Depuis la loi Gayssot, la France a sombré dans un abîme de liberté d’expression à géométrie variable. Il est temps d’en sortir ?
Au commencement était Gayssot. Non, attendez : au commencement était l’« Holocauste ». Par le choix, popularisé dans les années 70, d’un terme issu de l’Ancien Testament pour désigner l’extermination des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, ce génocide était investi d’une signification religieuse. Fait historique, oui, mais aussi Sacré de substitution dans un Occident déchristianisé. Toute l’ambigüité réside dans cette double dimension.
La loi Gayssot, en 1990, interdit la négation de l’Holocauste. Consciente que cette innovation juridique entre en conflit avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui consacre la liberté d’expression, et avec la devise même de la République, la classe politique (députés et sénateurs quasi-unanimes, président de la République, président de l’Assemblée nationale, président du Sénat) décide de ne pas transmettre cette loi au Conseil constitutionnel, de crainte qu’il ne soit contraint de la censurer. En 2010, la Cour de cassation, saisie au titre de la nouvelle procédure de la « question prioritaire de constitutionnalité », entérine ce déni de droit en refusant à son tour de transmettre la loi au Conseil constitutionnel, au motif qu’elle n’aurait pas de « caractère sérieux ». On peut reprocher beaucoup de choses à la loi Gayssot, mais certainement pas de ne pas avoir de « caractère sérieux ».
Cependant, le crime de déni de réalité historique n’est pas la seule nouveauté de la loi Gayssot. Très rapidement, la jurisprudence réintroduit également dans le droit français le délit de blasphème, qui avait été supprimé en 1791 par la Révolution : ce n’est pas le seul déni de l’Holocauste qui est sanctionné, c’est aussi désormais l’irrévérence à son égard. Jean-Marie Le Pen en fait les frais avec son calembour scabreux sur « Durafour crématoire ». Vérité et sacré, Histoire et blasphème se retrouvent donc inextricablement mêlés, cocktail explosif dans un pays laïc. Ce n’était d’ailleurs pas la passion de la vérité historique qui animait M. Gayssot : apparatchik de longue date du Parti communiste, il en avait fidèlement épousé toutes les justifications alambiquées des crimes de l’URSS (le Goulag ? quel Goulag ?).
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