Un groupe de diplomates français fustige, dans une tribune publiée dans Le Monde, l’“amateurisme” de la politique extérieure du président de la République.
Après les magistrats, les diplomates ? Accusé à demi-mots par l’Élysée et le gouvernement ne n’avoir pas anticipé le renversement de Ben Ali en Tunisie, le Quai d’Orsay se rebelle. Rien de très démonstratif pour l’instant mais, dans une tribune cinglante publiée cet après-midi dans Le Monde, un groupe de diplomates anonymes éreinte la politique extérieure de Nicolas Sarkozy. Évoquant la Tunisie, l’Égypte, mais aussi les relations franco-mexicaines affectées par l’affaire Cassez, le groupe “Marly” – du nom du café parisien où ces diplomates, actifs et retraités, se sont réunis près du Louvre – rejette la responsabilité des “déboires” récents de la politique extérieure française sur le président de la République et son entourage.
“À l’écoute des diplomates, bien des erreurs auraient pu être évitées, imputables à l’amateurisme, à l’impulsivité et aux préoccupations médiatiques à court terme”, écrit ce groupe. “Un WikiLeaks à la française permettrait de vérifier que les diplomates français ont rédigé, comme leurs collègues américains, des textes aussi critiques que sans concessions”, ajoutent ces diplomates piqués au vif par le renvoi à Paris de l’ancien ambassadeur à Tunis, Pierre Ménat. Ce dernier a été remplacé par un proche de Nicolas Sarkozy, Boris Boillon, dont les débuts ont été marqués par plusieurs couacs.
Visiteurs du soir
“La politique suivie à l’égard de la Tunisie ou de l’Égypte a été définie à la présidence de la République sans tenir compte des analyses de nos ambassades. C’est elle qui a choisi MM. Ben Ali et Moubarak comme piliers sud de la Méditerranée”, s’emporte le groupe Marly, qui parle de l’Union pour la Méditerranée, “lancée sans préparation” et “sinistrée”, ou de la politique au Moyen-Orient, “qui est devenue illisible, s’enferre dans les impasses et renforce les cartes de la Syrie”.
Frappé par les restrictions budgétaires, court-circuité par la cellule diplomatique de l’Élysée, secoué par la polémique sur le voyage de Michèle Alliot-Marie en Tunisie fin 2010, le Quai d’Orsay est en pleine dépression, comme l’illustrent les propos de ces diplomates dans Le Monde. “Nous sommes à l’heure où des préfets se piquent de diplomatie, où les plumes conçoivent de grands desseins, où les réseaux représentant des intérêts privés et les visiteurs du soir sont omniprésents et écoutés”, écrivent ceux-ci, désabusés.