Alors que l’annonce du plan d’austérité Cameron n’avait guère mobilisé les foules, des dizaines de milliers d’étudiants ont marché dans les rues de Londres, jusqu’à envahir le siège du Parti Conservateur pour protester contre le doublement des frais d’inscriptions dans les Universités.
Ils étaient nombreux les observateurs attentifs de la vie politique européenne à faire remarquer, non sans une certaine ironie, que quand la moindre « réformette » des retraites en territoire hexagonal faisait descendre des millions de personnes dans la rue, David Cameron pouvait lâcher sur son pays une bombe d’austérité à fragmentation sans le début du commencement d’un frémissement d’hostilité.
Constatant cette différence, l’intellectuel britannique Tariq Ali suggérait dans une tribune publiée par The Guardian que les réformes ultralibérales période Thatcher avaient fini par créer un consensus politique. Alors que la France « se couvre de barricades, que les cuves des stations-service se vident, qu’il n’y a pratiquement plus de trains ni d’avions et que les manifestants haussent encore le ton », les Britanniques sentent eux aussi monter la colère et l’amertume, mais c’est à peu près tout.
A peu près… Mercredi dernier, entre 20.000 et 50.000 étudiants ont convergé vers la capitale, marchant, non sans brutalités, sur le siège du Parti Conservateur. Les raisons d’une telle colère ? Le doublement, puis à horizon 2012, pour certaines facs, le triplement, pas moins, des frais d’inscription à l’université. Si aujourd’hui, ils s’élèvent en moyenne à 3777 euros chaque année. Ils pourront atteindre bientôt 7.000 et même 10.500 euros « dans des circonstances exceptionnelles ». Des tarifs dignes d’une école de commerce française. Objectif : réduire de 40% le train de vie de l’enseignement supérieur d’ici à 2015.
Des mesures qui rapprochent de plus en plus le système britannique du système américain, où les frais de scolarité sont souvent financés par des prêts étudiants pour ceux qui n’ont pas les moyens de payer cash.
Ces réformes « offrent un avenir prospère aux universités, qui auront plus de liberté et elles assurent aux étudiants de la qualité » dans l’enseignement, a estimé devant la Chambre des Communes David Willetts, Ministre de l’enseignement Supérieur et de la recherche. Et aussi des dettes bien lourdes à porter par des étudiants pas encore entrés dans la vie active. Utilisant une techniquement largement éprouvée de ce côté ci de la Manche, un rapport officiel avait déjà été rendu public il y a un mois qui préconisait le déplafonnement total des frais d’inscription. Autant dire que les étudiants peuvent s’estimer heureux…
Grèce, France Angleterre : un effet de contagion ?
« Ce n’est pas juste de faire de nos universités publiques les établissements les plus chers au monde. Il est temps pour les politiciens de reconnaître que l’éducation est un investissement dans notre avenir à tous, pas un boulet qui pèse à notre cou », a affirmé Sally Hunt, secrétaire générale du syndicat des enseignants (UCU, University and College Union). Au cours de la manifestation, des étudiants ont pénétré par la force dans l’immeuble abritant le siège des Tories. Plusieurs vitres ont été cassées. Révélateur de la tension extrême. Un groupe d’étudiants a dénoncé la « la marchandisation de l’enseignement approuvée par le gouvernement de coalition et à sa volonté d’aider les riches pour s’attaquer aux pauvres » avant d’en appeler « à l’action directe pour s’opposer à l’austérité. Ceci n’est que le début de la résistance ».
Visiblement surpris par ces violences, les policiers ont été dépassés et ont tenté de les repousser à coups de matraques. Mais certains sont entrés et d’autres sont même parvenus à accéder au toit pour y déployer des banderoles hostiles au Premier ministre David Cameron, qui a dénoncé ces débordements depuis Séoul. Bilan des affrontements : 14 blessés, dont 7 policiers et plusieurs dizaines d’arrestations.
Cibles de toutes les attaques, David Cameron évidemment, mais aussi le libéral-démocrate Nick Clegg, vice premier-ministre. Au cours de la campagne électorale, ce dernier s’était engagé à ne pas augmenter les frais de scolarité.
Il est depuis accusé d’avoir sacrifié ses promesses de campagne pour former une coalition avec les conservateurs. Nick Clegg a déjà dit qu’il regrettait d’avoir fait une telle promesse, ne se rendant soi-disant pas compte de la gravité de la situation économique britannique à ce moment-là.
Considérés comme une possible « troisième voie », le capital de sympathie des LibDem s’effondre littéralement. Alors qu’il culminait à 72% d’opinions favorables en avril, tutoyant les sommets de popularité d’un Churchill, la côte de Nick Clegg a atteint ces derniers temps un plus bas historique avec 9% d’opinions favorables ! Difficile de tomber plus bas.
Après le coup de massue des annonces, de plus en plus de voix s’élèvent quand même pour contester la rudesse du plan Cameron. Une étude publiée par la société d’assurance Bright Grey révèle que sept millions de Britanniques vivent au-dessus de leurs moyens et sont surendettés. En ce sens, le plan d’austérité Cameron pourrait prendre des allures de drame social. Tout aussi sévère, l’Institute for Fiscal Studies, un organisme indépendant de recherche très influent outre-Manche selon Les Echos, accuse le gouvernement d’avoir concocté un dispositif « régressif » dont les premières victimes des coupes budgétaires sont les sujets britanniques les plus nécessiteux.
Après la Grèce, et la France, certains voient déjà dans ces mobilisations d’outre-manche, le réveil de la jeunesse et de protestations ouvrières. Un effet de contagion. De là à dire que « ce n’est qu’un début… ».