Les conversions entre religions antagonistes, surtout depuis les guerres du même nom, sont rares. Elles existent dans les périodes de crise, quand une religion est interdite ou que son culte dérange le pouvoir dominant : par exemple, pendant la Seconde Guerre mondiale et la persécution, beaucoup de juifs se sont déclarés chrétiens. C’était pour survivre, et ça se comprend. Idem pendant la période la plus dure du bolchevisme, quand les prêtres orthodoxes étaient soit massacrés, soit envoyés aux îles Solovki, ce prélude au Goulag.
Aujourd’hui, dans le monde presque parfait où nous vivons, et plus précisément dans le show-biz, c’est la foire d’empoigne pour se trouver une ascendance juive, un grand oncle, un grand-père, sinon une sensibilité... Le must étant un ancêtre déporté et/ou mort dans les camps, ce qui donne une valeur inestimable au descendant. Qui n’a pourtant rien fait, ni de bien ni de mal. Les acteurs, ces êtres souvent vils et serviles, veulent travailler, on les comprend. La pauvreté et le chômage n’ont jamais été agréables.
Gad, lui, a la carte. Mais voilà qu’il brouille les cartes !
« Je le dis dans le film : c’est mon chemin. Je n’ai pas encore saisi le mystère de la Trinité dans toute sa complexité, je suis encore coincé dans quelque chose de trop cohérent, de trop logique, mais Marie me tient et je la porte en moi, sur moi, autour du cou. Je lui demande de m’aider, surtout avant les shows. » (parismatch.be)
À contre-courant de tout ce mouvement judéophile un peu exagéré et pas très honnête, le comédien, condamné pour ses multiples emprunts de vannes par la morale publique (et le tribunal populaire du Net) mais pas par les tribunaux, qui sont il est vrai assez partiaux, hum, hem, kof kof, revient avec un film sur une conversion, de juif à chrétien, qui émeut sa famille, ses amis et sa communauté.
Gad a-t-il été forcé de se convertir au christianisme après les persécutions qu’il a subies en tant que voleur de vannes ?
Dans un élan de grâce promotionnel, il déclare sa flamme à la Vierge Marie, mais peu de croyants le croient : on subodore un petit calcul. Cependant, invité partout pour parler de sa nouvelle foi (et effacer son ardoise de chourave) ou de sa seconde foi, ce qui ferait de lui une sorte de néo-marrane, le comédien maroco-canadien aux yeux clairs clame partout qu’il a vraiment été ébloui, plus par Marie que par le Christ. Chat alors !
Cette conversion, même provisoire, a le don d’énerver le rav (rabbin, docteur en judaisme) Ron Chaya, que nos lecteurs connaissent bien, car le bougre dit la Torah en français comme nul autre pareil, même dans ses recoins les plus dérangeants, les plus reculés, ou arriérés. Ici, il envoie un avertissement à Gad : Yahvé il est pas content.
« Tu dis que ton plus beau coup de foudre c’est la Vierge Marie... J’ai deux arguments à te donner : un, que le christianisme il est faux, deux, qu’il est mauvais. »
On va être honnêtes, on n’a pas écouté la leçon jusqu’au bout : 17 minutes de Chaya, c’est du sport extrême. Mais le début suffit, et puis, on connaît la musique chayakiste : il ne reconnaît pas la puissance du Nouveau Testament, qui est bien sûr supérieur à l’Ancien. Le pouvoir juif de l’époque n’a pas voulu reconnaître le Messie, il a fait assassiner Jésus, toute la brouille inter-religieuse et toutes les malédictions du peuple d’Israël (l’idée, pas le pays réel piqué aux Palestiniens après une magouille avec le pouvoir sioniste de la Couronne) découlent de là.
Alors, la main tendue de Gad peut être vue comme un signe d’apaisement, mais le rav la rejette de toutes ses forces. On le sent prêt à excommunier le comédien, qui pourtant n’a pas renié son judaïsme. On pourrait même dire qu’il est juif et qu’il s’identifie à un chrétien, amoureux de Marie, attention. Pasolini a trouvé à incarner, en 1964, Marie et son fils. Joseph, Giuseppe, lui, est un peu dépassé. En plus il est pas très beau, faut reconnaître. On parle alors d’un Christ « rugueux et social ».
Les autres films sur Jésus cassent un peu le mythe par leur côté grotesque. Hollywood se marie mal avec le christianisme, il a du mal à en faire une promo convaincante, on se demande bien pourquoi.
On verra si la malédiction du rav contre Gad fonctionne. Dans la Torah, il n’y a pas vraiment de miracle, c’est pas très social, pas très humaniste, pas très sympa, quoi. Mais bon, c’est peut-être notre biais cognitif chrétien qui nous fait dire ça.
Alors, Gad, juif ou chrétien ?
Sa réponse sur BFM TV :
« Ça m’amuse beaucoup de ne pas vous dire ce qui est vrai et ce qui n’est pas vrai. Parce que je mens un peu. C’est ce qui s’appelle l’ambiguïté volontaire ! »
Et ses explications sur JewBuzz :
« C’est un peu notre spécialité l’exagération, le fantasme, la projection. (...)
Je peux pas tout dire sinon je vais raconter le film, mais je vais répondre comme a répondu ma mère à cette femme qui l’a arrêtée dans le 16e arrondissement et qui lui a dit “Madame Elmaleh, c’est quoi ça, votre fils il s’est converti ?” Ma mère elle a dit “Vous avez vu Chouchou ?” Elle a dit “oui”. Et ma mère lui a dit : “Il est resté un homme”. »