Le maire « Europe Ecologie – Les Verts » (EELV) de Sevran, Stéphane Gatignon, a jeté un pavé dans la mare en demandant l’aide de l’armée pour rétablir l’ordre dans sa commune, proie des trafiquants de drogue, qui y règlent leurs comptes avec des armes à feu.
« Nous sommes dans une situation de crise extrême. Dans le quartier Montceleux, où vivent près de 5000 habitants, deux adresses sont particulièrement visées (…) Depuis le 20 mars, les règlements de comptes armés entre gangs de trafiquants de drogue pour récupérer les points de vente dans les halls d’immeubles se sont intensifiés (…) Les habitants, les enseignants des écoles, les employés communaux et tous ceux des services publics qui vivent où travaillent dans ce quartier sont inquiets, voire terrorisés », a expliqué Stéphane Gatignon au Parisien.
« La seule solution est une présence 24 heures sur 24. Tant qu’il n’y aura pas d’évolution de la loi , on ne pourra gérer cette situation. Il faut des forces d’interposition, des casques bleus, comme ceux qu’on envoie à l’étranger pour empêcher les belligérants de s’entre-tuer » a-t-il poursuivi.
Faudrait-il alors déployer des forces militaires à Sevran, comme c’est le cas au Mexique, où les narco-trafiquants font régner leur loi ? Pour Nicolas Hulot, candidat à l’investiture d’EELV pour la prochaine élection présidentielle, le maire de Sevran a raison. Il « a employé le mot casque bleu qui est une image. Dans son esprit, il s’agit simplement d’une force d’interposition pour éviter que les gens se tirent dessus et que des citoyens risquent de prendre des balles perdues » a-t-il expliqué, le 5 juin, à l’antenne de Canal Plus.
Donc, si l’on comprend bien, il ne serait pas demandé aux militaires de mettre un terme aux trafics de drogues et de mettre les trafiquants sous les verrous mais de « s’interposer » et de compter les points tout en veillant à ce qu’il n’y ait pas de « balles perdues ».
« Le maire (de Sevran) demande l’intervention de l’armée, il a parfaitement raison Stéphane Gatignon a aussi raison » a également estimé Ségolène Royal, qui se présente à la primaire du Parti socialiste dans l’optique de 2012.
Le recours aux forces armées pour du maintien de l’ordre a été prévu par le législateur. Il est notamment encadré par les articles D1321 du Code de la Défense. Lors des émeutes dans les banlieues, en 2005, certains responsables politiques (de droite comme de gauche) ont demandé l’intervention des militaires pour imposer le retour au calme.
« Ce n’est ni leur métier, ni la conception de nous avons en France de l’armée depuis le XVIIIe siècle » avait fait valoir, à l’époque, dans les colonnes du quotidien La Croix, Dominique David, alors responsable des études de sécurité à l’Insitut français des relations internationales.
Des forces d’interposition militaires à Sevran, il n’en est pas question pour le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, qui n’aurait d’ailleurs pas apprécié que Stéphane Gattignon soit parti en week-end alors qu’il s’était déplacé dans sa commune. « Dans un Etat démocratique, c’est à la police républicaine, sous le contrôle de la justice, de rétablir la sécurité », a-t-il fait valoir.
Au Parti socialiste, le député Jean-Jacques Urvoas, en charge des questions de sécurité à la rue Solférino, a estimé que le recours à l’armée contre les trafiquants de drogue et les bandes est « une très mauvaise idée » car « elle traduirait l’impuissance de l’Etat. Elle s’inscrirait en sus dans une stratégie de tension qui ne peut que desservir la population. » Et d’ajouter : « la militarisation de l’ordre public ne peut être une solution pérenne. On ne voit d’ailleurs pas en quoi le fait de remplacer les CRS ou les escadrons de gendarmes mobiles qu’a dû déployer le préfet par des soldats changerait quoi que ce soit. »
Pour le parlemetaire socialiste, il faudrait « investir dans le renseignement, multiplier les opérations judiciaires au long cours, démanteler les trafics et écarter les fauteurs de trouble des quartiers dont ils empoisonnent la vie ».