La Libye est plongée dans une profonde crise économique depuis la fermeture mi-2013 de ses principaux sites pétroliers, privant l’Etat de l’essentiel de ses revenus, trois ans après la révolution qui a renversé le régime de Mouammar Kadhafi.
Dans l’Est, des partisans du système fédéral bloquent depuis juillet les principaux terminaux pétroliers, ce qui a entraîné pendant plusieurs mois une chute de la production du pays à 250 000 barils par jour, contre 1,5 million b/j auparavant.
Après la levée du blocus imposé par des protestataires sur le champ al-Charara au Sud, la production est remontée début janvier à 570 000 b/j, avant de reculer de nouveau cette semaine avec la fermeture par des manifestants du champ d’al-Wafa dans le Sud-Ouest.
Dans un pays où le secteur pétrolier contribue à hauteur de 70% du PIB, de 95% des revenus de l’État et de 98% de ses exportations, cette instabilité a de lourdes conséquences...
Selon des estimations du ministère du Pétrole et de la Banque mondiale, la Libye a ainsi subi des pertes estimées à plus de 10 milliards de dollars depuis juillet.
Et le Premier ministre Ali Zeidan a estimé que son pays était désormais entré dans une crise économique, affirmant que le gouvernement pourrait avoir des difficultés à payer les salaires sur le budget 2014.
Recul du PIB en 2013
D’après le Fonds monétaire international (FMI), l’économie libyenne s’est contractée de 5,1% en 2013.
La crise pétrolière a causé une perte de 6,5 points de croissance, a estimé auprès de l’AFP un représentant d’une institution financière internationale basé à Tripoli, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat.
Et même si la crise (pétrolière) est résolue, la Libye mettra plus longtemps pour revenir à son niveau de production qu’elle ne l’a fait après la révolution ayant conduit en 2011 à la chute du régime Khadafi, ajoute-t-il, en raison de problèmes techniques et logistiques, et de la difficulté à retrouver des clients.
Après un excédent budgétaire en 2012, la Libye devrait connaître un déficit d’environ 5% du PIB en 2013 et de 4% en 2014, selon la Banque mondiale, qui souligne que le gouvernement a dû puiser entre 10 et 13 milliards de dollars dans son stock de réserves de devises.
"La crise pétrolière a profondément affecté l’économie, réduisant considérablement les ressources de l’État, qui est le principal pourvoyeur de l’investissement et garant de la consommation", a affirmé à l’AFP Ahmed Belras Ali, un responsable à la Bourse de Tripoli.
"Cette situation a commencé à avoir des effets sur les investissements boursiers, en provoquant un climat de peur chez les hommes d’affaires", a-t-il ajouté.
Espoir dans le secteur privé
En raison de l’instabilité et de la montée de l’insécurité dans le pays, où des milices composées d’ex-rebelles imposent leur loi, les compagnies étrangères rechignent aussi à revenir, retardant la reconstruction du pays dont les infrastructures déjà vétustes ont été affectées par le conflit de 2011.
Les coupures de courant sont de plus en plus fréquentes, en particulier dans l’Ouest.
Néanmoins, ces derniers mois, magasins et boutiques ont fleuri à Tripoli et dans les grandes villes du pays, proposant tout type d’articles et équipements, y compris des marques de luxe occidentales, témoignant d’une éclosion du secteur privé.
Ces investissements ont été réalisés grâce à des partenariats avec les investisseurs étrangers, alors que l’État, plombé par la crise pétrolière, n’a pas pu réaliser les dépenses dans les projets de développement prévus, a expliqué Idriss Abdelhadi, président de la chambre du commerce.
Selon des experts, ces investissements concernent des pans peu importants de l’économie, comme le commerce et les services à faible valeur ajoutée.
Mais d’après M. Ali, malgré les difficultés actuelles, l’espoir réside dans le secteur privé qui servira de locomotive à l’économie.
La Banque mondiale a d’ailleurs récemment souligné le besoin urgent d’une diversification de l’économie et appelé à des réformes pour générer un secteur privé dynamique, en estimant que les principaux obstacles à son développement étaient le manque d’accès aux financements, l’incertitude dans l’environnement règlementaire et la situation sécuritaire.
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