Avant le 7 janvier 2015, c’était facile d’être anti-Charlie : les dessins étaient de plus en plus bien-pensants, de moins en moins drôles, les textes de plus en plus cons et de plus en plus tristes. Elle était loin, la période dorée (1970-1982) où Wolinski, en tant que patron du titre, publiait des planches Buzzelli et des dessins pas très sionistes !
Après le 7 janvier 2015, être anti-Charlie, c’est presque choisir le camp du Mal, c’est pas facile. Mais c’est possible.
- Cette couv aurait fait la une du Charlie de Val mais au premier degré, et Val aurait viré Reiser comme il a viré Siné
Après la reprise du titre en 1992 par le grand pédopsychiatre Philippe Val, le journal mettra 15 ans à devenir un brûlot sioniste et islamophobe. La suite, c’est un ou des services de renseignements qui l’écriront, en éliminant opportunément une équipe, certes techniquement talentueuse, mais amenée par la paire Val-Fourest au bord du précipice. Il suffisait de deux tordus, ou trois (où est passé le chauffeur ?) pour achever ce tournant idéologique de la gauche non conforme, ou non socialiste, choquer les Français et renverser la vapeur politique dominante. En période de crise capitaliste, il est bon de se recréer un nouvel ennemi, Daech en l’occurrence, parce que le Russe, c’est un peu mort : les Français aiment bien le Russe ! Même aux States, l’anti-russisme ne fonctionne plus, et Biden a beau se démener, il a déjà la cervelle au cimetière. Imaginez un fight dans l’octogone entre Poutine et Biden...
On dit ça, c’est pour récupérer les jeunes qui seront immanquablement déçus par le papacitisme, qui a évidemment misé sur le mauvais cheval. Car en ce qui concerne les élections truquées d’avril 2022, il n’y a PAS de bon cheval ! Vous croyez que le Système va prendre le risque de vous proposer un candidat de qualité pour la France ? Ne rêvons pas, les éliminatoires, ça sert à ça, à éjecter du jeu politique officiel les Soral qui présentent un danger pour l’oligarchie. En même temps, si Soral gouverne un jour la France, chacun espère, à E&R, ne pas faire partie des inévitables purges qui ensanglantent toute prise de pouvoir. Pour ceux qui s’intéressent à la politique chinoise des années 1920 à 1950, tout n’est que purges et contre-purges avant la victoire finale. Et après aussi. Staline a fait pareil : après avoir utilisé la force révolutionnaire des vrais bolcheviques, il a dû les remiser au placard ou les éliminer parce que prendre le pouvoir, ce n’est pas la même chose que le conserver. C’est de la realpolitik, voilà tout.
Éliminer les éliminateurs
Les frères Kouachi, donc, ignorant à peu près tout de la grosse machine qui leur a permis de passer à l’acte en ouvrant les bonnes portes (baisse de la sécurité des locaux et des employés du journal, augmentation de la provocation en interne), parce que dans certains domaines le lien entre les exécutants et les commanditaires est ténu, voire coupé (revoir l’élimination quasi systématique des chaînons intermédiaires qui mènent à la tête de la pieuvre dans The Irishman), ont réalisé un coup politique qui les dépasse. Eux se sont vus comme les vengeurs du Prophète, d’autres, au-dessus, ont bien saisi le cui bono politique de l’opération. Il suffisait d’amener ce journal progressivement à l’islamophobie à coups d’étincelles (les caricatures du Prophète et les unes) pour en faire une cible sacrificielle, justifier l’incendie, et exploiter le massacre, ce qui a été fait dans les grandes largeurs.
"La grande leçon des attentats contre Charlie, c’est que l’esprit des Lumières, le recul et l’insolence restent les meilleurs des antidotes à la folie fanatique."
✍️ L'édito de Caroline Fourest#CharlieHebdohttps://t.co/wMQ6I0HijH
— Marianne (@MarianneleMag) January 7, 2022
C’est avec le temps que les ingénieries se dessinent, quand la fumée et la poussière sont retombées. On évacue la passion, il reste les faits, et leur progression logique, inexorable. De la même façon, le Bataclan avait été ciblé depuis 7 ans au moins avant le fatidique 13 novembre 2015. Deux Arabes aux vies déchiquetées, croyant se choisir, ont donc été choisis pour déchiqueter l’équipe de Charlie Hebdo, et ensuite, comme pour les one shot (les tueurs extérieurs) de la mafia, ils ont été éliminés. On dira que c’est le GIGN, mais du GIGN aux Kouachi, on est toujours dans les exécutants... et les exécutés.
Loin de toute récupération
Justice est faite, mais pas information. Sept ans plus tard, on a une pensée pas factice pour les familles des victimes, que ce soit les deux policiers, les employés du journal et le garde du corps, mais on comprend que l’émotion et la souffrance bloquent la compréhension globale de cet attentat. Maryse Wolinski, qui vient de disparaître, a eu des doutes, mais il est difficile de s’extraire de son cas personnel pour raisonner avec froideur. Pour cela, il ne faut pas appartenir au premier cercle, celui qui reçoit les éclats, ni au deuxième, qui souffre des effets secondaires (par définition) issus du premier cercle, mais au troisième. De la même façon, on peut arriver à comprendre l’origine d’un signal quand on étudie ses ondes dans l’espace et dans le temps, même beaucoup plus tard.
Sauf que tout le monde ne veut pas comprendre, et préfère ressentir. C’est moins dangereux.
C’était un matin de janvier, il y a déjà 7 ans. Je pense à nos amis de Charlie Hebdo, à Ahmed Merabet, à Clarissa Jean-Philippe, et aux victimes de l’Hyper Cacher. Que leurs proches, qui vivent chaque jour avec le poids de cette absence, sachent que nous n’oublierons jamais. pic.twitter.com/Usq15RfcBz
— François Hollande (@fhollande) January 7, 2022
Lui, il ose tout : c’est lui qui a tué les libertés, pas les frères Kouachi !
Il y a 7 ans, la Nation était attaquée pour l'un de ses biens les plus précieux : la liberté.
Nous ne vous oublions pas. pic.twitter.com/ysvJ9ytRyO— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) January 7, 2022
Charb était communiste, ce qui ne l’empêchera pas de présider le prix de la laïcité (un euphémisme) en 2012, soutenu par le grand mécène progressiste Pierre Bergé.
L’hommage chiant des cocos résiduels, ou comment tuer Charlie une seconde fois
C’est pourquoi, neuf ans plus tard, un néocommuniste rend hommage au journal. Voici Fabien Roussel, qui pense que les employés du journal ont été tués parce qu’ils « étaient des hommes libres, amoureux de l’être humain » (sauf des beaufs, des patriotes et des croyants) :
« Je formule le vœu que Charlie Hebdo continue de vivre, pour leur montrer qu’ils [les méchants, NDLR] n’ont pas gagné, je formule le vœu que l’on continue de rire et que l’on continue de caricaturer sans contrainte. (...) Et je conclus mon propos par une phrase de Paul Éluard qui disait “la douceur d’être en vie est la douceur de savoir que nos frères sont morts pour que nous puissions vivre libres”. »
Dans le monde merveilleux de Bergé, Schwab et Macron ?