Aux péages de Lançon et d’Arles, ils ont vidé le contenu de dix camions étrangers.
Hier, au niveau du péage de Lançon, les automobilistes n’en croyaient pas leurs yeux. Une cinquantaine de personnes vidaient sauvagement la cargaison de camions aux immatriculations étrangères. Ces personnes, ce sont les agriculteurs du Vaucluse, des Bouches-du-Rhône et du Gard qui ont laissé éclater leur colère.
Des prix bas à la vente résultat d’une concurrence faussée selon eux par la grande distribution, toujours plus de taxes à payer et surtout un flot d’importation de fruits et légumes beaucoup trop important. Voilà les arguments qu’avancent les agriculteurs pour expliquer "la crise sans précédent" qu’ils vivent cette année.
"Tous les secteurs agricoles sont touchés et notamment les fruits et légumes. La grande distribution fait venir des produits d’Espagne et d’Italie entre autres. La main d’oeuvre est moins chère dans ces pays qui affichent des prix bas.
Les agriculteurs français doivent baisser leur prix d’au moins 20, 30 et même 40% pour pouvoir vendre. Actuellement, la perte du chiffre d’affaire brut s’élève de 25 à 50 selon l’exploitation", explique André Bernard, président de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles du Vaucluse.
C’est ainsi que pour se battre contre l’importation, les agriculteurs du Vaucluse, des Bouches-du-Rhône et du Gard, encadrés par les gendarmes, ont mené une opération coup de poing en immobilisant tous les camions étrangers qui tentaient de franchir le péage de Lançon, créant un bouchon de plus de 5 kilomètres.
Ordre du jour : ne laisser passer aucune production importée. Manuel, un chauffeur espagnol, malgré sa résistance, a donc vu ses 24 tonnes de nectarines écrasées sur le goudron. "C’est incompréhensible, s’énerve Manuel, je comprends que la production française ait des problèmes, mais pourquoi s’attaquer à moi ? je ne fais que mon travail."
En l’espace de 45 minutes, les agriculteurs ont vidé les remorques de trois camions remplies de pêches, d’oranges, de figues et de poires. Tous ces fruits venus d’Espagne. "Le chargement d’un de ces camions représente une année de travail pour un seul agriculteur local. Et ce n’est pas à nous qu’on achète les produits, s’emporte le président 84 de la FNSEA. Maintenant, ça suffit. Nous demandons à rencontrer les pouvoirs publics pour élaborer un plan structurel afin de sauver la profession."
Sauver une profession qui désormais "ne fait plus rêver les jeunes, s’accordent à dire Vincent, Pascal et David, trois jeunes producteurs du Vaucluse. Nous, si on est dans le métier, c’est parce que nous avons repris les exploitations de nos parents. Mais dans l’agriculture, on travaille et on ne sait jamais le salaire qu’on va pouvoir se verser."
Après Lançon, le convoi des agriculteurs s’est dirigé vers l’A54 où, là encore, trois camions ont été interceptés. "Et si les pouvoirs publics ne veulent pas nous entendre, nous sévirons à nouveau en nous rendant dans des supermarchés ainsi que des entreprises privées", menace André Bernard.