Les nombreuses apparitions de personnages russes connotés négativement sur grand écran en Occident ne doivent rien au hasard, compte tenu du contexte géopolitique actuel.
Sous occupation, une nouvelle série norvégienne, sera bientôt diffusée sur les écrans dans plusieurs pays occidentaux. Selon le scénario, la Norvège se retrouve dans un proche avenir occupée par une Russie désireuse de s’accaparer ses ressources naturelles. D’autres exemples de ce genre laissent comprendre que le « méchant Russe » est de retour sur les grands écrans. Est-ce dû au hasard ou plutôt au contexte géopolitique ?
Guerre froide et émergence du « méchant » d’origine russe sur les écrans
L’image du « méchant russe » a émergé sur les écrans du monde entier à l’époque de la guerre froide.
Dans les films d’action des années 1960-1980, les Russes ont été montrés comme des agents du KGB ou des militaires machiavéliques et cruels, mais pourtant pas très brillants. On pourrait citer les généraux Pouchkine et Gogol dans les films de James Bond, les militaires russes en Afghanistan montrés dans le troisième film de la série Rambo ou encore un boxeur soviétique ressemblant à un robot qui participe à un combat avec Rocky. Le film d’action hollywoodien L’Aube rouge, où l’armée soviétique intervient sur le territoire des États-Unis, est devenu l’apogée de l’affrontement cinématographique entre l’USA et l’URSS.
Pendant la perestroïka, l’image des « gars russes » a subi des changements — ils étaient toujours aussi sévères et laconiques, mais dans le même temps, les Russes ont commencé à aider les super héros américains à lutter contre les « forces du mal ». Un des premiers personnages de ce genre a été le capitaine de milice Ivan Danko dans le film Double détente, interprété par Arnold Schwarzenegger. C’est un des premiers films où l’idéologie était mise au second plan : les représentants de deux puissances luttaient ensemble contre les criminels, souvent également d’origine russe pourtant.
Suite à la chute de l’URSS, un nouveau type de Russes émerge sur les grands écrans — un Russe positif, prêt à venir à la rescousse. Ainsi, dans le film Armageddon, on voit le cosmonaute Andropov réparer le vaisseau spatial des Américains tout en gardant sa chapka et le t-shirt avec une étoile rouge. Dans le film K-19 avec Harrison Ford, des sous-mariniers russes se comportent également comme des héros.
Néanmoins, en général, les clichés sur la Russie avec ses paysages enneigés et les excès de vodka, les balalaïkas, les chapkas dominaient toujours sur les écrans occidentaux.
Nouvelle image de l’ancien ennemi
Dans les années 1990-début des années 2000, les « méchants Russes » ont continué leur apparition sur les écrans.
Pourtant, il ne s’agissait plus de l’ensemble du peuple, mais des rares individus ayant survécu à la chute de l’URSS, comme le général Ouroumov dans le film GoldenEye de James Bond, par exemple, ou le seigneur de la drogue Sergueï Petrovski dans le film L’Effaceur.
Un changement dans la perception de la Russie devient évident — si auparavant l’URSS était montrée comme un pays communiste hostile, la Russie après la chute du régime est devenue un pays de bandits sans merci et d’oligarques, selon les réalisateurs occidentaux.
L’image cinématographique de la Russie : farce ou tendance dangereuse ?
Suite à l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine avec sa politique extérieure indépendante, les « méchants Russes » ont fait leur grand retour sur les écrans. Ainsi, dans le film Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal, les Russes essayent de voler des objets mystiques. Dans le film Iron Man, un ingénieur russe veut tuer le super héros. Dans The November Man, le méchant n°1 n’est autre… qu’un général russe qui a commis un tas de crimes en Tchétchénie et qui cherche à devenir président de la Fédération de Russie. Tout simplement !
L’image cinématographique de la Russie créée par l’Occident pourrait se résumer à une blague absurde, si elle ne risquait pas d’avoir un impact assez grave dans le monde réel.
« Même si les auteurs de la série (Sous occupation) soulignent que l’histoire est inventée et n’a rien à voir avec la réalité, il s’agit d’États réels. Et, malheureusement, la Russie y joue le rôle de l’agresseur. Il est regrettable que les auteurs de la série aient décidé d’épouvanter les téléspectateurs norvégiens avec une menace inexistante venant de l’est dans les “meilleures” traditions de la guerre froide », ont expliqué des diplomates russes en commentant la nouvelle série norvégienne Sous occupation.
Un autre film — Enfant 44 — qui montre l’histoire d’un tueur en série de l’époque de Staline — a été même interdit de diffusion en Russie, car il déforme de façon considérable l’image des citoyens soviétiques.
Selon certains experts, cette nouvelle vague de personnages négatifs d’origine russe sur les écrans occidentaux est due à la politique indépendante et à la position ferme du président russe Vladimir Poutine.
Nina Khrouchtcheva, arrière-petite-fille de Nikita Khrouchtchev qui vit actuellement aux États-Unis, estime que les « méchants Russes » ont toujours été là, en dépit de la fin de la Guerre froide. « Cette tendance n’a jamais changé, la Russie a toujours été perçue comme un ennemi. Et depuis le renforcement du régime de Poutine, il semblerait que la Russie soit perçue non seulement comme un État hostile, mais aussi comme un pays représentant une menace géopolitique », a-t-elle fait remarquer.
Pourtant, certains experts estiment que les méchants d’origine russe pourraient disparaître du cinéma occidental : les producteurs américains risquent en effet de perdre le marché russe, un des dix plus grands marchés cinématographiques au monde.
La bande-annonce de Sous occupation (en norvégien et anglais) :