Que s’est-il passé ce soir-là ? Un « effet cocotte-minute », comme le suggère son avocat Me Randall Schwerdorffer, dans le cadre d’une dispute ? « C’est tout à fait envisageable », selon Tony Arpin. « Un mot de trop a pu le renvoyer à des agressions quand il était enfant et déclencher cette fureur qu’il avait sans doute depuis longtemps ». Alexia n’aurait-elle pas plutôt envisagé le divorce ce soir-là, une hypothèse privilégiée par sa famille ? « Jonathann Daval ne supporte pas la rupture, il a un besoin de protection permanente », abonde le psychologue. Malgré ses multiples versions – l’avocat général Emmanuel Dupic en a décompté jusqu’à sept – jamais l’accusé n’a évoqué cette éventualité. (Le Parisien)
Il y a trois ans, le 30 octobre 2017, le corps d’Alexia Fouillot, une jolie jeune femme blonde de 29 ans, était retrouvé en forêt, à moitié calciné. Après avoir joué à l’innocent et pleuré pendant une déclaration en public, son mari, Jonathann Daval, avoue le crime. Ensuite, tout se complique : on a une victime, on a un meurtrier, mais quel est le mobile ? Et nous voilà repartis pour une nouvelle affaire Grégory...
Deux versions s’affrontent, dont l’approche est essentielle, car elles vont accorder ou non au mari les circonstances atténuantes. Pour info, la perpétuité (30 ans) a été requise contre lui ce samedi 21 novembre 2020 [1], ce qui a fait hurler l’avocat de Jonathann, pour qui la perpétuité s’inflige aux individus considérés comme dangereux pour la société. Jonathan, dangereux ? Au fait, comment peut-on, si l’on n’est pas fou – et Jonathann n’est pas fou –, frapper, étrangler, brûler sa femme et abandonner son corps sous des branchages en forêt, comme dans un crime passionnel en noir et blanc ? Et d’abord, y avait-il passion ?
« T’es impuissant, tu bandes pas, t’es une merde »
Nous allons vite passer sur la généalogie des deux êtres. L’un est issu d’une famille pauvre et nombreuse (7 enfants, décès prématuré du père), l’autre d’une famille aisée (une brasserie-PMU, une implication dans la vie sociale) et heureuse. Jonathann a un complexe social quand il arrive dans la famille Fouillot, une famille très unie, sous-entendu pas comme la sienne. Il est considéré comme un fils par ses beaux-parents, qui l’accueillent avec un certain paternalisme. Jonathann ne se remettra jamais de ce différentiel social, mais ce n’est pas un mobile : ça arrive tous les jours lors d’un mariage inter-classes sociales, quand un pauvre se marie avec une riche (rare) ou une pauvre avec un riche (moins rare). Dans le sens Daval-Fouillot, le gendre est nécessairement dominé et par le père (on le voit sur la photo), et par l’épouse (Alexia). Et c’était le cas dans la famille Fouillot : Alexia décidait de tout.
On arrête ce récit simplifié une minute, qui ne cherche pas à se substituer à la justice, mais qui montre jusqu’où peut aller un homme humilié dans un univers qui n’est pas le sien (classe sociale supérieure), et avec une femme qui le domine à la fois socialement, et sexuellement. Parce que les « troubles de l’érection », révélés pendant le procès, de Jonathann, incapable de donner un enfant et du plaisir à sa femme, sont au cœur du débat. Naturellement, on va nous accuser de faire du masculino-centrisme, du machisme ou de l’antiféminisme. N’empêche qu’il ne faut pas aller chercher bien loin le mobile du meurtre dans ce cas : un homme qui ne peut pas être un homme, socialement et sexuellement, soit devient homosexuel, soit fait une dépression (alcool, drogue, désespoir), soit il cogne sur celle qui fait de lui un non-homme. D’ailleurs, la maman d’Alexia ne s’y est pas trompée, en sortant du procès le jour où Jonathann a fait un malaise, elle a déclaré :
« Il voulait rester le fils auprès de nous, sans doute. Il voulait remplacer Alexia. Ça fait froid dans le dos. Heureusement que tout ça est fini parce que je n’ose même pas imaginer la suite. »
On peut voir les choses comme ça, de loin, comme un remplacement, où Jonathann voulait être le fils chéri des Fouillot, cette famille parfaite, mais sans l’humiliation générée par sa femme qui en plus se donnait du plaisir avec des sextoys, c’est-à-dire sans lui. Elle s’enfermait dans sa chambre et le trompait, en quelque sorte, avec des godemichés.
