Pour illustrer l’amitié franco-allemande à Verdun, François Hollande a prononcé un discours d’une platitude qui en dit long sur l’essoufflement de la construction européenne. On en retiendra seulement le fructueux (mais mal exploité et probablement incompris par le président) rappel du traité de Verdun de 843, qui façonna le visage de l’Europe occidentale pour plusieurs siècles.
De Verdun à Verdun, le contre-sens de Hollande
En 843, les héritiers de Charlemagne reçurent chacun une portion de l’empire que leur grand-père carolingien avait forgé cinquante ans plus tôt, notamment à l’issue de plusieurs opérations militaires. La scission durable de l’empire explique largement l’instabilité territoriale qui sévira jusqu’au dix-septième siècle sur les terres occupées par les Francs.
Voici la carte de l’Europe à l’issue du traité de Verdun :
Si l’on admet l’hypothèse que cette carte dessine les frontières historiques naturelles des Francs, dont la France devrait être la digne successeur, alors on comprend quelques vérités qui ont échappé à François Hollande.
Première vérité : ce territoire n’inclut pas l’équivalent contemporain de l’Allemagne de l’Est, longtemps appelé Prusse, dont la capitale est Berlin.
Deuxième vérité : les frontières naturelles de la France débordent largement le Rhin et incluent une grande partie du territoire allemand actuel.
Autrement dit, la portée du geste de réconciliation entre Helmut Kohl (dont la capitale était Bonn) et François Mitterrand en 1984 est de nature très différente de la venue d’Angela Merkel à Verdun. En 1984, la France se réconciliait avec un territoire naturellement français et qui aurait dû rester dans notre sphère d’influence. Après la chute du Mur en 1989, la France a sottement accepté que Berlin redevienne capitale de la grande Allemagne, et c’est une représentante de cet espace politique inventé de toutes pièces en 1870 que la France a reçue ce dimanche.
D’un côté, un renouement pacifique avec notre sphère naturelle d’influence, de l’autre des mamours à un monstre géopolitique qui nous est hostile.
La Prusse, cet ennemi historique de l’influence française
Tous ceux qui acceptent de dépasser les apparences de l’actualité pour gratter un peu le sens de l’Histoire ne peuvent l’ignorer : tant que les frontières de la construction européenne se sont limitées à celles de l’empire carolingien (qui recouvrent bien ici une réalité historique durable), l’Europe a produit de la prospérité et de la concorde. Du jour où la Communauté Européenne a voulu s’étendre à de nouveaux territoires (la Grèce, au sud, la Prusse et les pays d’Europe de l’Est), sa mécanique s’est grippée et le continent est devenu un espace politique de conflit.