Dieudonné, à la fin d’un des ses spectacles, il y a 10 ans, chantait « Petit poney, petit poney ». Cela n’avait pas de sens, mais le décalage avec son texte de scène était délicieux.
Il y a 20 ans, sur le minitel rose, des gays s’échangeaient des adresses pour des plans un peu spéciaux. En dehors des rencontres classiques, il y avait les « attelages ». Il s’agissait de passer un week-end à la campagne, dans le parc privé d’un généreux mécène, où les invités – jeunes, de préférence – étaient transformés en chevaux : harnachés, cochés, fouettés toute la sainte journée, et pour leur plus grand plaisir.
« Les goyim sont idolâtres, ils sont comparés aux vaches et aux ânes »
(Talmud, Zohar II 64b)
Qu’est-ce que le pony play ?
Résumé de Paris Match :
« Le pony play est un jeu de domination entre un dresseur et un dressé, harnaché et costumé avec crinière et sabots, qui apprend à se comporter comme un cheval. Ainsi résumée, cette pratique pourrait n’être qu’une bizarrerie de plus dans l’univers varié des jeux de rôles érotiques. Mais le documentaire extraordinaire que France 4 diffuse mardi soir montre tout à fait autre chose. Son jeune réalisateur, Jérôme Clément-Wilz, a suivi le parcours initiatique de Karen, transgenre d’une cinquantaine d’années aux faux airs d’Iggy Pop. Karen, personnalité profonde et émouvante, se rend en Floride pour y retrouver Foxy, dresseur bourru, chasseur et taxidermiste à ses heures perdues. Jérôme Clément-Wilz ne filme pas un banal jeu érotique mais une véritable expérience chamanique transcendée par des images et une musique sublimes. »
Le 7 décembre 2015, la chaîne de (ser)vice public France 4, censée s’adresser « culturellement » aux jeunes, diffuse peu après minuit un sujet sur le « pony play ». Des gays qui se transforment en chevaux le temps d’un rodéo, d’une cavalcade. On est évidemment partagé entre moquerie et pitié. Sauf que cette micro-tendance a un sens profond.
Le personnage central du reportage émet l’idée qu’il pourrait se faire adjoindre des « sabots » afin de devenir vraiment un animal. Ce qui permettrait de faire l’économie d’un néocortex, cette partie du cerveau qui génère la conscience de soi, et donc la souffrance morale, surtout pour les êtres marginaux, ou très différents des autres. Le plaisir d’être un animal s’explique, et pas seulement pour des raisons d’effacement de soi, du moi : il peut s’agir d’un retour au cerveau du mammifère, qui ne se juge pas et qui n’est pas jugé par ses pairs.
Le cerveau limbique, celui des affects et de la mémoire, ne produit pas cette morale qui peut limiter ou empêcher l’action gratifiante. Par exemple, le vol n’existe pas chez les animaux, c’est le plus malin ou le plus agressif qui se sert, point. Chez les hommes, le vol existe aussi, mais il est théoriquement puni. Et même si la sexualité obéit à des lois drastiques chez les animaux, chez les humains, on ne peut pas s’accoupler avec tout le monde, sinon ce serait la partouze généralisée. Il y a un apprentissage social de la retenue.
Ainsi, les produits psychotropes qui « libèrent » l’individu comme le Gamma-OH, expérimenté par les hippies dans les années 60, le coupent en réalité de son « troisième » cerveau, pour laisser libre cours à une certaine animalité, l’instinct étant par définition beaucoup plus débridé. De la sorte, la sexualité – quelle qu’elle soit – peut s’exprimer sans interdit social (« c’est pas bien »), ou blocage moral (« j’ai peur » ou « j’ai honte »).
Après cette petite immersion cérébrale, en élargissant le tableau, on est en droit de se demander si ce désir du retour à l’animal ne serait pas un refuge en des temps où la conscience spécifiquement humaine est soumise à de rudes épreuves. Car la pensée est un poids, une source de souffrances, et la conscience une obligation : celle de voir et, éventuellement, d’intervenir. En redevenant « bête », on s’exonère de ces charges humaines que sont la compassion, la solidarité, l’amour.
- La Marche des Fiertés canines
L’abêtissement programmé par le Système via l’école et les médias produit des humains déconscientisés qui trouvent très confortable de ne plus, ou de moins penser. La pensée, nécessairement anxiogène, pour soi comme pour le Système, est remplacée par le désir de consommation et de divertissement. On peut dire que c’est un détournement de la sexualité, celle de la Bête.
Le journaliste : « Tu crois que les animaux ont une âme ? »
Karen : « Je ne pense pas. C’est possible mais je ne le pense pas. Je ne pense pas non plus que les gens en ont une. »
Ainsi, notre transsexuel ne fait-il qu’incarner, à son corps plus ou moins défendant (il a déjà la crinière, bientôt les sabots, sans parler du reste – la génétique pouvant tout), une tendance générée par le Système sur des sujets consentants. C’est la grande différence d’avec le totalitarisme soviétique qui fonctionnait, faiblesse suprême, sur la contrainte externe. Le tour de force du libéralisme actuel est d’avoir réussi à intérioriser cette « demande de domination ». On retrouve à ce stade le phénomène bien connu en contrée occidentale de régression, ces adolescents prolongés qui ne deviennent jamais complètement adultes. C’est-à-dire maîtres de leurs pensées et de leur destin, un destin qui devrait être unique.
