Comment récoltent-ils l’argent ? Les trésoriers du PS, du PCF, des Verts et du MoDem, ainsi qu’un membre de la direction de l’UMP s’expliquent...
L’affaire Bettencourt-Woerth aura au moins eu le mérite de mettre en lumière le rôle du trésorier d’un parti politique, fonction remplie par Eric Woerth depuis 2002 au sein de l’UMP et qui fait aujourd’hui débat en raison de sa double casquette. Tous les partis fonctionnent-ils de la même manière ? Les riches donateurs ont-ils droit à des attentions spécifiques ? 20minutes.fr a fait le tour des argentiers des partis les plus importants.
A l’UMP, l’usine à dons
« Chouchouter les grands donateurs, faire un dîner avec eux, c’est la moindre des choses. Et puis, vous savez, on est des petits joueurs à côté des Etats-Unis », nous explique franco un membre de la direction de l’UMP. Tous les mois, le club du Premier cercle, qui compte les 400 plus grands donateurs du parti sont réunis pour un dîner. Et une fois par trimestre, c’est Nicolas Sarkozy en personne - « le garant de la Constitution » s’étrangle Régis Juanico, le trésorier du PS - qui fait son show devant les grands patrons. A côté de ce cercle « Premium », il y a aussi le Cercle France, qui réunit ceux qui font des dons entre 300 et 1.500 euros. D’après cette source à la direction de l’UMP, il y a environ 40.000 donateurs à l’UMP, et le don moyen (limité à 7.500 euros par an et par personne) est « faible », autour de 30 et 40 euros.
Mais la machine UMP ne laisse rien au hasard pour ses « fund-raising ». Elle fait appel à une société spécialisée dans le marketing direct, Optimum, pour lancer ses campagnes de dons. « On a une organisation professionnalisée mais c’est normal. La politique à un coût. A partir du moment où la loi n’autorise que le financement public et le don privé, il faut aller chercher de l’argent », explique sans complexe ce cadre du parti de la majorité. Le don, dit-il, c’est « une autre façon de faire de la politique ». Et en 2008, l’UMP a récolté 7,4 millions d’euros, plus que tous les autres partis. A remettre en perspective par rapport au 52 millions de budget total du parti, dont 34,5 millions de dotation publique. « Tout est transparent, rien ne peut être caché », assure encore ce proche de la direction de l’UMP, puisque tout est contrôlé par la Commission nationale des comptes de campagne et de financements politiques.
Au PS, on attend les primaires
Au PS, c’est également les dotations publiques qui font l’essentiel du budget de 57 millions d’euros en 2009 : 23 millions d’euros. Suivis par le reversement d’une partie du traitement des élus, pour 15 millions d’euros - les élus UMP ne versent eux que 1,7 million d’euros à leur parti... - et les cotisations des 170.000 militants, pour 10 millions d’euros. En revanche, les dons de personnes physiques sont ridiculement bas : 446.000 euros pour 2009... « On n’a pas du tout la même culture qu’à l’UMP, où le don est considéré comme une ressource principale », attaque Régis Juanico, le trésorier du PS et député de la Loire. « Sans doute qu’on devrait développer les petits dons, car il y a un fossé avec les 7,4 millions de l’UMP qu’on peut combler en partie. On peut faire mieux », reconnaît-il. L’élu évoque le chiffre de « un ou deux millions d’euros ». La priorité pour le moment, c’est « réussir les primaires » : car avec une cotisation minimale d’un euro par votant, « on peut potentiellement espérer plusieurs millions d’euros », calcule Régis Juanico. « On préfère deux à trois millions de petits donateurs que de chercher de grands donateurs qu’on n’aura jamais », assure-t-il. La preuve, le plus grand contributeur du PS a signé un chèque de 1.000 en 2009.
