Lundi, l’agence notation Moody’s remettait sur la table la question des dettes publiques, en estimant « très probable » l’abaissement de la note de quatre grands pays : le Royaume-Uni, la France, les Etats-Unis et l’Allemagne. De ces quatre grands pays, c’est la France qui court actuellement le plus de risque, en raison du poids des charges de la dette, a également indiqué l’agence de notation.
Moody’s assure que l’espoir mis par ces pays dans la reprise économique pour résoudre les problèmes de dette « a jusqu’à présent été brisé par le fait que le gros de la reprise mondiale se place ailleurs ». L’agence estime qu’il n’est pas possible « d’esquiver la nécessité de baisser les dépenses » en laissant les plans de relance en place et en espérant la croissance : « Cela mettrait à l’épreuve la patience et la confiance des marchés financiers ou des banques centrales, qui pourraient se mettre à combattre les attentes d’inflation en élevant les taux d’intérêt. »
Le messages est sans ambiguïté : pour baisser les dépenses, il convient pour ces ces pays d’entamer sans plus attendre une restructuration budgétaire du même type que les mesures d’austérité promulguées par le gouvernement grec la semaine dernière, soit des coupes salariales frappant tous les niveaux de revenus, un gel des retraites, une augmentation de la TVA et une hausse des taxes sur l’essence, entre autres.
Le chantage des agences de notations accélère encore un peu plus la cadence de la crise des Etats, accréditant une fois encore nos pire prévisions. Nous écrivions en effet, il à 5 jours à peine : « Il est urgent de comprendre que notre sort n’est pas séparé de celui des Grecs. Demain, ce sera le tour du Portugal, puis de l’Espagne ou de l’Italie, avant que le piège ne se referme sur nous tous. »
20% de Grecs pour un « soulèvement général »
Un sondage réalisé auprès de 1.008 personnes du 8 au 10 mars, c’est à dire avant la deuxième grève générale de jeudi dernier, indique que 20% de la population grecque était en faveur d’un soulèvement général afin d’obtenir l’abolition de mesures d’austérité.
La majorité des sondés est en faveur d’une riposte syndicale modérée : pour 40%, les syndicats doivent « rechercher des solutions pacifistes » et pour 35% « exprimer leur opposition mais sans impulser de violences sociales »
L’Euro en chute libre
L’euro baissait nettement lundi face au dollar, le marché des changes se montrant anxieux en attendant l’issue d’une réunion des ministres européens des Finances consacrée à la crise grecque.
Cet accès de faiblesse de la monnaie unique européenne intervenait alors que les ministres des Finances de la zone euro, réunis à Bruxelles, tentaient de mettre en place un plan de soutien financier de 30 milliards d’euros à la Grèce.
L’Allemagne responsable de la crise grecque ?
Alors que le premier ministre Fillon déclarait en fin de semaine dernière qu’il n’y a « aucune divergence de vue » entre la France et l’Allemagne, la réunion de l’Eurogroupe à été très tendue entre les ministres de l’économie des deux pays.
Christine Lagarde a estimé que le modèle de croissance allemand était depuis longtemps trop tourné vers les exportations, et la limitation des coûts salariaux pour rendre les produits vendus à l’étranger le plus compétitif possible. Mais « je ne suis pas sûre que ce soit un modèle viable à long terme et pour l’ensemble du groupe (de la zone euro). Il est clair que nous avons besoin d’une meilleure convergence », a indiqué la ministre française. Une allusion aux bas salaires des travailleurs peu qualifié en Allemagne mais aussi de l’intérêt de ce pays à profiter pleinement de l’affaiblissement de l’euro, au point ou de nombreux commentateurs commencent à s’interroger sur la responsabilité de l’Allemagne dans la crise grecque.
Son homologue allemand, le ministre des Finances Wolfgang Schäuble, lui a rétorqué, avec un mépris typiquement germanique, que la question est plutôt de savoir « comment les autres pays peuvent-ils atteindre cela ? »
Même son de cloche du côté des exportateurs allemands : « Nos entreprises réussissent parce que nous nous sommes adaptés à la compétition internationale », a affirmé Andre Schwarz, porte-parole de leur fédération.
Seule la ministre de l’économie espagnole, Elena Salgado, dont le pays assure la présidence tournante de l’Union européenne, a laissé entendre qu’elle partageait, sur le fond, l’analyse française.
Ce début de polémique reflète le rôle pivot de l’Allemagne dans la résolution de la crise grecque. Wolfgang Schäuble est partisan d’un Fonds monétaire européen doté d’un droit de regard sur les finances des États en difficulté, un organe qui ne serait pas contrôlé par le parlement, et par lequel de nombreux autres pays voient une volonté hégémonique de l’Allemagne.
Ambiguïtés de l’Eurogroupe
« Nous avons clarifié les modalités techniques qui nous permettront de prendre une action coordonnée » pour aider la Grèce, « qui pourra être activée rapidement si une telle nécessité devait se présenter », a affirmé le chef de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, à l’issue de la réunion de lundi.
« La décision ultime relèvera du Conseil européen », a-t-il souligné.
Les décisions du Conseil européen ne sont pas prises à la majorité, lors d’un vote, mais par « consensus » à l’issue de négociations entre les États membres et « d’autres fonctionnaires suivant les priorités définies par la présidence », indique le Traité de Lisbonne. M. Herman van Rompuy incarne ce poste décisif depuis le 11 novembre dernier.