De l’autre côté de la barrière naturelle, chez les femmes, on n’a pas attendu le poney-play pour jouer aux animaux : depuis toujours, les femmes savent jouer avec leur – et notre – animalité, pour le plus grand profit des deux côtés, selon le même système de déconnection des cerveaux spécifiquement humain et animal (le premier cerveau, celui des instincts, étant inaccessible à notre conscience). Par exemple, les femmes, en mettant des chaussures à semelles compensées, singent les grands herbivores. Des sabots aux pieds, ça date de tout temps. Pour se grandir (les femmes mesurent 15 cm de moins que les hommes), pour se cambrer (surtout chez les Européennes, les Africaines en ayant moins besoin) et valoriser leur postérieur, c’est-à-dire pour s’animaliser. Le sabot (patte de vache) ou le talon aiguille (pied de biche) sont des reliquats d’animalité.
Mais revenons à Être cheval, diffusé sur France 4 en pleine Saint Nicolas, l’homme qui reconstituait les enfants découpés par le boucher ! Un film interdit aux moins de 16 ans... Paradoxal, sur la chaîne de la culture pour jeunes. Donc notre transsexuel français part aux États-Unis pour y être entraîné et formé par un vieux cow-boy, qui va faire de lui/elle une « poney girl ».
« Plus l’humain disparaîtra, plus le poney apparaîtra »
La rhétorique de Karen est psycho-sociologiquement juste :
« Regarde les chevaux ils sont cool, ils sont pas malheureux, personne les emmerde, c’est la liberté quand même… C’est un symbole de liberté quand même le cheval... Je peux laisser une partie de ma liberté, c’est comme le bondage c’est moi qui le veux… J’ai jamais voulu grandir dans une société de merde comme ça, dans un monde pourri comme ça. Quand j’étais tout petit j’imaginais ça autrement. Regarde la vie des adultes, regarde la vie des gens, et tout le monde accepte cette vie, vie d’obéissance, de soumission etc., c’est incroyable. Le vrai SM c’est la vie quotidienne des gens, c’est leur souffrance, c’est obéir au patron, obéir à des enculés, etc. etc., c’est pas avoir de fric, c’est mendier, c’est ça le SM. »
Être cheval, partie 1
Être cheval, partie 2
Le reportage a été réalisé par Jérôme Clément-Wilz et produit par Vice France, qui fait partie du groupe média détenu par le banquier de Lazard Matthieu Pigasse. Vice France produit de nombreux documentaires et émissions pour France 4. Le réalisateur a été interrogé par Paris Match.
Karen dit qu’elle laisse quelque chose d’elle même dans ces sessions, qu’elle en sort vidée. Est-ce une expérience aussi positive que cela ?
On peut comparer cette pratique aux sports extrêmes. Un alpiniste va subir le froid, la fatigue, la douleur et même mettre sa vie en jeu. Mais il le fait parce qu’il est poussé par quelque chose de plus fort et qu’il refuse le monde des gens normaux, des « assis » comme dit Rimbaud. On n’est donc pas dans le positif ou le négatif. On est dans une expérience qui casse toutes les limites, celles entre l’homme et la femme, entre l’humain et l’animal, entre la normalité et la folie. Il y a quelque chose de flippant mais aussi de très beau et très fort.[...]
On sent toutefois une faille chez Karen qui dit « je ne me suis jamais senti aimée »…
C’est son histoire. Je ne voulais pas creuser les motifs psychologiques de cette pratique. Ce serait aussi ridicule que de chercher les causes psy de l’homosexualité. Je voulais seulement décrire cette expérience sensorielle. Mais, bien sûr, toute pratique humaine provient d’une quête de reconnaissance et cet abandon mutuel dans le pony play comble cette demande.
Pour finir, la justification morale de Jérôme Clément-Wilz dans Causette ressemble fort à un programme oligarchique LGBT pour le futur :
« Le jeu de rôle animal est un espace de liberté qui attire ceux qui ont le courage de dépasser les limites de genre, d’espèce et d’être. Ils sont comme des enfants, en jeu constant et fluide avec leur identité. On parle d’ailleurs maintenant de "tranimal", mot-valise mélangeant trans et animal. »
Il s’agit de diluer les frontières extérieures et intérieures, ce qui amène à une soumission absolue puisqu’il n’y aura plus ni mal ni bien, et donc plus de combat contre le mal. Seul le Mal régnera. C’est bien le rêve des maîtres du Système, animaliser l’Homme, le ramener au niveau de la Bête. Si ça n’est pas une invitation au satanisme, alors on ne sait pas ce que c’est.