L’athlète fribourgeois était entendu à Genève par le Tribunal arbitral du sport. Les juges examinent son recours concernant un blâme de Swiss Athletics.
L’affaire avait défrayé la chronique en juillet 2014 à Frauenfeld lors des Championnats de Suisse d’athlétisme. Pascal Mancini, athlète fribourgeois spécialiste du sprint, y avait fait une « quenelle », le fameux geste popularisé par l’humoriste franco-camerounais Dieudonné. Pour cette raison, mais aussi pour un autre geste effectué aux Championnats d’Europe à Zurich où il avait pointé cette fois un doigt vers le ciel pour dire « Au-dessus, c’est le soleil ». Des gestes, qui avaient fait le tour du monde sur le web en 2014.
Blâme
Swiss Athletics avait convoqué le sportif le mois suivant et lui avait infligé un blâme. Pascal Mancini a recouru. Ainsi, vendredi 19 août dernier, une audience, sollicitée par la défense, s’est déroulée à Genève, au cabinet de l’étude Lévy Kaufmann-Kohler, spécialisée dans l’arbitrage international.
Mancini témoigne
À l’issue de l’audience, GHI a rencontré le sportif fribourgeois, défendu par l’avocat genevois Pascal Junod. Il a paru plutôt serein. « Mon geste était comme un pied de nez, explique-t-il. J’ai en effet été sanctionné, privé de compétition durant deux ans en 2011. Un médecin m’avait injecté un produit interdit pour les sportifs, pour soigner mon genou. Il s’est rendu compte de son erreur après coup. J’ai été suspendu deux ans par Antidoping Suisse alors même qu’il a été reconnu que l’erreur provenait du médecin ! J’ai dû m’entraîner très dur pour revenir. En 2014, à la fin de ma suspension, j’ai participé aux Championnats de Suisse et, contre toute attente, j’ai été victorieux ! J’ai donc fait une quenelle sur la ligne d’arrivée. J’apprécie Dieudonné et ses spectacles. Il faut être de mauvaise foi pour penser que ce geste avait une connotation antisémite ! »
Gestes anti-sportifs ?
Me Pascal Junod en dit plus. « Pascal Mancini s’est vu infliger un blâme par la Fédération qu’il considère comme totalement injustifié s’agissant d’une part d’une quenelle esquissée devant une caméra et d’autre part du geste, un doigt levé, signifiant "Au-dessus c’est le soleil". La Fédération a considéré ces gestes comme anti-sportifs sans réellement motiver sa décision, mais on peut aisément admettre que si des organismes ouvertement politiques comme la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) et la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (CICAD) ne s’étaient pas manifestés, cette affaire n’aurait pas donné lieu à sanction. C’est donc d’abord l’indépendance de cet organisme qui est ici mis en cause ». Et d’appuyer : « Sur le fond, le geste du soleil n’a jamais fait polémique, même au niveau sportif, et il n’y a pas matière à entrer en débat sur ce geste. Quant à la quenelle, et faute de jurisprudence constante dans le domaine du sport, il faut bien suivre les jurisprudences nationales (en France surtout) pour en tirer quelques principes généraux et là encore, les tribunaux admettent que l’interprétation de ce geste ne peut créer la polémique que de cas en cas et dans un contexte particulier. Or, dans la réalité, force est de constater que sur les dizaines de milliers de tweets relayés sur le net, pratiquement aucun n’a fini devant les tribunaux et Dieudonné lui-même n’a jamais été poursuivi pour ce geste. Dont acte. Quant à la notion de geste anti-sportif, nous attendons toujours une définition claire de la Fédération ».
Signification de la « quenelle » disputée
Le geste de la « quenelle » était apparu, pour la première fois, lors d’un spectacle de Dieudonné en 2005. L’humoriste y mimait le geste vulgaire d’un dauphin à l’égard des hommes. La polémique sur la « quenelle » n’a toutefois débuté qu’en 2013, lorsque le président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme, Alain Jakubowicz, avait adressé une lettre aux autorités françaises en affirmant que la « quenelle » correspondait à « un salut nazi inversé signifiant la sodomisation des victimes de la Shoah ». Les avocats de l’humoriste récusent vivement cette interprétation et estiment que le geste « correspond tout simplement à un bras d’honneur détendu signifiant je vous ai bien eu ou vous m’avez bien eu, dans un esprit farce ».
Pascal Mancini explique son recours :
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