Au PCF, le trésor, c’est la « force militante »…
Au PCF, évidemment, on ne fait pas de grands (ou petits) dîners avec de grands patrons. Et pourtant, le parti talonne l’UMP en termes de dons de personnes physiques avec, en 2009, 4,481 millions d’euros, prouvant ainsi que la culture du don n’est pas l’apanage de la droite. Le secret des communistes ? Etre toujours en quête de nouveaux militants, de nouveaux sympathisants et donc de nouveaux donateurs. Ce qui est possible grâce à un excellent maillage du territoire national, avec des fédérations régionales, départementales et locales. Pas de dîner donc, mais des « assemblées de début d’année », des « réunions », des « débats » et des « banquets républicains », explique Jean-Louis Frostin, le trésorier du PCF. « On fonctionne avec des réseaux, mais ce ne sont pas les mêmes que ceux de l’UMP », plaisante-t-il. Le trésorier met en avant « la force militante » du parti. « C’est le poids de l’histoire du parti. C’est notre conception de l’organisation militante du parti, avec des gens qui se battent pour faire des voix », ce qui amène des élus donc des aides publiques. Logique. Et si les 140.000 militants versent au titre de leur cotisation pour 3,13 millions d’euros, les élus sont, avec 16,32 millions d’euros, les principaux contributeurs aux 31,5 millions d’euros de budget du parti. Au PCF, la solidarité n’est pas un vain mot.
Au MoDem, « on survit » grâce à la dotation de l’Etat
Quand on lui parle du trésorier de l’UMP, Jean-Yves Le Jégou rigole. « C’est beaucoup plus artisanal chez nous », explique-t-il, en tout cas, « cela n’a rien à voir » par rapport à un fonctionnement « très professionnalisé, très organisé » de l’UMP. Alors oui, il lui arrive de déjeuner avec des personnes qui potentiellement pourraient faire un don au parti centriste, mais c’est « au cas par cas ». « Quand on a 500 ou 1.000 euros de dons, ce sont de très gros chèques », dit-il. Les personnes qu’il rencontre, c’est « par réseau » mais « ça n’a rien à voir avec ceux de l’UMP au Medef, dans les organisations professionnelles. Avoir un trésorier ministre, ça doit aider », explique-t-il. En tout et pour tout, sur les 5,6 millions d’euros de budget annuel, les dons ne représentent que 230.000 euros. La majeure partie de l’argent vient de la dotation de l’Etat, à hauteur de 4 millions d’euros et des cotisations des 30 à 40.000 militants, pour 510.000 euros. Autre source d’argent : l’Institut de formation des élus démocrates, qui ramène 450.000 euros au budget du parti. En clair, ce sont des élus du MoDem qui demandent une formation payée par les collectivités locales et qui vont se former dans l’institut du MoDem…
Les Verts sous perfusion de l’aide publique
« Collecter des fonds ? Oui, théoriquement, ça peut être le rôle d’un trésorier, mais chez nous, c’est pas vraiment la pratique », assure Michaël Marie, le grand argentier des Verts, qui ont un budget de 6,5 millions d’euros en 2009. Les écolos ont deux mamelles principales : le reversement d’une partie des traitements de leurs élus, pour 1.865 millions d’euros et le financement public, pour 1,838 millions d’euros. Les cotisations des adhérents représentent presqu’un million d’euros. Et le parti fait banquer d’une autre manière ses élus, pour « service rendus ». Au total, en 2009, ces derniers ont versé à leur parti 876.000 euros pour des prestations techniques comme des sites Web ou des affiches. Une combine ? Pas du tout. « On est obligé car ce type de facturation pourrait être perçu comme la contribution illicite d’une personne morale », nous explique Michaël Marie. Les dons, en revanche, ne représentent que 210.000 euros, du coup, « il n’y a pas de politique discriminatoire positive envers les gros donateurs », plaisante Michaël Marie. « Le fund-raising, on y a réfléchi mais on n’a pas trouvé la solution adéquate. On n’a pas les moyens humains et financiers de mobiliser une équipe. Et puis ce n’est pas notre culture, encore moins d’aller chercher des dons auprès de riches donateurs qui de toute façon n’ont pas d’intérêts sonnants et trébuchants à nous donner », reprend-il plus sérieusement. En fait, les Verts sont très dépendants de l’aide publique, versée selon les résultats des législatives en 2007. Or, le dernier cru n’a pas été très bon et a eu « un impact budgétaire direct » : il a fallu engager un plan social...