Contrairement à notre invité de la semaine dernière, Alexandre Wohlwend, dont l’analyse sur la situation de la BNS est assurément pertinente, nous ne croyons pas à une disparition de la monnaie unique. Nous pensons même, au contraire, que la catastrophe en cours permettra à terme d’élargir la zone euro. Cela passera assurément par une forte dégradation de la situation économique, sociale et sécuritaire, et provoquera autant de chocs aussi dramatiques qu’imprévisibles, permettant de contraindre les populations à des choix qu’aucune mesure démocratique n’aurait pu autoriser. La crise de la dette des Etats semble bien produire une accélération d’une « opération gigantesque, massive », pour reprendre les termes de Marie-France Garaud, dont nous tentons ici de définir l’agenda.
1. Nouveau plan de sauvetage pour la Grèce
Les deux précédents plans financés par la zone euro et le FMI (110 milliards d’euros en mai 2010 et 158 milliards en juillet 2011) ne suffisant pas à remettre la Grèce à flot, un nouveau plan est décidé par Bruxelles. La classe politique grecque ayant été jugée incapable de lutter contre la fraude, la corruption et l’évasion fiscale, les cadres du FMI, de la BCE et de la Commission européenne s’installent à Athènes pour prendre les rênes du pays. La Grèce devient le premier laboratoire d’un projet qui vise à anéantir la souveraineté des pays de l’Union européenne et, par extension, d’en réifier toutes les instances démocratiques.
2. Amplification de la crise
Les cadres du FMI, de la BCE et de la Commission européenne découvrent que la situation de la Grèce est pire que ce qu’ils estimaient. Les marchés s’effondrent à nouveau et, pour éviter le risque que le domino bancaire hellénique ne provoque un séisme majeur dans toute l’Europe, la BCE doit directement financer la dette grecque. La mesure apaise les marchés de façon transitoire, mais n’empêche pas que la note de la solvabilité de la France soit abaissée.
3. Faillite partielle de la Grèce
La solution du refinancement par la BCE n’étant pas viable à long terme, les dix-sept pays membres de la zone euro se réunissent en urgence afin de de revoir les statuts du Fonds européen de stabilisation financière (FESF), cela pour permette aux cadres du FMI, de la BCE et de la Commission européenne qui dirige la Grèce de mettre ce pays en faillite partielle. Objectif : une décote de 40 à 50 % des 300 milliards de dettes qui asphyxient le pays. Les banques grecques (dont plusieurs sont des filiales de banques françaises ou allemandes) sont immédiatement nationalisées.
4. Séisme bancaire
Le FMI s’oppose à un défaut ordonné de la Grèce et oblige les Européens à prendre sa part de crédit. Une grande banque commerciale française fait faillite. La note de solvabilité de l’Italie, du Portugal et de l’Espagne est une nouvelle fois dégradée, de sorte que ces pays se retrouvent eux aussi dans une situation de défaut. L’Europe est dans un climat de pré guerre civile. Afin de faire diversion aux révoltes légitimes des populations envers des mesures d’économies insoutenables, plusieurs attentats particulièrement meurtriers permettent d’exacerber les tensions inter-ethniques dans les principales capitales. Les médias alignés, aux ordres du pouvoir, brandissent l’épouvantail du « choc des civilisations ».
5. Vers une nouvelle Europe Impériale
Il faut se souvenir que c’est l’Allemagne qui a créé la monnaie unique. Après la réunification du pays, leur objectif était de créer une structure plurielle – une Europe fédérale autour de l’espace historique de la Germanie – dont l’élément structurant serait une monnaie unique. L’Allemagne n’a jamais voulu y intégrer les pays du « Club Med », cela s’est fait contre sont grès. Même s’il elle veut en conserver le contrôle, l’Allemagne n’a pas l’intention de soutenir financièrement des pays avec lesquels elle ne partage aucune solidarité politique, économique ou régionale. D’autant que ceci se passe à un moment où le basculement vers l’Asie est véritablement patent, visible, criant, massif, et où, par conséquent, l’Allemagne retrouve son tropisme historique vers l’Est. Jusqu’à présent, la faiblesse de l’euro a profité à l’Allemagne, mais elle fera tout pour empêcher sa disparition. S’appuyant sur le « Pôle Carolingien » d’une union fédérale avec la France, l’Allemagne a constitué une armature intérieure qui permet scinder la zone euro en deux classes : l’euro mark pour les pays du nord et l’intégration des pays de l’est, et l’euro franc pour les pays du sud et, à terme, la Turquie et les pays du Maghreb, après qu’ils aient été restructuré par quelques « révolutions arabes ». Cette scission de la monnaie unique aura pour avantage de permettre les réformes nécessaires dans les pays de la méditerranée afin de les niveler, sous la tutelle budgétaire centralisée par Bruxelles, qui est depuis toujours une chambre d’enregistrement des décisions prises au Bundestag.
Comme l’indiquait Marie-France Garaud il y a quelques mois : « Nous sommes devant une opération gigantesque, massive (…) L’Allemagne est restée souveraine. La cour de Karlsruhe est garante de la souveraineté allemande. Elle le dit expressément dans toute une série d’arrêts. Et pendant ce temps-là, nous, comme des imbéciles, il n’y a pas d’autres mots, nous avons aliéné notre souveraineté dans les traités européens. Mais pourquoi ? C’est véritablement incompréhensible. Comment prétendre être le pays le plus intelligent du monde et se conduire d’une manière aussi stupide ? »
Bonne question, mais il est désormais trop tard pour y répondre.
Spencer Delane, pour Mecanopolis