Régulièrement je vois des gens s’indigner sur le détournement de la notion de « judéo-christianisme » au service de la guerre d’Israël. C’est une bonne réaction mais il faut savoir exactement de quoi on parle. Je propose ici de reconstituer le sens et l’origine de différentes notions : judéo-christianisme, sionisme chrétien, marcionisme etc…
Le judéo-chrsitianisme a existé mais il n’est pas ce que croient les défenseurs d’Israël aujourd’hui. Profitons-en pour nous interroger sur le « sionisme chrétien » et le marcionisme. Juifs, chrétiens et musulmans sont en fait issus du même filon religieux : il y a trois descendances spirituelles d’Abraham. Quand mettrons-nous fin à la mauvaise habitude américaine et israélienne de vouloir les dresser les uns contre les autres ?
Le village frontalier de Markaba où reposaient les restes de l’une des premières églises du monde.
Entièrement détruit par Israël.
Venez encore nous parler de « civilisation »…pic.twitter.com/vnSNpRZZxQ
— Claude El Khal (@claudeelkhal) October 21, 2024
Claude El-Khal, qui couvre le conflit du Proche-Orient avec tant d’humanité, nous apporte une preuve de plus que le gouvernement Netanyahu et l’armée israélienne n’ont pas plus de respect pour les chrétiens que pour les musulmans dans l’actuelle guerre.
Morad El-Hattab, commentant le même épisode, écrit :
L’ESCROQUERIE intellectuelle du “JUDÉO-CHRISTIANISME”. @RavDynovisz : “C’est la plus grande ABERRATION de l'histoire. Ça va pas ensemble. C'est impossible. Où quand commence l'un, l'autre disparaît.”@GeoffroyLejeune @AlexDevecchio @ChdOrnellas @LaurenceFerrari @PascalPraud https://t.co/KEqkvUwTl4
— Morad EL HATTAB (@MoradELHATTAB1) October 22, 2024
Une occasion de clarifier le terme de « judéo-christianisme » utilisé à tort et à travers depuis le début du conflit.
Qu’est-ce que le judéo-christianisme ?
En réalité, le terme judéo-christianisme a deux significations anciennes, l’une dans la recherche historique ; et l’autre dans l’histoire de la culture.
en ce qui concerne l’histoire, on appelle « judéo-chrétiens », les premiers disciples du Jésus, qui ont continué, au moins un temps, à respecter les préceptes de la Loi juive telle qu’elle est formulée dans le Pentateuque (les « livres de Moïse ») tout en adhérant à l’Évangile. Le phénomène du « judéo-christianisme » a existé pendant plusieurs siècles au début de notre ère.
dans l’histoire des idées, on parle de « judéo-christianisme » pour souligner l’influence très forte de la Bible hébraïque sur la culture européenne passée au christianisme. Bien entendu, le terme s’est en parti forgé en pays protestant, contre le « catholicisme romain », accusé soit de s’être en partie paganisé en devenant un « helléno-christianisme ». La notion de judéo-christianisme consiste à penser que l’Europe puis l’Occident doivent plus à Jérusalem qu’à Athènes et Rome.
C’est dans cette référence ancienne au « judéo-christianisme » qu’a pu se développer ce qu’on appelle « le sionisme chrétien », l’idée selon laquelle la création de l’État d’Israël et l’installation d’une partie des Juifs du monde en « Terre Sainte » était un préalable à la reconnaissance de Jésus comme le Messie par les Juifs.
Les sionistes chrétiens américains justifient la violence commise par l’État d’Israël et les tensions croissantes dans la région par la réalisation de « l’Apocalypse » de Jean et les grandes batailles qui doivent précéder le retour triomphal du Christ.
Ni sionisme chrétien ni marcionisme
En fait, il vaudrait mieux qu’un Philippe de Villiers ait la lucidité de se présenter comme un « sioniste chrétien », plutôt que de parler de « judéo-christianisme ». Un « sioniste chrétien » allié du « sioniste [juif] » Zemmour. Cela clarifierait les positions.
En défendant le gouvernement israélien comme il le fait, au nom du « judéo-christianisme », Philippe de Villiers oublie qu’il est d’abord un catholique, baptisé et pratiquant la religion de ses pères, fidèles de la Sainte Église romaine depuis des générations. Le sionisme chrétien est incompatible avec le catholicisme.
La vision catholique de la « fin des temps » est très proche de celle du judaïsme traditionnel : nul ne sait quand le Messie (re)viendra. Et rien ne permet de hâter voire précipiter son retour. Ce qui nous sépare des Juifs orthodoxes, c’est qu’ils ne reconnaissent pas la messianité de Jésus. Pour le reste, nous sommes parents en matière spirituelle et métaphysique.
C’est la raison pour laquelle il faut se garder de l’écueil dans lequel tombent certains commentateurs qui condamnent le « sionisme chrétien » et qui rejettent carrément l’Ancien Testament, censé être porteur de la violence « des Juifs ». Cette tendance a existé à toutes les époques de l’histoire du christianisme. Elle porte un nom, le marcionisme, Marcion était un chrétien vivant vers la moitié du IIè siècle de notre ère, qui voulait que l’Église rejette l’Ancien Testament, manifestation d’un Dieu vengeur, par opposition à l’Évangile du Christ.
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