Au moment où le cimentier faisait affaire avec Daech en Syrie, le conseiller en sécurité et ami du pouvoir conseillait Lafarge à prix d’or.
Comment et quand l’État a été informé de ce qui se déroulait réellement autour de l’usine de Lafarge en Syrie, sur le site de Jalabiya ? Les informations commencent à filtrer sur la connaissance qu’avaient le quai d’Orsay et les services secrets de la situation : l’usine, restée en exploitation en dépit de la guerre civile, avait noué des relations financières avec les groupes terroristes locaux, dont Daech, entre 2011 et 2014, en violation des règles pénales et européennes instituant la restriction des activités commerciales avec la Syrie. Aujourd’hui, sept responsables ou ex-hauts cadres sont mis en examen pour, notamment, financement d’entreprise terroriste et mise en danger de la vie d’autrui.
Libération a révélé les nombreux liens et contacts entretenus par le directeur de la sécurité du cimentier avec la DGSE ou la DGSI, comme avec le cabinet militaire de François Hollande à l’Élysée. Mais Lafarge, comme l’a raconté aux juges un cadre de l’entreprise mis en examen, faisait également appel à des consultants extérieurs : Antoine Sfeir, journaliste et politologue spécialisé sur le Moyen-Orient, et surtout une personnalité branchée directement sur le pouvoir, Alain Bauer.
Connu pour être un travailleur infatigable tant il accumule les casquettes, ce dernier se présente avant tout comme criminologue et conseiller en sécurité. Lui qui fut – entre autres – président du Conseil national des activités de sécurité privée, l’organisme qui délivre les agréments aux sociétés de sécurité privée, donne en effet des conseils à de nombreuses sociétés, de la sphère publique comme du privé.
C’est ainsi qu’il a œuvré pour Lafarge « depuis 2007 », confirme-t-il à L’Express, et ce jusqu’en 2014. Depuis que le groupe a racheté l’entreprise égyptienne Orascom Cement, qui gérait l’usine de Jalabiya jusque-là, Alain Bauer suit la situation sur le site. Mais de loin, à l’entendre. « Lafarge ne nous a pas demandé de nous en occuper », assure Bauer.