Bernard-Henri Lévy sur toutes les ondes, dans tous les magazines. Parce qu’il a écrit un livre. Et même deux. Or, qui sait de quoi parlent exactement ces livres ? Quelles thèses, quelles théories, quelles visions, il y défend ? Personne. Et au fond, les médias s’en foutent. BHL s’en rend-il compte ? Ce n’est pas le philosophe en lui que les médias invitent ou promeuvent, c’est le « top model », c’est le Rachida Dati de la pensée. Ce qu’il dit finit par n’avoir aucune importance. Son attaque furieuse, forcément furieuse, contre la philosophie « kantienne » des Lumières devrait faire débat. Un débat passionnant sans doute. Mais qui y songe ? A la limite, il y aura quelques articles de complaisance, ou de renvoi d’ascenseur, évoquant cette thématique. Mais jamais la moindre discussion sur son bien-fondé, la moindre analyse de fond.
Ainsi le système BHL se retourne contre lui-même : la mise en scène de la personne a définitivement éclipsé toute approche ou examen de l’œuvre. Le bouton de chemise est devenu plus important que l’idée. Statut humiliant à bien y réfléchir, qu’être un emballage dont le contenu laisse indifférent. Ainsi BHL peut-il écrire dans Le Point que le pape Pie XII en a fait plus contre le nazisme (ou pour s’opposer à la Shoah) que le Général de Gaulle, Churchill et Roosevelt réunis, et ça n’a même pas fait un rond dans l’eau. Il prend une blague de potache pour une réalité philosophique fondamentale, ça ne fait rire que quelques minutes. Autrement dit, la parole BHListe a moins de résonance que celle de Georges Frêche qui peut, lui, provoquer dix fois plus en disant dix fois moins.
Puisse l’auteur de « La pureté dangereuse », un très bon livre, en prendre conscience. Car il vaut mieux, beaucoup mieux, que la farce dont il devient, à son corps défendant, un héros négatif.