Au moins 300 ressortissants tadjiks combattraient actuellement dans les rangs de l’État islamique et autres groupes jihadistes. D’où les mesures prises par ce pays à majorité musulmane pour contrer cette tendance : le port de la barbe est désormais interdit, de même que l’importation du hijab [voile islamique].
Mais le plus inquiétant pour Douchanbé reste la situation dans le nord de l’Afghanistan, pays avec lequel il partage une frontière de 1,340 km de long. Et en particulier dans la province de Kunduz, où les taliban, très probablement renforcés par des éléments étrangers, dont des membres du Mouvement islamique d’Ouzbekistan, lequel a apporté son soutien à l’État islamique (EI).
En outre, avec la porosité des frontières, il est à craindre des infiltrations jihadistes via la vallée de Ferghana qui chevauche le Kirghizstan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan. Cette « zone grise » peut constituer – si ce n’est pas déjà le cas – un repaire pour les mouvements jihadistes et criminels, ce qui peut avoir pour conséquences la déstabilisation des États concernés ainsi qu’une hausse des trafics, en particulier de stupéfiants.
En 2013, Nikolaï Bordiouja, le secrétaire général de l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC), avait estimé que, avec le retrait d’Afghanistan des forces de l’OTAN et le retour probable des taliban, la « situation ne pourrait qu’empirer, avec une influence directe sur la Russie ».
Aussi, le 30 avril, le ministère russe des Affaires étrangères s’est dit particulièrement préoccupé par la situation dans le nord afghan. Et cela d’autant plus que, par le passé, le Tadjikistan a déjà eu à faire avec des groupes jihadistes dans la vallée du Racht, et que les capacités militaires des pays concernés sont plutôt limitées. D’où le rôle de « garant pour la sécurité » prêté à la Russie.
« Des informations alarmantes nous parviennent sur une dégradation sérieuse de la situation dans les provinces nord-est de l’Afghanistan, à proximité des frontières des Etats d’Asie centrale. Nous sommes particulièrement préoccupés par l’offensive d’envergure menée à présent par les terroristes dans la province de Kunduz, limitrophe du Tadjikistan », a-t-il fait affirmé.
Cette inquiétude n’est pas nouvelle. En 2012, Moscou et Douchanbé s’étaient mis d’accord pour conserver sur le territoire tadjik, pour une durée de 49 ans, une base militaire abritant la 201e division russe et environ 7 000 hommes, ce qui en faisait, à l’époque, la plus importante maintenue par la Russie à l’extérieur de ses frontières.
Cette emprise militaire « relève de l’Organisation du traité de sécurité collective et est prête à repousser les menaces extérieures auxquelles nos Etats sont exposés », avait alors expliqué Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères.
Et c’est justement dans le cadre de l’OTSC, qui réunit également la Biélorussie, l’Arménie, le Kazakhstan, et le Kirghizistan qu’un important exercice militaire impliquant 2 500 soldats a commencé la semaine passée au Tadjikistan.
« Les forces armées de ces États ont des faiblesses critiques, avec des structures de commandement corrompues » a expliqué Vasily Kashin, un expert du Centre d’analyse des stratégies et des technologies de Moscou, dont les propos ont été rapportés par l’AFP. « Une incursion [jihadiste] modérée pourrait avoir un effet dévastateur. La Russie n’aurait pas d’autre choix qu’une intervention militaire rapide », a-t-il ajouté.
D’où l’importance de cet exercice militaire qui se tient actuellement au Tadjkistan. La participation russe comprend 500 commandos « d’Ivanov et d’Oulianovsk », « 60 matériels de guerre », 2 avions d’attaque Su-25, 2 chasseurs-bombardiers Su-24, ainsi que des hélicoptères Mi-8 et Mi-24.