La Cour des comptes estime que, chaque année, près de 80 millions d’euros partent en fumée en Corse à cause d’un système injustifié et archaïque.
Quand ils ont découvert la Corse, ses pratiques fiscales d’un autre temps, ses dérogations archaïques et ses coutumes de droit oral (ou presque), les magistrats de la Rue Cambon ont dû engranger des anecdotes pour animer les dîners pendant des années. Sait-on, par exemple, qu’en vertu d’une parole lancée un jour de 1967 dans l’Hémicyle par le ministre de l’Économie les vins produits et vendus en Corse ne sont pas soumis à la TVA ?
Des singularités de ce genre, il y en a beaucoup dans le rapport sur la fiscalité et la gestion de l’impôt en Corse que la Cour des comptes vient de rendre public. Le constat est accablant. « La Cour a relevé l’existence de pratiques dérogatoires reposant sur des dispositions obsolètes, voire dépourvues de tout fondement légal, qui méconnaissent le principe général d’égalité devant l’impôt ». Dans le langage policé de la Rue Cambon, cette seule phrase est une attaque en règle contre le système fiscal corse.
Le rapport, publié sous la forme d’un référé, se penche d’abord sur certaines taxes indirectes. Les dispositions applicables en France sur les alcools et les métaux ne s’appliquent pas sur l’île de « plein droit », parce qu’un décret napoléonien est toujours opposable ! À l’époque, il est très compliqué de contrôler la circulation des alcools en Corse. Plutôt que d’envoyer des agents du fisc sur toute l’île, le gouvernement préfère, en 1811, prélever une somme forfaitaire par personne. La disposition est supprimée en 1917. Toutefois, la Cour de cassation, en 1956, puis en 1992, estime que ces dispositions conservent force légale tant qu’un texte législatif n’y met pas fin. Mais le droit de circulation sur les vins produits et consommés en Corse n’a jamais été modifié par une loi. Une exception, écrivent les sages de la Rue Cambon, qui « engendre une moins-value fiscale de l’ordre de un million d’euros » par an.