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La clochardisation : un exil sans retour ?

Le nombre de « sans domicile fixe » (SDF) avoisinerait 3 000 à Paris, selon une récente recension. Faut-il vraiment chercher à les « resocialiser » ? Le philosophe et psychanalyste Patrick Declerck propose une autre voie.

 

2 952 : c’est le nombre de SDF recensés à Paris dans la nuit du 15 au 16 février. De façon systématique, des Parisiens ont sillonné 350 secteurs de la Capitale, par groupes, pour dresser un état des lieux de cette population invisible. L’initiative lancée par la Mairie de Paris répond, par une effet de coïncidence, à la déclaration de Julien Denormandie, au micro de France Inter, le 30 janvier dernier. Le secrétaire d’État à la Cohésion des territoires estimait à une cinquantaine le nombre de personnes à la rue à Paris…

[...]

Le philosophe et psychanalyste [Patrick Declerck] y compose un récit circonstancié de ces « vies brisées sans retour », fruit de longues années d’immersion, d’enquête et de soins. Contre tout discours « humaniste », il ne croit pas que, pour ces exclus, un retour à la socialisation soit possible. Il plaide plutôt pour un accompagnement qui rende la survie de ces exilés possible.

« Ils se détournent de la vie de famille, de l’effort, du travail, et pourtant, ils sont tout sauf libres, écrit-il. Ce sont des esclaves. Ils ne sont pas propriétaires de leur vie psychique, ils sont pris dans un exil dont on ne revient pas, l’exil à soi-même. »

[...]

Dans une traditionnelle logique carcérale qui s’applique aussi aux prostitués et aux toxicomanes, les autorités assistent autant qu’elle punissent, cherchant à mettre au pas les marginaux. Le philosophe défend plutôt une « neutralité bienveillante » où « il ne s’agit plus de donner pour faire changer l’autre, mais uniquement de donner pour répondre à ses besoins ». Un autre son de cloche.

 

 

Lire l’article entier sur philomag.com

Patrick Declerck : « Vivre dans la rue est un sport de combat »

Le projet d’un centre d’hébergement d’urgence pour sans-abri déclenche la colère des habitants du 16e arrondissement de Paris. L’anthropologue et psychanalyste Patrick Declerck nous aide à comprendre ce qui est à l’œuvre dans la violence de ces réactions. Selon lui, ce sentiment de rejet s’adresse à un double monstrueux de nous-mêmes.

 

La construction prochaine d’un centre d’hébergement, destiné à accueillir en priorité les personnes prises en charge par le Samu social, aux abords du bois de Boulogne, dans le 16e arrondissement de Paris déchaine la colère de certains riverains. Deux cents places pendant trois ans : le projet de la mairie de Paris demeure pourtant modeste alors que, selon l’Insee, 28 800 personnes seraient sans domicile fixe dans l’agglomération parisienne. De quoi ce malaise est-il donc le nom ? L’anthropologue et philosophe Patrick Declerck, qui a notamment signé Les Naufragés. Avec les clochards de Paris (Plon, 2001) et Le Sang nouveau est arrivé. L’horreur SDF (Gallimard, 2005), identifie les ressorts d’une peur diffuse.

 

 

Comment comprendre la violence de la réaction des riverains du 16e arrondissement, à l’annonce de la construction d’un centre d’hébergement d’urgence ?

Patrick Declerck : La violence des réactions démontre que nous ne supportons pas d’avoir près de nous des personnes qui risqueraient d’apparaître comme nos doubles, avec les mêmes besoins, la même logique, le même rapport au monde. L’un des facteurs fondamentaux de séparation de l’humanité est l’argent. Il est le théâtre parfait de la mise en scène de tous les fantasmes, tous les non-dits, toutes les agressions, toutes les violences. L’argent est un équivalent ontologiquement creux, ce n’est que du papier et du métal, mais symboliquement riche de bonheur. On le considère comme une protection contre la mort et l’effondrement de tout sens, ce qu’il n’est bien sûr pas. Il produit une existence sociale composée d’un malaise permanent, parce qu’elle est fausse. D’où la nécessité d’entretenir une distance maximale entre ce monde factice et fantasmatique de l’argent, et la réalité, la vraie. Cette dernière peut se résumer ainsi : Homo sapiens reste toujours Homo sapiens. On peut le regretter, et certains ne s’en privent visiblement pas ; néanmoins, avec ou sans carte bancaire, avec ou sans Chanel, il est et reste toujours Homo sapiens. Voilà l’insupportable vérité.

