Notre dandy commissaire-priseur dit clairement qu’il apprécie Marcel Duchamp, le futurisme et le dadaïsme.
Il loue également l’ouvrage de Francois Chevalier La société du mépris de soi. De l’Urinoir de Duchamp aux suicidés de France Télécom (Gallimard, 2010).
Et naturellement tout son discours se veut apologie de l’aisthesis aristotélicienne, c’est-à-dire de ce que l’on appelle aussi les qualités secondes (les données des cinq sens), par contraste avec les qualités premières (les déterminations quantitatives et mesurables des choses), et que les penseurs de la révolution scientifique des 16e-17e siècles traitent comme de simples apparences, souvent génératrices de leurres.
Il y aurait énormément à dire sur tout cela, mais ce n’est pas ici le lieu pour ce faire, et je me contenterai de citer Duchamp et Chevalier pour relever une certaine incohérence ou inconséquence dans le discours de monsieur Landre.
Commençons par Duchamp : "Il est un point que je veux établir très clairement, c’est que le choix de ces ready-mades ne me fut jamais dicté par quelque délectation esthétique. Ce choix était fondé sur une réaction d’indifférence visuelle, assortie au même moment à une absence totale de bon ou de mauvais goût... en fait à une anesthésie complète." (cité dans Denys Riout, Qu’est-ce que l’art moderne ? (Folio, Gallimard, 2014), p. 178)
Etymologiquement, le mot ’anesthésie’ est tiré du mot grec ’aisthesis’ (dont provient naturellement notre mot ’esthétique’), précédé de l’alpha privatif.
Passons maintenant au texte de Chevalier. Je cite : "A cet égard on n’a pas assez remarqué ce fait troublant qu’au début du XXe siècle le dadaïste Raoul Hausmann fait sa Tête mécanique ’pour prouver que la conscience est inutile’ au moment où John Brroadus Watson, inventeur du béhaviorisme, affirme que le fonctionnement de l’homme par stimulus et réaction ’rend inutile’ le rôle de la conscience. Autrement dit, les fouteurs de merde futuristes-dadaïstes soi-disant épris de liberté absolue rejoignaient les technocrates de la réification rationnelle de l’homme dans la même vision réductrice d’un homme amputé de toutes ses charges irrationnelles et symboliques, réduit au triste état cartésien de ’squelette animé par un système d’horlogerie’." (p. 17) (Notons en passant que Chevalier cite la déclaration de Duchamp en page 23.)
On ne peut pas ménager la chèvre et le choux comme le fait notre esthète.
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