Pour le psychologue, « tous les signes indiquent un traumatisme archaïque vécu dans la petite enfance ». Et si l’intéressé ne s’en souvient pas, les experts penchent tous pour un trauma d’origine sexuelle, en raison des troubles obsessionnels compulsifs (TOC) développés par Jonathann Daval à l’adolescence : lavage des mains intempestif, douches longues d’une heure pour se frotter… L’expert fait à ce titre le rapprochement avec ses troubles persistants de l’érection à l’âge adulte, en dépit de médicaments prescrits à la dose maximale. Une défaillance qui le mettrait ainsi « face à l’impossibilité de devenir un homme en devenant lui-même père », relève le Dr Carpentier. (Le Parisien)
La plupart des hommes qui vivent ces situations de soumission socialo-sexuelle, en général, boivent ou cognent sur leur femme. Ou font les deux. Ils rétablissent ainsi la hiérarchie « naturelle » que l’homme a perdue suite au bouleversement socio-économiques des années 60 et à l’apparition de la pilule, deux événements qui ont donné aux femmes le moyen d’échapper à la domination du mâle. Les femmes, 50 ans après leur « libération » (mettons 1970), travaillent, décident de leur vie, de leur(s) amour(s), de leurs amants, de leur mari, et personne ne peut rien y faire. Il faut alors revoir son logiciel de séduction pour non seulement les attirer, mais aussi pour fonder un couple harmonieux. Le féminisme coûte plus cher, à tous points de vue, à l’homme d’aujourd’hui. Il est plus difficile de dominer une femme en 2020 qu’en 1950, où c’était la norme. Mais beaucoup d’hommes n’ont pas saisi ce changement, et considèrent la femelle comme un droit, un droit de domination et de jouissance. Jonathann n’avait aucun moyen de retenir sa femme, de contrôler sa vie, ses désirs, et il ne pouvait pas satisfaire son désir d’enfant (à elle). Ce sont les psychiatres qui le disent : il aurait voulu être son seul enfant, à elle... Mais ça ne tient pas trop debout.
Plus réaliste, la venue d’un enfant, qui plus est d’un fils, l’aurait peut-être évincé définitivement de la vie de sa femme : une fois l’héritier venu, l’inséminateur peut disparaître. À ce propos, il n’est pas rare de voir des épouses ne plus désirer leur mari après un ou deux enfants, une fois que leur désir d’enfant est accompli. Le mâle ne sert plus à rien, à part déboucher l’évier et payer les factures. La domination historique de l’homme sur la femme s’est transformée en lutte sourde pour le pouvoir dans le couple, chacun avec ses arguments. Et là où l’homme a encore l’avantage physiquement, il l’a de moins en moins économiquement et ne l’a jamais eu psychologiquement.
Quand Aude Barietety, auteur d’un livre sur l’affaire, avance que ce qui a touché les Français, c’est d’abord la mort d’une joggeuse, puis le mensonge du veuf éploré pendant trois mois, elle se trompe. Quand un fait divers devient un phénomène de société, c’est qu’il touche à la structure des choses, et selon nous ce fait divers a pris l’importance qu’il a prise parce que c’est le procès de la nouvelle relation hommes/femmes, le procès de l’homme qui n’accepte pas de perdre le pouvoir sur la femme et au profit de la femme.