Le roi Juan Carlos d’Espagne a appelé ses concitoyens à "continuer de construire ensemble un pays uni". Mais les Catalans n’ont pas entendu cet appel : pour la première fois la télévision régionale n’a pas diffusé en direct l’allocution du monarque, écrit jeudi le quotidien Kommersant.
En revanche elle a largement cité les rappels du chef de l’exécutif catalan Artur Mas selon qui l’année 2014 sera fatidique : le 9 novembre devrait se tenir le référendum sur l’indépendance de la région catalane. Les séparatistes devront avant tout persuader les autorités centrales, qui affirment que ce référendum est anticonstitutionnel.
Le monarque a commencé son allocution par un thème qui préoccupe la majorité des Espagnols : la crise économique. "La crise économique a découragé beaucoup d’Espagnols. L’absence de solutions efficaces et les infractions aux normes d’éthique et de morale par les politiciens et dirigeants ont sapé l’image de la politique et la foi en nos institutions publiques", a reconnu Juan Carlos, soulignant qu’il était indispensable de conserver l’unité du pays dans ces conditions.
En 11 minutes et demie d’intervention, Juan Carlos n’a pas mentionné la Catalogne. Mais il est évident que dans son appel à l’unité il faisait allusion à cette région autonome espagnole qui pourrait devenir un Etat indépendant dans moins d’un an. Les autorités régionales ont fixé au 9 novembre prochain un référendum sur l’indépendance, ce à quoi les autorités centrales ont répondu qu’elles empêcheraient sa tenue.
Pratiquement toute l’Espagne a suivi le discours de Noël du roi en direct à la télévision, sauf les principaux destinataires du message : les Catalans et Basques - tout aussi enclins au séparatisme. C’est la première fois que les principales chaînes régionales – TV3 et ETB – renoncent à diffuser l’allocution du roi en direct.
Au contraire, TV3 a montré les images du chef du gouvernement régional Artur Mas, fervent partisan de l’indépendance de la Catalogne, qui appelait ses compatriotes à parvenir à l’indépendance de leur patrie "pacifiquement et démocratiquement".
Ce ne sera pas facile. "Nous rejetterons l’initiative des nationalistes catalans. Seule la constitution de l’URSS prévoyait le droit de sortir librement de l’Union et nous savons comment tout s’est terminé. La constitution espagnole ne prévoit rien de tel", a déclaré une source diplomatique de Madrid. Plus tôt, le premier ministre Mariano Rajoy se disait prêt à examiner une éventuelle modification des relations avec la Catalogne, par exemple en changeant le régime fiscal, mais il considère ledit référendum comme anticonstitutionnel.
D’après les sondages de décembre du GESOP à la demande du quotidien El Periodico, 44% des Catalans soutiennent la séparation de Madrid et 36% s’y opposent. "Mais ce rapport pourrait changer dans les années à venir. Et que devra-t-on faire ensuite – un autre référendum pour faire revenir la Catalogne au sein de l’Espagne ?", s’interroge la source. Elle est persuadée que le soutien des séparatistes diminuera au fur et à mesure que l’Espagne sortira de la crise économique.
Les nationalistes catalans ont l’intention de faire changer la position des autorités centrales avec l’aide de leurs alliés sur l’arène internationale. Pour commencer Artus Mas et ses collaborateurs devront convaincre les dirigeants de l’UE et des USA de la légitimité de leurs exigences. A cet effet, il a été décidé d’ouvrir à Washington une nouvelle représentation permanente de la Catalogne en plus de celle de New York. De plus, le lancement de la campagne internationale sous le slogan "Laissez-nous voter" est prévu à Barcelone en janvier.
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