Diminué par la maladie, traqué, contesté ou haï par son peuple même, réduit à vivre sous les bombes dans un trou humide, il continue néanmoins à alimenter le brasier. Extrait de Les cent derniers jours d’Hitler, de Jean Lopez, aux Éditions Perrin.
À minuit, Hitler commence à faire ses adieux à son entourage, une trentaine de personnes au total. Il remercie d’abord son majordome, Heinz Linge, à son service depuis dix ans. Il lui confie une dernière mission : « Préparez dans ma chambre des couvertures de laine et assez d’essence pour deux crémations. Je vais me tuer avec Eva Braun. Vous envelopperez nos cadavres dans les couvertures, vous les monterez dans le jardin et les brûlerez. » Il ajoute que tous ses biens personnels présents dans le bunker doivent disparaître, sauf le tableau de Frédéric le Grand dont il fait don à Hans Baur, son chef pilote.
À 1 h 30, Hitler réunit ses collaborateurs et tient un petit discours d’adieu. Il les délie de leur serment de fidélité à son égard et leur conseille de percer vers les lignes américaines ou britanniques. À 2 heures, il salue les médecins et les infirmières qui officient jour et nuit dans les abris souterrains publics de la chancellerie.
À 2 h 30, Keitel et Jodl scellent le destin d’Hitler en répondant à son dernier message.
« 1) Les pointes de Wenck sont immobilisées au sud du lac de Schwielow. Violentes attaques soviétiques sur tout son flanc est. 2) De ce fait, la 12e armée ne peut pas continuer son attaque vers Berlin. 3) La masse de la 9e armée est encerclée […]. 4) Le corps Holste est contraint à la défensive de Brandebourg à Kremmen en passant par Rathenow. »
[...]
À midi, Hitler répète à Otto Günsche, son aide de camp SS, qu’il « ne veut pas que son cadavre soit exhibé par les Russes dans un musée de cire ». Et il lui confie la mission – brûler son corps jusqu’au dernier fragment – dont il a déjà chargé son majordome, Heinz Linge, et son chef pilote, Hans Baur. À 13 heures, Hitler prend son dernier repas – des spaghettis à la tomate – avec les deux secrétaires et, peut-être, la cuisinière, mais sans son épouse.
À 13 h 30, Günsche appelle Kempka, le chauffeur d’Hitler, et lui ordonne de trouver immédiatement deux cents litres d’essence. Kempka siphonne les réservoirs des véhicules du garage souterrain de la chancellerie.
À 13 h 50, l’infanterie soviétique donne l’assaut au Reichstag. Le premier drapeau soviétique sera hissé sur le monument vers 20 h 50.
À 14 heures, Hitler fait une dernière série d’adieux, d’abord aux Goebbels et à Hans Baur, puis à tous ceux qui sont restés autour de lui. Baur lui tend une dernière perche :
« Il y a encore des machines pour vous emmener en Argentine, au Japon, ou bien vous pourriez disparaître chez un de ces cheiks du Sahara qui ont toujours été bien disposés à votre égard du fait de la question juive et qui, durant la guerre, nous ont souvent approvisionnés en café. »
Hitler répond :
« J’ai encore deux possibilités : aller dans les montagnes ou chez Dönitz, à Flensburg. Dans quinze jours, j’en serais au même point qu’aujourd’hui. […] La guerre se termine avec Berlin, je demeure et je tombe avec Berlin. On doit avoir le courage d’en tirer les conséquences – j’en finis ! […] Les Russes savent exactement que je suis dans le bunker et je crains qu’ils ne tirent des obus à gaz. Nous avons développé durant la guerre un gaz qui anesthésie durant vingt-quatre heures. Nous savons par nos services de renseignements que les Russes aussi ont ce gaz. Il est inimaginable qu’ils me prennent vivant. […] Alors j’en finis aujourd’hui ! »
Hitler accorde un entretien de dix minutes à Magda Goebbels et la salue en lui offrant son insigne d’or du parti nazi. Goebbels arrive à ce moment et supplie Hitler de se laisser exfiltrer par un groupe de Jeunes hitlériens. Il essuie un refus poli.
À 14 h 30, Hitler fait ses adieux au contre-amiral Voss et, à travers lui, à Dönitz, son successeur. Au cours de dix minutes de conversation, il livre une déclaration étonnante, du moins si l’on en croit les sources soviétiques.
« J’ai compris quelle erreur fatale j’ai commise en attaquant l’Union soviétique. Je n’aurais jamais imaginé que Staline pouvait à ce point inoculer ses idées à son peuple. Il faut être un génie de la politique et de la stratégie pour pouvoir organiser son peuple dans des conditions si défavorables et au milieu d’un combat sans précédent, comme ça a été le cas à Moscou, Stalingrad et Leningrad. Et Staline s’est révélé l’homme capable de faire ça. Si j’avais la chance de vivre encore et de diriger l’État, je prendrais toujours exemple sur lui. »
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