 

De quoi a-t-on peur exactement ?

Au-delà de la crainte d’imaginer devoir perdre une fraction de ses avantages, de ses richesses, il y a la terreur d’une perte d’identité socio-économique. D’où la rage : on ne veut pas être confrontés à une image de l’humanité qui n’a rien à voir avec celle que l’on se fait de soi. Les habitants du 16e arrondissement ont bâti cet espace comme un château fort social marqué par une certaine fermeture cognitive, dans lequel une population s’illusionne de vivre protégée. C’est pourquoi l’optimisme me paraît impossible : l’idée d’une communauté générale de l’humanité solidaire est une pure illusion ontologico-métaphysique. C’est certes un idéal, mais l’histoire de l’humanité ne cesse d’en démontrer l’impossibilité.

Lire l’entretien entier sur philomag.com

Sur la pauvreté nationale, lire chez Kontre Kulture :

 

France, championne du monde de la préférence antinationale,
voir sur E&R :

 






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55 Commentaires

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  • #1913528
    Le 6 mars 2018 à 08:16 par Athena
    La clochardisation : un exil sans retour ?

    Excellent article, oui la vraie frontière c’est celle de l’argent, mais celle- la ,on en parle pas, et surtout on ne veut pas l’abattre, ( voir Francis Cousin sur le sujet, bien sûr, il faudrait abattre l’argent, mais l’évolution du monde n’en prend pas le chemin, au contraire), ou la limite du philosophe ! Le sujet est immense et eternel, l’argent est la pour marquer la frontiere, ( infranchissable ?) entre " ceux qui ont réussi et ceux qui ne sont rien" .

    ,

     

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  • #1913570
    Le 6 mars 2018 à 10:34 par lusuretue
    La clochardisation : un exil sans retour ?

    Dans nos sociétés de l’homme sans Dieu, le risque de décès prématuré est aggravé ;
    Trente ans d’espérance de vie en moins chez les hommes ...

     

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    • #1914334
      Le Mars 2018 à 13:25 par Patricia
      La clochardisation : un exil sans retour ?

      Merci de parler du Bon Dieu !
      C’est là que se situe le nœud du problème... où est l’Etre ? où est la dimension Transcendante dans nos vies ? Où est le Sacré ?
      Quoi dire d’autre ?!
      Le monde dans lequel nous survivons est absurde et est l’expression du mental de chacun d’entre nous... et plus particulièrement des puissants de ce monde, terrain de jeu de satan.
      Nous sommes absent à nous même et à La Vie qui nous traverse.
      Pourquoi s’étonner que des hommes et des femmes, chahutés et blessés par le système monstrueux dans lequel nous survivons, n’est plus le goût à un moment de leur vie, de continuer cette lutte insensé et préfère se laisser quitter par cette matrice absurde ?!
      La seule question que je me pose encore :
      - quand les gens vont-ils se réveiller du cauchemard dans lequel nous survivons, jour et nuit pour la plupart d’entre nous, et ce, depuis notre naissance ?
      La nature est magnifique... mais ce monde sans Dieu n’est pas la société des hommes voulu par le Bon Dieu ; il est le reflet de la folie de notre mental devenu fou.
      Ce monde est terrifiant.
      Tout y est inversé. Tout y est mensonge et illusion.
      Réveillons-nous !
      - "Ce qui est folie aux yeux des hommes est sagesse aux yeux de Dieu."

       
  • #1913665
    Le 6 mars 2018 à 13:31 par kribe
    La clochardisation : un exil sans retour ?

    Je recommande aux camarades le livre de P. Declerck "Les naufragés", une plongée dans l’enfer de la clochardisation et plus encore, une lecture édifiante et passionnante qui changera votre regard sur un monde dont l’immense majorité ne sait presque rien.
    Salut à tous..

     

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  • #1913673
    Le 6 mars 2018 à 13:38 par sylvie une française
    La clochardisation : un exil sans retour ?

    @david ghetto
    Je suis agréablement surprise de savoir que vous l’avez connu.
    Comme je l’ai écrit, c’était son choix et bien évidemment sa famille l’a rejeté mais ce n’était pas un souci pour lui.
    Ses propos étaient sensés et très intéressants, quelle bouffée d’oxygène à ses côtés !
    Je ne pense pas que ce soit un cas isolé.
    Cordialement.

