François Ruffin, le patron du journal Fakir, la copie socialo-communiste du Canard enchainé (qui s’est embourgeoisé depuis des lustres), a reçu des mains de la Grande Famille du cinéma français un César pour son documentaire Merci Patron.
Merci Patron est un film social qui vise le milliardaire Bernard Arnault. Il s’agit de donner la parole à des ouvriers dont l’usine est partie en Pologne. C’est l’illustration brutale de la mondialisation et de ses effets sur le peuple travailleur. Donc tout à fait d’accord avec Ruffin quand il fustige les politiques libérales, que ce soit au niveau français ou au niveau européen.
Cependant, il faut aller un peu plus loin dans le raisonnement : Ruffin a deux combats, l’antifascisme et l’antilibéralisme. Sauf que la gauche, depuis 1983, a bien abandonné les ouvriers pour lancer le pays dans le libéralisme et la mondialisation. L’extrême gauche a suivi, et elle a caché son inclination libérale derrière un antifascisme de pacotille. Ruffin est l’enfant de cette tendance, qui ne voit pas que si on doit être contre l’européisme et le mondialisme, alors il faut être souverainiste, et donc nationaliste.
Comment peut-on être crédible, quand on pleure sur les emplois perdus, et qu’on fustige le FN, le seul parti qui veut remettre des frontières et des limites à la fuite des emplois et à l’importation des migrants ? La réindustrialisation, si elle est possible, passe par ce « sacrifice » politique, pour un gauchiste. C’est seulement récemment que Mélenchon a compris qu’il ne pouvait pas jouer sur les deux cordes, l’européisme – qu’il a défendu en 1992 lors du traité de Maastricht – et l’antinationalisme. Il faut choisir. Ou pleurer.
Le discours de Ruffin :
« Mon film, il parle d’une usine qui part en Pologne et qui laisse derrière un paquet de misère et un paquet de détresse. Et au moment où je vous parle, c’est une usine d’Amiens, qui s’appelle Whirlpool, qui fabrique des sèche-linges, qui subit la même histoire puisque maintenant ça part là aussi en Pologne. Il y a quinze ans, j’étais déjà à Amiens, c’était le lave-linge qui partait en Slovaquie, j’ai connu Continental qui est parti en Roumanie, Goodyear parti en Pologne… Ça fait maintenant trente ans que ça dure dans l’ameublement, dans le textile, dans la chimie, dans la métallurgie, ainsi de suite. Pourquoi ça dure depuis trente ans ?
Parce que ce sont des ouvriers qui sont touchés, et donc on n’en a rien à foutre. Si c’étaient des acteurs qui étaient mis en concurrence de la même manière avec des acteurs roumains, ça poserait problème immédiatement. Si c’étaient des journalistes, quand on touche à l’avance fiscale des journalistes, ça fait des débats, y’a des tribunes dans les journaux. Mais imaginons que ce soient les députés, qu’on dise les députés ne sont pas assez compétitifs. Un député français coûte 7 610 euros par mois, un député polonais coûte 2 000 euros par mois. Et encore, je suis modéré, parce qu’au Bangladesh, un député c’est 164 euros. Mais imaginons qu’on dise : demain, il faut délocaliser l’hémicycle à Varsovie. Immédiatement, y’aurait des débats à l’Assemblée nationale, y’aurait un projet de loi.
Ça fait quarante ans que ça dure pour les ouvriers, et y’a pas de projet de loi. Donc dans ce pays, y’a peut-être des sans-dents, y’a surtout des dirigeants sans cran. Donc François Hollande, maintenant, il a l’occasion de montrer sur le dernier fil que son adversaire, c’est la finance, qu’il peut faire des réquisitions, qu’il peut interdire les produits Whirlpool sur le territoire français. Qu’il puisse sortir de l’impuissance et se bouger le cul. »
Jean-Paul Belmondo, la star du cinéma français des années 60, 70 et 80, a au moins compris que le cinéma français avait beaucoup à craindre de l’invasion américaine. Là aussi, une résistance culturelle est possible, et souhaitable. C’était il y a 20 ans, le 7 avril 1996...