Deux associations révèlent que l’accaparement des terres agricoles par des sociétés d’investisseurs et des entreprises progresse fortement en France. Et mettent en péril l’emploi paysan et l’agriculture biologique. La France a perdu plus de 100 000 fermes en dix ans et 80 000 emplois agricoles, d’après le dernier recensement agricole datant de 2020.
En France, chaque année, de plus en plus de sociétés financiarisées font main basse sur des milliers d’hectares de cultures agricoles. Un accaparement qui progresse et qui inquiète les associations environnementales Terre de liens et Les Amis de la Terre. Car, qui dit agrandissement des terres, dit généralement destruction de l’emploi paysan et ralentissement des pratiques agroécologiques. Celles-ci détaillent le phénomène dans deux rapports publiés ce mardi 28 février, en marge du Salon de l’agriculture.
L’étude de Terre de liens dévoile des chiffres inédits sur l’état de la propriété des terres agricoles françaises, les derniers rapports sur le sujet remontant à 1982 et 1992. Alors qu’à l’époque, l’accaparement des terres était quasiment inexistant, le phénomène de concentration est aujourd’hui en pleine expansion. Pour l’analyser, l’association a agrégé les rares données disponibles. Deux conclusions s’en dégagent. La première est que quatre millions de petits propriétaires privés, dont la majorité ne sont pas des agriculteurs et ne connaissent pas le métier, se partagent 85 % des surfaces agricoles françaises. Le terrain qu’ils possèdent tourne en général autour des cinq hectares seulement.
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Contrôler toujours plus de terres
Un second phénomène vient se superposer à ce paysage en pleine recomposition. Un nouveau type d’acteur a émergé en trente ans : les « sociétés agricoles financiarisées », écrit Terre de liens. Ces sociétés — où toute personne, physique ou morale, peut acquérir des parts même si elle n’a rien à voir avec l’agriculture — contrôlent actuellement 14 % de la surface agricole utile française, par achat, ce qui représente 650 000 hectares, ou location. Actuellement, une ferme sur dix est enregistrée sous ce statut.
« La Roumanie, où des multinationales possèdent des exploitations de 65 000 hectares et où 40 % des exploitations sont détenues par des investisseurs montre vers quoi l’agriculture française se dirige si rien n’est fait », alerte le rapport des Amis de la Terre.
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Destruction d’emplois
Ces très grandes exploitations détruisent les écosystèmes et l’emploi, expliquent Les Amis de la Terre. Le recensement agricole de 2020 a ainsi permis de constater que la France avait perdu plus de 100 000 fermes en dix ans, et 80 000 emplois agricoles. « L’agrandissement des exploitations agricoles va le plus souvent de pair avec l’agrandissement des parcelles, l’arasement des haies et le retournement des prairies permanentes au profit de cultures céréalières », décrit le rapport.
Enfin, plus elles s’agrandissent, moins les exploitations ont besoin de main-d’œuvre. « Une grande exploitation de 100 hectares emploie en moyenne 2,4 personnes, tandis qu’une petite exploitation en emploie 4,8 », lit-on dans l’étude. Des ouvriers agricoles souvent au statut précaire (CDD, saisonnier, travailleurs détachés).
Bientôt une agriculture sans paysans ?
Parmi tout cela, une autre question se pose : près de la moitié des agriculteurs seront en âge de partir à la retraite d’ici 2030. Or, « les deux tiers des terres qui changent de main vont à l’agrandissement », note Tanguy Martin. Le gouvernement peut décider de laisser faire, ou orienter ces terres vers de nouveaux agriculteurs formés à l’agroécologie.
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Les Amis de la Terre préconise ainsi une mesure choc : qu’une personne physique ne puisse pas posséder plus de 300 hectares de surface. Terre de liens, quant à elle, déploie une série de suggestions pour améliorer la transparence de la propriété et la régulation des terres agricoles.