La version officielle est très simple, on la trouve sur Wikipédia. Comme toutes les versions officielles, elle conclut qu’il ne s’est jamais rien passé. Aucun réseau de prostitution de mineurs n’a jamais existé, et au final un grand jury a considéré que tout cela n’était qu’un « canular ».
On parle d’affaire Franklin parce qu’au départ, il s’agit de simples malversations financières au Franklin Community Federal Credit Union, opérées par un des dirigeants, Lawrence E. King. Le Franklin Community Federal Credit Union était un organisme de crédit fondé en 1968 afin d’aider les pauvres de la communauté noire à obtenir des crédits, et il a fait faillite suite à d’importants détournements de fonds. En novembre 1988, le Credit Union est mis en liquidation, et le Sénat de l’État du Nebraska lance un comité d’enquête, présidé par le sénateur Loran Schmit.
King était également un grand contributeur du parti Républicain US, et avait chanté l’hymne national lors des congrès républicains de 1984 et 1988. King militait pour les droits des Noirs, et a été vice-directeur du National Black Republican Council.
En 1988, King, qui a pris la tête du Franklin Credit Union en 1970, est inculpé pour cette affaire de détournements de fonds. Mais, un magistrat a opportunément décidé que King était trop fragile pour supporter un jugement.
C’est là que des soupçons de favoritisme ont commencé à se faire jour, et qu’on s’est mis à parler d’un réseau de trafic de drogue et de prostitution de mineurs.
Le 18 décembre 1988, le New York Times explique qu’un sénateur du Nebraska, Ernie Chambers, aurait entendu parler dans différents rapports d’enfants transportés par avion à travers le pays, afin de se rendre à des partouzes pour lesquelles ils étaient rémunérés.
Chambers a refusé de désigner ses sources, mais a précisé que certains des enfants venaient d’orphelinats.
Larry King
Le flamboyant Larry King démarre en politique en créant en 1972 les Blacks Democrats for George McGovern, puis retourne sa verte et devient vice président du National Black Republican Council. Depuis ce moment, cette étoile montante (devenu étoile filante) du parti Républicain égaie les conventions annuelles de son parti en chantant l’hymne national, et mène le lobbying intensif des Noirs dans le parti républicain.
Tout va pour le mieux jusqu’à ce que les fédéraux débarquent dans les bureaux du Franklin Community Federal Credit Union, qui met finalement la clé sous la porte en novembre 1988. De fait, il manque 40 millions de dollars dans les livres de comptes. 148.000$ ont par exemple servi à se payer des limousines, 60.000$ sont allés dans les joailleries, 25.000$ ont été donnés au lobby ultra-conservateur Citizens for America [1]… Cet argent servait à acheter des politiques pour assurer sa carrière, à acheter le silence de certaines victimes [2]… Mais une partie de l’argent dépensé par King venait aussi des personnes auprès desquelles il faisait son petit chantage, y compris via les partouzes avec les mineurs.
King aurait en fait créé ce réseau de prostitution avec des enfants venus de foyers et orphelinats voisins, dont Boys Town ou le Webb Child Care. Le but premier était de corrompre des politiques bien placés, des avocats, des magistrats, des hommes d’affaires, des journalistes, des flics, bref des gens qui pourraient lui servir politiquement ou investir dans le Credit Union, dont il détournait l’argent. Certains aimaient ces partouzes pédophiles, et n’hésitaient pas à demander de la drogue et des enfants. Pour les autres [3], qui se laissent malgré tout appâter, rien de tel qu’une bonne photo compromettante montrant monsieur en train de sodomiser un enfant pour le faire taire ou l’amener à faire quelques faveurs.
D’après John DeCamp, qui a mené l’enquête d’après les témoignages de victimes qu’il a défendues [4], de grosses sociétés, via leurs PDG approchés par King, ont investi dans le Franklin Credit Union, comme ConAgra, la First National Bank of Omaha, la Commercial Federal Savings & Loans, Union Pacific Railroad. D’aucuns ont parlé de « Nebraska connection » à propos de ceux qui détiennent le pouvoir à Omaha et de leurs liens avec des gens comme Bush ou Cheney, même s’il s’agit d’une époque un peu plus récente.
