Le philosophe Bernard-Henri Lévy avait fortement incité en mars 2011 Nicolas Sarkozy à intervenir en Libye. Il répond aux attaques dont est l’objet l’ex-président après le drame des migrants.
Alors que la Libye implose sous les yeux impuissants de la communauté internationale, la gauche ne rate pas une occasion de réclamer des comptes à Nicolas Sarkozy.
C’est alors qu’il était à l’Élysée que la guerre contre Kadhafi avait été déclenchée, en mars 2011. Poussé par le philosophe Bernard-Henri Lévy, Sarkozy avait lancé, après l’adoption d’une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU, des avions de chasse français contre les chars libyens en route vers Benghazi, fief de la contestation.
Quatre ans après, la Libye est en plein chaos. Les milices armées se battent entre elles pour le contrôle du pouvoir, le sud du pays est devenu un sanctuaire terroriste, les jihadistes de Daech se sont implantés dans la région de Derna. Quant au trafic des migrants vers l’Europe, il n’a jamais été aussi soutenu.
Face à ce terrible bilan, Bernard-Henri Lévy n’éprouve « aucun » regret et s’en explique, défendant le choix de Sarkozy et demandant « de la patience ».
Quatre ans après la chute de Kadhafi, la Libye sombre dans le chaos. Vous qui aviez conseillé Nicolas Sarkozy à l’époque, éprouvez-vous des regrets ?
Bernard-Henri Lévy : Aucun. Car Kadhafi c’était déjà le chaos, déjà l’absence d’Etat. Et c’était en plus une dictature féroce. Après, c’est vrai qu’on ne construit pas une démocratie en un jour. Il faut du temps. De la patience. Cela suppose du sang, des larmes, souvent des retours en arrière. Et la Libye en est, certes, encore à ce stade. Mais regardez la France. Il y a fallu vingt-cinq ans pour conclure 1789. Presque un siècle pour arriver à la République. Alors, j’aurais aimé, bien sûr, que les choses aillent plus vite. Mais qu’un pays délivré de décennies de tyrannie en passe par cette période de troubles et de tumulte était sans doute, hélas, inévitable.
La gauche reproche à l’ancien président de ne pas avoir assuré le « service après-vente » à Tripoli. A-t-elle tort ?
Là aussi, les choses doivent être nuancées. C’est vrai qu’il y a eu défaillance, qu’on a eu tort de croire que l’affaire était réglée sous prétexte que le dictateur était défait. On a là une nouvelle illustration de ce « messianisme démocratique » qui est l’une des illusions les plus nocives de la modernité et qui consiste à croire que la démocratie tombe du ciel, comme ça, du jour au lendemain, par une espèce de providence. Mais à qui la faute ? Il ne vous a pas échappé que « l’ancien président » a perdu les élections en France juste après avoir gagné la guerre en Libye. Donc ce « service après-vente » c’est à lui, mais aussi à la gauche, qu’il incombait et qu’il incombe toujours…