Manger en trop grande quantité de la charcuterie, c’est accroître le risque de cancer. Cela le grand public le sait depuis au moins 2015 et une très sérieuse étude du CIRC (Centre international de recherche sur le cancer). Laquelle a calculé que chaque portion de 50 grammes de charcuterie par jour fait bondir de 18% le risque d’être atteint d’un cancer colorectal (du gros côlon et du rectum), le deuxième le plus répandu en France et en Europe.
Or, 50 grammes ce n’est pas un festin charcutier, mais l’équivalent… d’une seule tranche de jambon. Pour bien faire, disent les scientifiques, il faudrait en consommer une demi par jour, pas davantage.
Apprenant cela, le consommateur accablé a maugréé : « Allons bon, après la cigarette, l’alcool et les pommes pleines de pesticides, c’est au tour de la charcuterie de porter la mort ! On ne peut décidément plus rien manger ici ! »
Or, c’est précisément cette réaction de lassitude exaspérée – propice au fatalisme – que l’industrie de la viande a cherché à provoquer dans l’opinion, à en croire le journaliste Guillaume Coudray. Et s’il sort ce jeudi 14 septembre, une minutieuse enquête intitulée Cochonnerie, comment la charcuterie est devenue un poison, c’est justement pour nous expliquer que toute la charcuterie n’est pas cancérogène. Et que, oui, il est possible de consommer des jambons, des saucissons et rillettes sans augmenter son risque de finir en chimiothérapie.
Poison reconnu
Pourquoi ? Parce que ce n’est pas la charcuterie en soi qui est nocive, mais deux additifs que l’industrie agro-alimentaire lui adjoint : le nitrate de potassium (E 252) et le nitrite de sodium (E 250). Le premier, aussi connu sous le nom de salpêtre (oui, celui de la poudre à canon), est employé depuis au moins le XVIIe siècle. Le second est autorisé en France depuis 1964. Pourtant, c’est un poison dûment reconnu par toutes les instances officielles !
« En Europe, la charcuterie est le seul aliment classé cancérogène en classe 1 depuis 2015 par l’Organisation mondiale de la Santé, c’est-à-dire cancérogène avéré, explique Guillaume Coudray. Mais cette cancérogénicité a commencé à être comprise il y a plus de quarante ans : un éditorial publié dans la revue “The Lancet” en 1968, allait dans ce sens. De nombreuses études n’ont cessé de souligner depuis les années 70 le rôle de ces additifs dans la survenue des cancers. Mais c’est comme si les instances sanitaires avaient décidé de faire tomber ce sujet dans l’oubli… »
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Gros mensonge
La raison officielle de l’usage des nitrites depuis toutes ces décennies est la lutte contre le botulisme, une maladie grave due à une bactérie qui peut se trouver dans la viande, comme dans tous les aliments. Les industriels brandissent régulièrement ce que le journaliste nomme « le botulisme épouvantail », c’est-à-dire, selon lui, un gros mensonge alibi (il y a d’autres moyens de prévention – non cancérogènes – contre le botulisme), destiné à dissimuler l’usage réel de ces additifs peu coûteux : la coloration des chairs d’un beau rose, très appétissant. Usage jugé particulièrement porteur pour le jambon cuit, qui, sans nitrite, serait plutôt… blanc-gris.
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Le journaliste a pourtant exhumé un rapport d’un certain Dr Bordas, dénonçant sans ambiguïté l’usage du nitrite de sodium. Il date… de 1935. Le bon docteur Bordas s’interroge :
« Devons-nous faciliter les opérations qui consistent en réalité à tromper l’acheteur [par un rose artificiel, NDLR] avec cette circonstance aggravante que le produit préconisé est toxique ? »
En 2017, la réponse est toujours « oui »...
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