Le président du conseil d’administration de Franklin était l’éditeur du Omaha World Herald, Harold Andersen, qui était l’un des plus gros bailleurs de fonds de King, si ce n’est le plus gros. Mais on retrouvait aussi des membres des boîtes qui ont investi dans Franklin, comme ConAgra [5], Commercial Federal Saving & Loans, Union Pacific Railroad, et d’autres comme Massachusetts Mutual Insurance [6] ou Omaha National Bank.
D’après un employé de Franklin cité par le Lincoln Journal du 5 mars 1989, une extension aurait même été construite au Credit Union, pour y installer une chambre. Bien sur, Andersen et les autres ont dit qu’ils ne savaient pas qu’elle existait, alors qu’Andersen était aussi le pilote des levées de fonds pour Franklin, et qu’il était forcément au courant qu’une partie de l’argent a servi à construire cette extension. D’autres employés ont expliqué que King allait dans cette chambre l’après midi avec ses amants.
Parmi les personnalités locales en vue désignées par des victimes, on a par exemple Alan Baer, un millionnaire propriétaire de la chaîne de grandes surfaces Brandeis & Sons, ou le directeur du Omaha World Herald Tribune, Peter Citron.
Baer passait pour un grand philanthrope [7], via ses œuvres ou bien la fondation Ak-Sar-Ben, à laquelle contribuait son entreprise depuis des années, bien avant que Baer ne prenne les commandes de Brandeis en 1974. Il revend les 11 magasins en 1987, empochant près de 34 millions de dollars
Boys Town
Boys Town, c’est un très respectable village pour enfants autrefois appelé « Father Flanagan’s boys Home », du nom de son créateur qui avait fondé le village en 1917 pour y héberger les orphelins, mais seulement des garçons. En fait, Boys Town fonctionne comme une vraie ville, avec ses écoles, sa police et son administration. Environ 5.000 enfants y vivaient dans les années 80. Au début il n’y avait là que des garçons, puis les filles sont arrivées dans les années 80.
L’endroit avait déjà fait parler de lui en 1973 en raison d’un article écrit par le Omaha Sun, propriété de Warren Buffet (qui vient d’Omaha lui aussi), dans lequel on parlait de l’importance des fonds levés par Boys Town, essentiellement en liquide, et de la faiblesse des dépenses. Cette enquête, en partie rédigée par Buffet, a remporté un prix Pulitzer. Cela n’a certainement rien à voir, mais en 2011 Buffet a racheté le Omaha World Herald. En 1973 également, le vicaire général de l’archidiocèse d’Omaha, Monseigneur Hupp, quittait son poste, qu’il occupait depuis 1969. Durant ces quatre années, il avait eu vent d’abus sexuels commis à Boys Town et avait prévenu l’évêque. Et c’est justement à la tête de Boys Town qu’il a été nommé après avoir démissionné suite à l’inaction de l’évêque, où il est resté jusqu’en 1985. Des années plus tard, il a rencontré John DeCamp pour lui demander de faire éclater l’affaire.
[...]
Connections avec Washington
John DeCamp, ancien sénateur du Nebraska de 1971 à 1987, avocat et vétéran du Vietnam, se retrouve avec cette affaire sur les bras. À l’origine, il doit conclure qu’il ne s’est rien passé, mais étrangement tout l’amène à penser le contraire. D’ailleurs, à la suite de son enquête, il a écrit le livre The Franklin Cover-up : Child Abuse, Satanism, and Murder in Nebraska.
D’après DeCamp, parmi les personnalités républicaines achetées par King, ou dont il cherchait à obtenir les faveurs, certaines étaient carrément à la Maison Blanche. D’ailleurs, King allait faire partie de l’équipe de campagne de Bush. Pour ces gens, King organisait les soirées dans un palace de Washington ou dans une maison qu’il louait là pour 5.000$ par mois. Bonacci explique que les soirées se déroulaient en deux temps : une fête normale entre politiciens du parti républicain et pontes locaux, et ensuite, ceux qui voulaient partouzer arrivaient, ceux qui ne voulaient pas s’en allaient, et on faisait monter les enfants qui attendaient, enfermés dans une pièce.
Lire l’intégralité de l’article sur dondevamos.canalblog.com
L’affaire Franklin a été explorée dans le documentaire La Conspiration du silence, réalisé en 1994 par la chaîne britannique Yorkshire Television pour la chaîne américaine Discovery, mais finalement jamais diffusé :