Depuis quelques années se diffusent en France un certain nombre de technologies françaises ou étrangères dans le milieu viticole. Ces technologies diverses sont censées résoudre des problèmes, améliorer l’existence des viticulteurs et des vignerons, faciliter leur travail… et parfois tromper le consommateur. Elles mettent dans leur ensemble en danger les traditions viticoles de l’Hexagone et par là, toute une profession, un des trésors de la France.
Il s’agissait, m’expliqua-t-il, de Gamay dit « teinturiers » ainsi qualifiés pour leur pouvoir extraordinaire à donner généreusement de la couleur. Eux aussi… ils étaient interdits, mais plantés là par son père, afin de renforcer sa cuvée de Sancerre rouge, c’était un petit truc d’ancien, quelques ceps disséminés astucieusement dans la masse de la parcelle. Ces savoirs malheureusement se perdent, au fil des arrachages, ou de la méconnaissance des plus jeunes. Alors lorsqu’une cuvée réticente bloque sa fermentation, il est plus facile d’avoir recours à un produit pourtant terrifiant, et malheureusement tout à fait autorisé sur le sol français : les levures dites « killer », « tueuses », dont le nom est en deçà de la réalité.
Au milieu des milliers d’espèces de levures, quelques-unes agressives ont été isolées par des chercheurs. Elles sont produites artificiellement et vendues aux vignerons comme l’arme ultime pour de bonnes fermentations… Elles attaquent et tuent les levures indigènes contenues dans les raisins, puis ayant un très fort rendement consommation de sucre/alcool, font leur œuvre, tout cela dans une parfaite légalité. Selon les fabricants, la chance que ces levures colonisent le vignoble français est faible… le produit est utilisé dans le chai… c’est oublier que dans bien des traditions viticoles, les raisins ne sont pas égrappés, et il faut bien faire quelque chose de cette rafle (les parties vertes)… elles sont souvent versées aux alentours des domaines, dans les coins près des vignes…
Or, ces levures indigènes sont l’essence même du goût, de l’arôme. En consommant le sucre, tout en produisant du gaz carbonique pour le transformer (en schématisant) en alcool, les levures indigènes qui sont des milliers d’espèces sont toujours typiques d’un terroir bien précis. En les remplaçant ou les éliminant, le vigneron ne fait qu’uniformiser son vin, au goût d’un anglo-saxon, au goût du marché, au goût finalement de la facilité. Il le rend commun, semblable à son voisin, et au final le marché ne se porte pas mieux de cet artifice technologique. Entre tous ces produits, que choisir ? Dès lors, surtout en Bourgogne, la région la plus dense au monde d’appellations différentes, l’uniformisation en marche ne peut que lui nuire, l’histoire des clones dans les vignes se répète.
À cette lumière, le consommateur doit bien comprendre, qu’il se trouve le « dindon de la farce », que les régions françaises s’appauvrissent, et je ne vous conte pas d’autres fantastiques découvertes, comme les copeaux de chêne aromatisés, technique australienne présentée comme salvatrice des forêts ancestrales (déjà disparues), qui n’est autre qu’une autre mascarade, qu’une escroquerie de plus. La technologie n’est pas un mal lorsqu’elle se trouve au service de l’homme, et non des profits. La France ne devrait pas oublier que sa richesse vient de la terre, de ses vignes aussi, en jouant aux apprentis sorciers c’est avec tout un pan de son histoire et de sa culture que quelques décideurs et marchands de poudre de perlimpinpin sacrifient, c’est une partie de l’âme française qui est vendue sur les étals et que personne ne pourra plus recouvrer.