« Le système bancaire occulte chinois a échappé à tout contrôle et il est soumis à une pression croissante des investisseurs qui ont de plus en plus de mal à refinancer leurs dettes de court terme », a avertit l’agence de notation Fitch, dont les conclusions ont été rapportées par Ambrose Evans-Pritchard du Daily Telegraph.
Selon l’agence, L’ampleur des prêts consentis en Chine est si extrême que le pays ne réussira plus à se sortir de ses excès comme il l’avait fait par le passé.
« Le modèle de croissance basé sur le crédit est clairement en train de voler en éclats. Cela pourrait alimenter une crise massive de sur-capacités, et potentiellement à une déflation de style japonais », a indiqué Charlene Chu de Fitch. Elle précise que le système bancaire souterrain chinois n’offre aucune transparence. « Nous ne savons pas qui emprunte l’argent, qui sont les prêteurs, et quelle est la qualité des actifs, et cela sape la crédibilité des signaux », a-t-elle dit au Daily Telegraph.
Les défaillances de prêts du pays ne représentent guère qu’un pourcent mais cela n’est pas significatif, dans la mesure où ce ne sont pas les banques, mais de nombreux autres types d’organismes financiers tels que des fonds de placement, des trusts, et des établissements financiers opaques qui ont accordé plus de la moitié des prêts récents. « Une grande partie de l’exposition des banques à l’immobilier n’est pas enregistrée comme de l’immobilier », explique Chu.
Les inquiétudes montent depuis que l’on a commencé à enregistrer quelques incidents de paiements liés à des trusts. La banque Everbright a fait défaut il y a une dizaine de jours sur un prêt interbancaire dans un contexte de forte hausse du taux d’intérêt Shibor, indiquant que les liquidités commencent à se tarir.
Depuis l’effondrement de la banque Lehman Brothers, le crédit est passé de 9 000 à 23 000 milliards de dollars. « Le pays a dupliqué la totalité du système bancaire commercial américain en cinq ans », commente Chu. En 2009, la Chine a décidé d’injecter l’équivalent de 12% du PIB pour tenter de tenir la crise mondiale à distance. Cela a alimenté une bulle spéculative immobilière assortie d’une énorme dette envers les autorités locales. Le ratio du crédit par rapport au PIB est passé de 75% à 200% au cours des cinq dernières années. Par comparaison, ce ratio n’avait progressé que de 40% au cours des cinq années qui avaient précédé la crise des subprimes aux États-Unis. « C’est bien pire que tout ce que nous avons pu connaitre auparavant dans une économie majeure. Nous ne savons pas ce qui va se passer. Les six prochains mois seront cruciaux », estime Chu.
En Avril, Fitch a déjà décidé pour la première fois en 14 ans de dégrader la note de long terme de la devise chinoise de A+ à AA-. Toutefois, elle considère toujours que le gouvernement chinois aurait les moyens de faire face à une crise financière, quelle que soit son ampleur.
Celui-ci a mis fin à ses incitations dans le domaine du crédit immobilier, en restreignant l’offre de crédit, et en obligeant les banques à respecter des ratios de détention de réserves plus importants pour stopper la spéculation immobilière. Mais le système bancaire souterrain a pris le relai.
Un autre problème provient de la baisse de l’efficacité de ces prêts pour générer de la croissance supplémentaire pour la Chine. En 4 ans, le PIB supplémentaire généré par chaque yuan de prêt supplémentaire est passé de 0,85% à 0,15%, signalant l’épuisement du système.
Selon Wei Yao de la Société Générale, le ratio d’endettement des entreprises chinoises a atteint le seuil critique de 30% du PIB, qui correspond au seuil typique des crises financières. De nombreuses entreprises ne parviendront pas à rembourser le principal, ni à servir les intérêts de ces prêts. Selon elle, le pays se raproche d’un « Minsky Moment », c’est-à-dire du moment où la pyramide de la dette s’effondre sous son propre poids. « La boule de neige de la dette devient de plus en plus grosse, sans contribuer à l’activité économique réelle », avertit-elle.