"Mais qui a peur de Michel Onfray ?" se demande Serge Tisseron. La polémique entraînée par la publication de son livre sur Freud intrigue. Que révèlent cette charge contre la psychanalyse et la violence des réactions qu’elle suscite ? Pour Serge Tisseron, d’autres avant lui, comme Sandor Ferenczi, Jeffrey Moussaieff Masson, Marianne Krüll, Nicholas Rand et Maria Török avaient critiqué le fondateur de la psychanalyse, comparé à Attila, selon Nicolas Abraham : "là où Freud passe, l’herbe ne repousse plus". "Ce qui a changé, écrit Serge Tisseron, c’est que si les médias des années 1990 étaient tentés de défendre Freud quoi qu’il arrive, ceux des années 2010 semblent plutôt se réjouir de voir le freudisme contesté."
D’autant que, souligne Marc Strauss, rien n’est indéboulonnable, toutes les idoles sont condamnées à tomber, car "rien ne tient, tout, tout le temps est prêt à s’abîmer dans la contradiction et l’échec". Et en ce sens, Michel Onfray n’a pas tort.
Alors quel est son "crime", s’interroge Mikkel Borch-Jacobsen ? C’est simple : avoir suggéré, lui, homme de gauche, que Freud n’en était pas un, lui qui a dédicacé un exemplaire de son essai Pourquoi la guerre ? au Duce : "A Benito Mussolini, avec le salut respectueux d’un vieil homme qui reconnaît en la personne du dirigeant un héros de la culture. Vienne, 26 avril 1933".
C’est bien plus compliqué semble dire Guy Felix Duportail. Après les religions, la psychanalyse est la nouvelle cible d’un combat de la philosophie contre la psychanalyse. Savoir qui de Nietzsche ou Freud symbolise la paternité du concept d’inconscient ? Tout ceci relève en fait de l’obscurantisme contemporain, estime Alain Badiou, pour qui Darwin, Marx et Freud, ont tous les trois, et chacun à leur façon, émancipé l’humanité, tout en étant l’objet, notamment depuis les années 1980, de vives critiques de la part des conservatismes. Donc, rien de nouveau.
Surtout, souligne Janine Abecassis, qu’Alain Onfray et autres "cognitivistes" ou nihilistes avaient déjà tenté de déboulonner Freud dans le Livre noir de la psychanalyse. Mais, là, l’opération va plus loin, selon cette psychanalyste, l’auteur du Crépuscule d’une idole s’interroge sur son "antijudaïsme affirmé". Voire de sa proximité avec les antisémites, renchérit Marc Goldschmit, aux "antipodes de la ’grande politique’ de Nietzsche" dont l’auteur serait un des héritiers.
Mais, peu importe que le clinicien soit vertueux ou non, l’important n’est pas là, insiste Daniel Sibony, les analysants "s’en foutent". Et ce n’est pas Téri Feugeas, une architecte originaire de l’Argentine des dictateurs, qui le contredira.
A tous, soutiens ou opposants, Michel Onfray leur répond : "Psychanalystes, encore un effort si vous voulez être républicains..."