La Grèce ploie mais ne cède pas. Soutenu par ses collègues méditerranéens (Portugal, Italie et Espagne) lors de la réunion de l’Eurogroupe qui se tenait aujourd’hui à Bruxelles, le ministre grec des finances Georges Papaconstantinou a refusé d’allonger encore le catalogue des réformes que son pays s’est engagé à mettre en place.
De retour à Athènes ce soir (15.02) Papaconstantinou a indiqué qu’il jugeait l’action de l’UE très timorée. « La solidarité verbale, c’est bien. La solidarité financière, c’est mieux » a-t-il indiqué à peine débarqué de l’avion qui le ramenait de Bruxelles.
Cette solidarité entre les pays du sud de l’UE n’est pas surprenante. Ils savent très bien que le rouleau compresseur européen va également leur passer dessus, tant la pression de l’euro risque de s’accentuer ces prochaines semaines. Conformément aux prévisions de nos articles de la fin de la semaine dernière, la monnaie européenne à poursuivi sa chute ce lundi (l’euro valait 1,3607 dollar ce soir à 18h00, contre 1,3629 dollar vendredi vers 22h00).
A qui le tour ?
Le PIB de la Grèce ne représente que 2,8% du PIB de la zone euro. Mais après la Grèce, viendra le tour du Portugal (1,8% du PIB de la zone euro), puis de l’Espagne. Et là on ne parlera plus de 2,8% mais de 12% du PIB de la zone euro, ou même de 17,3% si l’Italie avait la mauvaise idée de se joindre à la cohorte des pays blessés.
Il ne faut pas oublier non plus que la France et l’Allemagne sont dans une situation budgétaire à peine meilleure que la Grèce. Ni l’une ni l’autre n’ont les moyens de leurs ambitions.
Grande Dépression
On peut faire confiance aux marchés financiers pour renforcer l’engrenage. Pour les marchés, la solidarité européenne est une promesse de profits garantis par les généreux soutiens annoncés. Si les soutiens européens ne se matérialisent pas, leur réaction sera encore plus violente. Si l’Europe retombe dans la récession, avec un euro en chute libre, les États-Unis ne manqueront pas de suivre. Avec cette fois un problème supplémentaire : les marges d’action sont inexistantes. Les taux d’intérêt sont proches de 0% et personne n’osera prendre le risque d’alourdir les déficits budgétaires. Le spectre de la Grande Dépression, que l’on croyait écarté, se profilerait alors à l’horizon.
Comment mettre tous les budgets sous surveillance ?
Pour l’Union européenne, il n’existe pour l’instant aucun moyen légal de contraindre un pays à abandonner sa souveraineté en matière budgétaire. Le seul accord existant est le Pacte de stabilité, or le Pacte a été ignoré par l’Allemagne et la France en 2003, puis par tous les pays en 2008-2009. Tout au plus peut-il conduire à une sanction financière à l’encontre de la Grèce, au maximum de 0,5% de son PIB.
L’Union monétaire est pour l’instant fondée sur l’abandon de la souveraineté nationale en matière de politique monétaire, et non budgétaire. Ce sont les Grecs qui sont responsables de la dette de leur gouvernement. Les traités sont très clairs : ni la BCE, ni la Commission, ni les pays membres ne sont liés par la situation budgétaire d’un pays membre.
Bien sûr, comme nous l’avons indiqué à plusieurs reprises la semaine dernière, le plan du Président du Conseil européen Herman van Rompuy, avec le soutien des gouvernements de la France et de l’Allemagne, entre autres complices, est d’inaugurer une gouvernance économique européenne, qui aura comme objectif de mettre tous les budgets européens sous surveillance. Mais elle ne pourra être mise en place sans la capitulation des pays membres (et plus particulièrement ceux qui sont directement concernés par un défaut de paiement à brève échéance).
Le fiasco est annoncé
Les dirigeants de l’Union européenne pensaient pouvoir utiliser les marchés financiers (lire les déclarations du patron de l’Eurogroupe dans notre article du 14 février) pour contraindre la Grèce à engager les réformes dont elle ne veut pas. C’est un fiasco complet. Le premier ministre Papandréou s’est ce soir publiquement dit déçu du caractère vague de l’aide européenne. Autrement dit, il se prépare déjà à ne pas céder aux pressions de l’oligarchie financière de Bruxelles. Le peuple grec, qui gronde déjà de colère, lui donnera très vite son soutien. Nous n’allons plus tarder à voir des manifestants brûler en effigie Angela Merkel et Nicolas Sarkozy dans les rue d’Athènes.