Si l’on en croit les médias, (car quand il ne s’agit pas de faire la guerre il leur arrive de donner de l’information), le Qatar ferait cavalier seul en Libye. On sait que c’est le seul pays agresseur qui a pu dépêcher des troupes au sol et qui a le privilège de bénéficier de la proximité linguistique et religieuse. Ce qui lui donne une place de choix dans l’accès au gâteau.
Mais, arrêtons-nous sur cette réaction médiatique. Elle est pour le moins très significative de l’ambiance d’après « victoire ». L’Emirat agace au plus haut point. Il paraît même qu’il serait le « grand vainqueur de l’intervention occidentale ». Notons au passage son inclusion-exclusion et admirons la formule. Le Qatar n’est pas un pays occidental et l’intervention est occidentale.
S’il en est le « grand vainqueur » c’est qu’il se serait emparé de la proie après que les prédateurs l’aient terrassée. De ce fait, il encoure les foudres des pays de l’Alliance peu enclins à le laisser faire. Il suscite déjà la colère de la bande de Benghazi qui, comme tout le monde l’a remarqué, n’a jamais brandi d’autres drapeaux que ceux des Occidentaux.
Cette colère est assortie du refus de se vassaliser à un Arabe. Ce serait descendre plus bas dans l’indignité dans laquelle le CNT/OTAN se trouve et dont le chef a loué les bienfaits du colonialisme italien, mieux acceptable que celui d’un bédouin. De plus, le propriétaire du QG militaro-médiatique, Al Jazeera, s’est mis dans la poche les « rebelles » islamistes, les plus déterminés, les plus aguerris et les moins proches férus de « démocratie ».
En plus de ses propres troupes, il dispose, au moins, des hordes d’Abdelhakim Belhaj, d’Ismael Salabi, de la Katiba des Martyrs d’Abu Salim, dirigée par Abu Sofiane Qumu, un ancien de Guantanamo et de la Katiba Obaida Ibn Jarrah. Au-delà de la mouvance islamiste, le Qatar engrange une grande sympathie des brigades berbérophones du Djebel Nefoussa, auxquelles il a livré des armes fournies par Nicolas Sarkozy.
Tripoli peut donc attendre longtemps les gars de Benghazi. Ils ne viendront pas et les armes continueront de servir le désormais véritable pouvoir, celui de ces jeunes qu’on a cru pouvoir exhiber, impunément, pour faire accroire à l’opinion publique internationale qu’une « révolution » avait eu lieu en Libye. Est-ce une carte entre les mains de Hamad le qatari ?
On ne peut rien savoir de précis, tant la situation est confuse. Seulement, ce qui peut être confirmé c’est que l’émir tient bien, pour le moment, à faire valoir la place qu’on lui a accordé quand on a eu besoin de ses journalistes et de la caution arabe.
Chose qu’il sera difficile de lui refuser, sans faire voler en éclats cette image d’une coalition désintéressée et sans remettre en cause une dynamique où le petit pétromonarque continue d’assurer un rôle de premier plan dans la reconfiguration du « monde arabe ».
De jolis rebondissements, donc, en perspective et beaucoup de situations inattendues. L’affaire libyenne aura tenu ses promesses jusqu’au bout de ne jamais laisser le mensonge étouffer la vérité d’un crime.