L’ex-leader de Femen Québec, Kseniya Chernyshova, qui s’était fait connaître en se dénudant la poitrine à l’Assemblée nationale en 2013, a été arrêtée à New York il y a deux semaines. Elle fait face à un chef d’accusation de prostitution.
Son arrestation est survenue le 11 novembre, trois jours après l’arrestation à New York de la Femen montréalaise Neda Topaloski, qui s’est présentée les seins nus au bureau de vote de Donald Trump, dans Manhattan, le jour de l’élection présidentielle. Les deux événements ne semblent cependant pas liés.
Le Bureau du commissaire adjoint à l’information du NYPD a indiqué hier à La Presse que Mme Chernyshova a été arrêtée dans la soirée du 11 novembre pour « avoir accepté de participer à un échange sexuel contre la somme de 300 $ ». La police new-yorkaise n’a pas donné plus de détails sur les circonstances de l’arrestation.
Jointe par Facebook, la Montréalaise de 30 ans dément formellement s’être livrée à des activités de prostitution. Mme Chernyshova affirme avoir été incarcérée pendant 24 heures avant d’être libérée. Les policiers new-yorkais l’ont laissée avec seulement un dollar en poche à sa sortie du poste.
Un docu-fiction sur la prostitution
Comédienne de formation, Mme Chernyshova complète présentement un certificat en études en « féminisme et sexualité » à l’Université Columbia de New York. Elle travaille également sous le nom d’artiste Xenia Sin à la réalisation d’un docu-fiction traitant de l’univers de la prostitution. Les tournages ont été effectués à New York au mois d’octobre, avec des clients et des prostitués réels ainsi qu’avec des comédiens. « On a dansé avec le diable, comme on dit », a résumé Mme Chernyshova dans une conversation par textos hier soir.
Le synopsis présenté sur le site de sociofinancement Indiegogo affirme que le film, intitulé Reine et Ruine, « a été tourné dans des circonstances très risquées à Montréal et New York ». « La réalisatrice Xenia Sin, créatrice de Femen en Amérique du Nord, a fait un travail délicat d’infiltration dans l’industrie du sexe, les services d’escortes haut de gamme, la prostitution de classe moyenne et dans les gangs au Canada et aux États-Unis », lit-on.
« C’est un docu-fiction sans sexe réel », assure Kseniya Chernyshova, qui y a elle-même campé le rôle d’une « artiste érotique » qui « tente de changer l’industrie du sexe » en « couchant avec ses ennemis politiques pour toucher leur coeur ».
Le film a pour but de « dénoncer la dynamique prostitutionnelle au complet », a indiqué Mme Chernyshova. Sans le dire directement, l’activiste montréalaise laisse entendre que la réalisation de ce docu-fiction pourrait être le déclencheur de son arrestation.
« J’ai tout simplement trouvé une brèche pour agir dans le style sextrémiste pour démasquer ce que l’on [...] cache aux citoyens », affirme-t-elle.
II s’agit de « dire la vérité sur l’industrie du sexe sans accuser personne sauf les vrais criminels qui ne sont ni les travailleuses du sexe, ni les clients, ni même ceux qu’on définit comme pimps », a-t-elle écrit.
Son avocate new-yorkaise, Danielle Von Lehman, n’a pas répondu à notre demande d’entrevue hier.
Un tournage « difficile »
Mélanie Carpentier, fondatrice de la Maison de Mélanie, un organisme montréalais venant en aide aux femmes victimes de traite de personne, dit qu’elle était au courant des démarches artistiques de Mme Chernyshova. « Ça fait un bout de temps qu’elle m’a dit que ça brassait, que le tournage, par sa nature, était difficile. Quand on dénonce une problématique comme celle de la prostitution, c’est pas juste les pimps qui réagissent. Les clients aussi peuvent réagir. C’est sûr qu’il y a des retombées ».
En octobre 2013, Kseniya Chernyshova avait défrayé la chronique lorsqu’elle s’était dénudé la poitrine dans l’estrade des visiteurs de l’Assemblée nationale, avec deux autres complices. Les trois femmes avaient scandé « Cruxifix décâlisse » pour dénoncer la présence de symboles religieux dans l’arène politique. Peu après, Mme Chernyshova s’est dissociée du mouvement Femen, au point d’être présentement en froid avec une de ses principales activistes, Neda Topaloski.
« Depuis deux ans, elle n’apparaît dans aucune de nos actions. Le fait qu’elle utilise le nom de Femen pour ses projets personnels est simplement faux et irrespectueux », a réagi Mme Topaloski lorsque La Presse lui a demandé de commenter l’arrestation de Mme Chernyshova.
Premier procès des Femen aujourd’hui à Montréal
C’est aujourd’hui que débute à la Cour municipale de Montréal le premier procès de Femen au Canada. L’activiste Neda Topaleski fait face à des accusations de méfait et d’avoir troublé l’ordre public, pour deux interventions qu’elle a faites rue Cresent lors des Grand Prix de 2014 et de 2015.
Seins nus, elle était montée sur un kiosque en 2014 pour dénoncer l’industrie du sexe et le tourisme sexuel lié à la Formule 1, et avait récidivé en 2015 en criant sur un bolide de course, toujours les seins nus, « Montréal n’est pas un bordel ! ». Des accusations d’exhibitionnisme et d’action indécente qui pesaient contre elle ont été retirées récemment. Le procès devrait durer deux jours.