PSA, Renault et Total en tête, les entreprises françaises sont pressées de revenir en Iran après l’accord provisoire sur le nucléaire, mais la partie est loin d’être gagnée, s’accordent experts, diplomates et industriels.
Sous l’égide du Medef, une délégation d’une centaine d’entreprises, dont plusieurs du CAC 40, se rendra dans le pays début février pour renouer les contacts, après la levée partielle des sanctions économiques occidentales cette semaine.
Après deux ans de sanctions européennes et de pressions américaines sur les entreprises travaillant en Iran, la porte s’ouvre à nouveau sur un marché de quelque 80 millions d’habitants, les quatrièmes réserves pétrolières et les deuxièmes réserves gazières mondiales.
"On est sur un accord provisoire, qui ouvre un processus et qui suscite des espoirs. Mais sur le fond, il y a quand même des obstacles", résume Francis Perrin, directeur de la publication de la revue Pétrole et gaz arabes et expert du Moyen-Orient.
Le premier d’entre eux tient à l’accord diplomatique lui-même. D’une durée de six mois, il ne lève que très partiellement les sanctions économiques.
"Il y a encore un problème de flux d’argent, puisque les sanctions bancaires et financières restent en vigueur, et à partir de là c’est compliqué", souligne une source gouvernementale française.
Faire oublier qu’on est parti
Dans le meilleur des cas, on ne devrait pouvoir à commencer à discuter de contrats qu’à la fin de l’année, reconnaît une source industrielle.
Seuls secteurs pour lesquels les sanctions sont levées : l’or et les métaux précieux, les produits pétrochimiques (mais pas pétrole, gaz et carburants) et surtout l’industrie aéronautique - avec une forte pénurie de pièces détachées pour les Boeing et Airbus - et l’automobile.
C’est sans doute dans ce dernier que les choses pourraient aller le plus vite. Renault et surtout PSA, qui avec les constructeurs locaux Iran Khodro et Saipa ont assuré plus d’un tiers de l’importante production iranienne (1,6 million de véhicules en 2011). Divisée par deux en 2013, celle-ci est aujourd’hui exsangue.
"Il y a besoin de tout sur place. L’industrie depuis cet été a été complètement dévastée, des usines qui tournaient à très faible capacité n’ont pas redémarré depuis le Ramadan de juillet-août", souligne Stéphanie Vigier, experte de l’automobile au Moyen-Orient chez IHS.
"Mais PSA et Renault ne seront pas traités de la même façon", explique-t-elle. "Le premier est parti dès 2012, en abandonnant tout abruptement, tandis que Renault n’a gelé ses activités qu’en 2013, en gardant une présence dans le pays".
Autre défi : la nouvelle concurrence des marques chinoises, non concernées par les sanctions, qui occupent désormais près de 8% du marché, contre 1,4% en 2011, selon IHS.
"On est assez vigilants là-dessus", reconnaît Jérôme Stoll, directeur commercial de Renault. "L’allemand Daimler devrait lui aussi revenir en force en Iran", selon Mme Vigier.
Quant à PSA, qui peine à convaincre que son départ précipité d’Iran n’était pas lié aux négociations de rapprochement avec l’américain General Motors, il s’agira d’abord de recoller les morceaux, selon l’analyste.
"Les Iraniens sont très sensibles aux marques de confiance, comme le fait de rester alors que les choses vont mal dans le pays", souligne une chef d’entreprise européenne installée de longue date en Iran. Les entreprises qui sont parties reviendront, mais elles paieront le prix fort.
Le come-back américain
Une remarque qui vaut aussi pour la ligne dure de Paris vis-à-vis de Téhéran, de la présidence Sarkozy à la position de Laurent Fabius lors des négociations de novembre.
"On ne peut pas dire que la France soit en odeur de sainteté", s’inquiète un participant de la délégation du Medef.
D’autres comme Francis Perrin soulignent que l’Iran, quoique redoutable négociateur, sait se montrer pragmatique.
"Pour l’autre grande bataille économique qui s’annonce, celle du pétrole, à Téhéran, on n’oublie pas que Total a été le premier grand groupe étranger à braver les sanctions américaines en 1995", souligne M. Perrin.
Mais il faudra compter sans doute compter avec les Oil men américains, barrés de l’Iran depuis deux décennies. Même si Barack Obama devra sans doute batailler au Congrès, voire avec les Saoudiens, très mal disposés à l’égard de Téhéran.
"La porte n’est plus du tout fermée pour les Américains, et si l’on s’en tient aux acteurs iraniens du secteur des hydrocarbures, elle est même grande ouverte", souligne Francis Perrin.
Avec les Européens (Total, Shell, Eni, Statoil, BP), le ministre iranien du Pétrole Bijan Zanganeh a ainsi récemment cité deux Américains, Exxon Mobil et ConocoPhillips, dans sa liste de candidats préférées pour revenir en Iran.
La priorité devrait être le développement de la partie iranienne de South Pars, qui a pris beaucoup de retard sur son voisin qatari dans l’exploitation de cet énorme gisement.