Quel que soit le scénario envisagé pour la prochaine Loi de programmation militaire (LPM), l’effort de défense de la France représentera, à terme, moins de 1,5% du PIB, c’est-à-dire la limite défendue par les parlementaires, tous bords politiques confonfus, à l’exception des écologistes.
Ainsi, l’option Z, souhaitée par Bercy, impliquerait une baisse des dépenses militaires de 30 milliards d’euros d’ici 2020. Soit une annuité budgétaire de moins en six ans. Et cela reviendrait à casser l’outil de défense tel qu’on le connaît actuellement. Pour être clair, une opération comme celle menée au Mali ne pourrait être plus menée par les forces françaises. Il suppose également la suppression de 50.000 postes, si ce n’est plus, et celle de 30 000 emplois dans l’industrie.
Quant à l’autre scénario, appelé Y, il est certes moins brutal mais il n’en sera pas moins douloureux. Il prévoit une réduction du budget de la défense de 15 milliards d’euros d’ici 2020 pour arriver à un effort de défense équivalent à 1,20% du PIB. Et il suppose des reports de programmes, voire la diminution de commandes. D’où le vœu de Jean-Louis Carrere, le président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense au Sénat, qu’il y ait une troisième option pour la prochaine LPM…
En attendant, beaucoup s’inquiètent, à juste titre, de l’avenir de l’armée de Terre. Mais si l’on en croit La Tribune, l’idée envisagée de réduire le nombre d’avions commandés à 225 exemplaires est préoccupante pour celui de l’armée de l’Air, et cela d’autant plus que dans le lot, des appareils sont destinés à la Marine nationale…
Initialement, 320 Rafale devaient être commandés. Puis, au fil du temps et des économies demandées, cette cible a été réduite à 294 puis à 286 (228 pour l’armée de l’air et 58 pour la marine). Si la mesure évoquée par La Tribune se confirme, il faudra faire avec 61 avions en moins, soit l’équivalent de 3 escadrons, afin d’économiser un peu plus de 6 milliards d’euros. Pour le moment, 180 appareils ont été commandés, 132 pour l’armée de l’Air (69 monoplaces et 63 biplaces) et 48 pour la Marine nationale.
Contractuellement, l’État s’est engagé à acquérir 11 Rafale par an afin de maintenir la ligne d’assemblage de Dassault Aviation. Cette contrainte n’est pas du goût des industriels de l’armement terrestre étant donné que ces derniers estiment qu’elle siphonne des crédits qui pourraient servir à moderniser les équipements de l’armée de Terre. Et un contrat à l’exportation qui serait signé dans un proche avenir de permettrait pas d’alléger cette contrainte, du moins pas avant 2017 d’après Laurent Collet-Billon, le délégué général pour l’armement (DGA).
Pour rappel, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (LBDSN) de 2008 avait recommandé le maintien d’une “composante aérienne de combat (…) modernisée” disposant “d’un parc homogène de 300 avions polyvalents de type Rafale et Mirage 2000D, dont 270 en ligne.” Or, cet objectif n’a pas été tenu.
Si la réduction du nombre de Rafale est effectivement adoptée, il restera à voir comment elle sera supportée. La Marine nationale pourrait ainsi renoncer à transformer la Flottille 17F sur cet appareil. Quoi qu’il en soit, elle supposera une réduction de format de l’aviation de combat française.
À l’horizon 2020, l’armée de l’Air devait donc, en principe, mettre en œuvre deux types d’avions de combat : le Rafale et le Mirage 2000D, le premier étant appelé à remplacer les Mirage F1 CR et CT et les Mirage 2000C, B et -5.
Mais la modernisation à mi-vie des 77 Mirage 2000D se fait attendre. D’un coût relativement faible (10 millions d’euros par appareil), cette dernière a fait les frais des arbitrages budgétaires au cours de ces dernières années. Et l’on voit mal comment il pourrait en aller autrement à l’avenir, dans un contexte encore plus contraint.
“Le Mirage 2000D sera retiré du service à partir de 2018 s’il n’est pas rénové. La flotte de combat s’écroulera aux alentours de 150 avions en ligne en comptant les Rafale air et marine. À titre de comparaison, l’Arabie Saoudite comptera près de 280 avions de combat modernes et polyvalents de type Typhoon et F15-S à la même période”, avait mis en garde les sénateurs Xavier Pintat et Daniel Reiner, dans un rapport publié en novembre 2010.
Le député (UMP) François Cornut-Gentille, auteur d’un rapport sur la Défense pour le compte de la commission des Finances et publié l’automne dernier, a estimé que “ces atermoiements font peser une forte incertitude quant à la réalisation définitive de ce programme, au risque de placer l’armée de l’Air devant de graves difficultés opérationnelles.”
Par ailleurs, si la question des drones MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) a fait l’objet de beaucoup de commentaires pour déplorer le fait que la France a raté le train en marche dans ce domaine, un autre problème se posera bientôt à l’armée de l’Air, à savoir le remplacement des avions destinés à la formation de ses pilotes.
Un projet appelé “Advanced European Jet Pilot Training System” (AEJPT) a été lancé en février 2009 par l’Agence européenne de défense (AED). Mais, comme l’a souligné François Cornut-Gentille, “la capacité de cette dernière à mener à terme ce programme dans des délais suffisamment courts pour être en phase avec les besoins opérationnels des différentes armées de l’Air concernées est sujette à interrogation.”
Du coup, en mars 2012, le ministère de la Défense envisageait d’adopter, en 2016, une “solution nationale” avec la “mise en place à Cognac d’un avion moderne au coût d’exploitation maîtrisé disposant d’une capacité de simulation embarquée.”
Sauf qu’il n’y a pas la moindre “solution nationale” en vue actuellement… Et qu’il faudra éventuellement se tourner vers le M-346 d’Alenia Aermacchi ou le Hawk de Bae Systems. “Il ne faut pas sous-estimer l’impact d’un tel programme, notamment à l’export. En exportant un avion d’entraînement, la France exporte un mode opérationnel et technologique susceptible de faciliter la vente de ses avions de chasse”, estime pourtant M. Cornut-Gentille.
À cela s’ajoute le retard pris dans la rénovation des radars de l’armée de l’Air, la phase 2 de la 4e étape du système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA) n’ayant pas été inscrite dans la Loi de finances pour 2013.
Enfin, et avant même les débats sur les coupes budgétaires annoncées pour la prochaine LPM, l’actuel CEMAA, le général Denis Mercier, avait soulevé, en octobre dernier, un problème majeur : la baisse du volume d’heures d’entraînement des pilotes, qu’ils soient de chasse ou de transport. Et cela n’est pas sans conséquence sur le maintien des compétences mais aussi et surtout sur la sécurité des vols.
Cependant, seule éclaircie dans les années qui viennent : l’arrivée de l’A400M Atlas, lequel remplacera les C-160 Transall à bout de souffle. Encore que, il n’est pas certain que les 50 exemplaires commandés soient au rendez-vous…