La SNCF est devenue une cliente d’Amazon pour l’hébergement de la majorité de ses serveurs et de ses applications. Le choix d’une entreprise publique française de privilégier un géant états-unien soulève néanmoins des enjeux de souveraineté.
Selon une information de la Revue digitale publiée le 8 décembre, la SNCF s’est tournée vers le cloud d’Amazon pour l’hébergement de « la quasi-totalité des 7 000 serveurs physiques et virtuels et 250 applications de son usine digitale », assurant notamment les ventes en ligne de billets mais aussi la gestion d’applications par les agents, contrôleurs ou conducteurs.
Le recours à un cloud – un système informatique faisant appel à des serveurs à distance pour accéder à des logiciels, stocker et partager des données – serait d’un intérêt stratégique, en premier lieu pour répondre aux pics de trafic lors des ventes sur Internet.
Selon la Revue digitale, les serveurs de la SNCF seraient présents depuis mi-septembre dans trois centres de données d’Amazon situés en région parisienne.
« Nous avons fait le choix d’AWS [la solution cloud d’Amazon], c’est un choix d’ingénierie. Quand nous avons regardé le profil de risque et les garanties de services, en toute sincérité, nous avons été convaincus. Le ratio entre coût et bénéfice était en faveur d’AWS », a expliqué le directeur technologie chez eVoyageurs SNCF, Arnaud Monnier, lors d’une conférence de presse du 7 décembre rapportée par la Revue digitale.
« Nos études nous ont amené à la conclusion que l’on avait par le truchement d’Amazon un niveau de robustesse et de résilience au-delà de ce que nous aurions pu obtenir sur des Data Centers en propre. La vraie difficulté est que lorsque vous devez atteindre le niveau qu’Amazon propose, vous devez arriver à des catégories d’investissement qui sont extrêmement importants », a-t-il encore argumenté.
Le choix de la SNCF d’opter pour les services d’Amazon n’est pas sans rappeler l’hégémonie des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) sur le marché européen du cloud, une situation qui soulève des enjeux de taille, avant tout en ce qui concerne la protection des données des utilisateurs sur le Vieux continent.
Adopté en 2018, le Cloud Act permet par exemple à Washington d’obtenir, de la part des fournisseurs américains du cloud, des informations stockées sur leurs serveurs, même si ceux-ci sont situés en dehors du territoire national.
L’ancienne députée macroniste, membre des Nouveaux démocrates, Emilie Cariou, a estimé qu’« au-delà de l’absence totale de stratégie industrielle, [le choix de la SNCF] démontr[ait] une fois de plus une gestion alarmante des actifs publics nationaux ». « Seule la logique financière à court terme semble importer et cette posture nous met en danger », a-t-elle commenté.
La sénatrice socialiste (PS) de l’Ain, Florence Blatrix, a de son côté considéré que « s’agissant d’un groupe public et au regard de la masse de données, les questions de l’externalisation du cloud ou du recours à des solutions nationales d[evai]ent être posées ».
Interrogé en mai 2021 par RT France sur le développement de l’Internet à haut débit via le déploiement de méga-constellations de satellites sur les orbites basses de la Terre, un haut responsable du Centre national d’études spatiales (CNES), Gilles Rabin, constatait également la domination américaine sur l’Europe dans le secteur numérique, compte tenu du poids considérable des GAFAM dans le secteur. « On est une colonie digitale des États-Unis », résumait-il à ce sujet.