     

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  • #1913675
    Le 6 mars 2018 à 13:40 par banzai
    La clochardisation : un exil sans retour ?

    la vie est une maladie incurable

     

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  • #1913729
    Le 6 mars 2018 à 15:41 par quidam populus
    La clochardisation : un exil sans retour ?

    Le matérialisme, le consumérisme, l’ambition, la course au fric, la cupidité, l’envie d’avoir plus et mieux que ses proches, voisins, amis, le complexe d’infériorité, la peur d’un certain non-conformisme, le repoussoir de la modestie, la mode, la publicité, le marketing, les "people", majorés par une ingénierie sociale savamment étudiée, comme pour le terrorisme djihadiste, de type "management par la peur", celle du remplacement de l’homme par l’homme le plus vulnérable, démuni et donc le plus potentiellement corvéable (logique esclavagiste, essence même du Kapitalisme bourgeois), celle de la robotisation exponentielle, celle du déclassement correspondant, celle du chômage "à tour de rôle" jusqu’au jour où il n’y aura plus de tour possibles, celle du handicap (burn out, accident du travail, de circonstance de vie, ect...), celle de la perte de toît, celle des fins de mois difficiles jusqu’à en devenir imbouclables, celle de la spirale de la vie à crédit ("revolving", leasing, ect... les pièges de nos sociétés "matrice-matière", horizontalisées, aliénantes, zombifiantes, réificatrices, sont légions et à dessein...

    Nos maîtres chanteurs, à l’aide de leurs crises et guerres orchestrées, sont à la manoeuvre pour garder les meilleurs serfs d’entre nous, dans l’activité d’usure et de rentabilité maximale.
    Depuis la Révolution, la "fameuse".. ses idéologies perverses devant mener sciemment à l’usure, aux profits financiers et industriels outrancières, iniques, faut-il s’étonner des conséquences désastreuses de cet occidentalisme : perte de sens, de repères, & d’identité, destruction des liens humains, destruction du goût pour l’œuvre commune, désagrégation de la cellule familiale, effacement de la Nation, de son attachement à celle-ci, ect..
    Substitution du cadre de vie traditionnel par la privatisation, la compétition, l’ensauvagement des masses, la décivilisation, le chaos contrôlé, dit "chaos constructif", tout cela pour quoi ?
    L’instauration d’un Nouvel Ordre Mondial du tout-marchand, orwellien, omni-destructeur et nihiliste et mortifère...
    Après, rien de moins étonnant que 50 millions d’américains (sur)vivent à l’aide de bons alimentaires du gouvernement, dont un bon nombre d’entre eux dorment sous des tentes et bidonvilles d’infortunes & improvisés.
    Oui, ls plus fragiles morflent en 1r, & juste derrière, c ns !
    Comment dans ces conditions ne pas s’effrayer de la misère, car c’est bien potentiellement la notre que l’on devine..
    Merci M. Rothsc

     

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  • #1915347
    Le 8 mars 2018 à 20:29 par Alex
    La clochardisation : un exil sans retour ?

    Il admet ne rien comprendre à sa propre existence puis ajoute :
    "Toutes les religions sont pour moi d’une hilarité garantie".

    Hélas, quelle surprise quand la mort le surprendra.

     

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  • #1915355
    Le 8 mars 2018 à 20:36 par Un chrétien
    La clochardisation : un exil sans retour ?

    Le psychanalyste nous dit que toutes les religions sont pour lui une hillarité garantie.

    Lorsque la mort le surprendra, j’imagine bien le démon, au tribunal divin, dire à Notre Seigneur : "Celui-ci était hilare devant la Vérité que Vous lui avez révélé, avant de donné Votre sang pour lui."

     

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  • #1916279
    Le 9 mars 2018 à 22:53 par sacre-coeur de Jésus
    La clochardisation : un exil sans retour ?

    C’est la faute de la Révolution Française Maçonnique.
    Avant, les plus pauvres étaient logés dans des hospices gérés par des religieux dans un pays chrétien qui est devenu un pays crétin sans âme relié au portable.

     

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  • #1916520
    Le 10 mars 2018 à 09:56 par Enys M.
    La clochardisation : un exil sans retour ?

    Travaillant au contact des sans abris dans un accueil d’urgence, je vous conseille plutôt la lecture d’une psychiatre qui bossait avec le 115 à effectuer la maraude dans les rues sombres de Paris, cela s’appelle "Je vous salis ma rue" de Sylvie Quesemand Zucca.
    Elle ouvre pas mal de piste de réflexion et rejoint les remarques d’Alain Soral sur le désengagement de l’état dans les années 80.

     

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